Édition internationale

« Au fond, tout est simple » : l’exploit himalayen de Véronique Messina

Orthophoniste installée de longue date à Phnom Penh, Véronique Messina vient de boucler la Helloo 135. Elle a fini en 41 h 44 une course de 217 km dans l’Himalaya sur l’axe Manali–Leh (nord de l’Inde), une des routes carrossables les plus hautes du monde, avec plusieurs cols frôlant ou dépassant les 5 000 m.

Veronique Messina 13Veronique Messina 13
Écrit par Raphaël FERRY
Publié le 14 septembre 2025

« Sur cette autoroute indienne, parfois lisse, parfois défoncée, on court au milieu des camions, des taxis, des Royal Enfield… et sans réseau. C’est brut, minéral, magnifique », confie-t-elle.

 

Veronique Messina 1

 

Un format « sur-mesure » et une logistique minimaliste

La Helloo 135 fait partie du Great Himalayan Running Festival, aux côtés du High 5 (cinq marathons en cinq jours) et de la Hell Race (480 km, l’autoroute entière). Pas de balisage ni de ravitaillement officiels : chaque coureur organise sa stratégie.
« J’étais la seule au départ sur ma distance. L’organisation met un chauffeur et un équipier à disposition : le mien s’appelait Prince. Il m’a accompagnée pendant 42 heures. Je lui disais : “j’ai faim”, “il me faut mes bâtons”, “je dois dormir” ; il trouvait une échoppe, un dhaba, ou un endroit pour une sieste. Sans lui, je n’aurais pas fini.”
Au total, 2 h 10 de sommeil, pris en deux pauses. « Le chronomètre ne s’arrête jamais : pour avoir le temps de dormir et manger, il faut courir le reste du temps, sinon la barrière de 45 h est impossible à tenir. »

 

Veronique Messina 1

Douter, apprendre… et prendre une revanche

Cette histoire s’écrit sur plusieurs années. En 2023, inscrite au High 5, Véronique abandonne après le deuxième marathon, victime d’un mal aigu des montagnes à Sarchu (4 200 m). « J’ai été hospitalisée. J’aurais pu renoncer à l’altitude. Au contraire, j’ai voulu comprendre. »
En 2024, retour sur le High 5, qu’elle termine : « J’étais la première femme à finir ces cinq marathons-là. Je me suis prouvé que c’était possible. »
En 2025, elle choisit la Helloo 135. « J’ai douté longtemps, surtout la seconde nuit : les paupières tombaient, j’avançais en zombie. Prince a dit : “Veronica, you have to sleep.” Quarante minutes de vrai sommeil et, à l’aube, renaissance. Au dernier col, le Baralacha La (≈5 000 m), j’ai su que j’irais au bout. »
À l’arrivée, une satisfaction simple : « Je suis revenue à Sarchu souriante, là même où j’avais été hospitalisée. Une revanche douce. »

 

Comment s’entraîner… depuis Phnom Penh

Comment préparer une épreuve d’altitude en vivant à zéro mètre d’altitude, dans une ville aussi plate que Phnom Penh ? « Je suis arrivée deux semaines avant en Inde pour m’acclimater. Le reste de l’année, à Phnom Penh, je travaille le fond : environ deux heures de sport par jour en semaine (course, vélo, renforcement), plus long le week-end. »
Pour simuler le dénivelé : « Monter et descendre les marches du stade olympique et le tapis de course incliné. Pas besoin de courir à 10 km/h : il faut un corps tonique, endurant, et ne jamais forcer en altitude. On avance, mais sans être dans le rouge. »

 

« Comment tombe-t-on dans l’ultra-trail ? »

« J’ai commencé à courir au Cambodge en 2012. Les semi-marathons m’ont vite ennuyée ; j’ai cherché “trail Cambodge”… Il n’y en avait qu’un, Global-Limits, organisé par un Allemand devenu un ami depuis : 220 km en six jours. J’y suis allée. J’ai fini, première femme, en me disant “plus jamais”. Puis j’ai changé d’avis, et il y a eu le Sri Lanka en 2015, et j’ai adoré. Ensuite, le Bhoutan, le Népal, des déserts, des lacs gelés… L’ultra est devenu ma façon de voyager et de découvrir le monde. »

Conseils pour débuter la course à pied

Pour celles et ceux qui souhaitent se lancer, Véronique recommande d’y aller progressivement, en alternant course et marche, et surtout en apprenant à se connaître sans se laisser obséder par la montre. Elle insiste aussi sur l’importance de la musculation, notamment de la sangle abdominale et du dos, pour éviter de s’affaisser pendant les longues heures d’effort. Courir en groupe peut être stimulant, surtout quand on commence : au Cambodge, le sport se développe avec de nombreuses petites courses de 5 ou 10 km le week-end et des trails locaux. Pour affronter la chaleur, elle préfère courir très tôt le matin et savourer son lever de soleil quotidien, moment qu’elle considère comme une véritable récompense. Enfin, côté équipement, des chaussures légères et confortables sont essentielles, avec une bonne accroche en trail. « Il faut aimer ce qu’on fait, conclut-elle. Je n’aime pas le sprint ni le goût du sang dans la bouche, ni courir après le chrono. Mon plaisir, c’est l’expérience. »

« En ultra, les femmes partent sur la même ligne »

« En ultra-trail, mêmes parcours pour femmes et hommes, élites et amateurs mélangés. Après 20–24 heures d’effort, tout le monde a mal ; ce qui fait avancer, c’est la motivation, pas les gros muscles. Si seulement les femmes osaient davantage… »

 

Veronique Messina

250 km le long du Mékong : un défi solidaire pour Pthea Clara

Comme chaque fin d’année, Véronique co-organise au Cambodge les “250 km du Mékong”, un défi sportif sans chrono au profit de l’ONG Pthea Clara.
« On limite à 20–25 participants pour la logistique. Hébergements simples : camping, chez l’habitant, pagodes, centre de yoga. On cherche la rencontre avec les habitants, pas l’hôtellerie. La “sélection” ? Bonne humeur, débrouillardise, savoir suivre une trace GPS, et le sourire du début à la fin. L’objectif n’est pas le temps, mais se dépasser et faire connaître et récolter des fonds pour Pthea Clara. Les inscriptions sont ouvertes. »  En suivant ce Lien Facebook

 

ptea clara.

L’exploit accompli par Véronique Messina force le respect : parcourir 217 kilomètres en moins de deux jours, à des altitudes vertigineuses et dans des conditions extrêmes, sans presque dormir, relève d’une performance exceptionnelle. Pourtant, à l’écouter, rien n’est jamais dit avec emphase. Elle parle avec simplicité, comme si l’essentiel n’était pas la gloire mais la découverte, l’expérience et le chemin parcouru. Cette humilité, alliée à une détermination sans faille, fait d’elle une source d’inspiration pour toutes celles et ceux qui rêvent de se lancer un jour dans l’aventure de l’ultra-trail.

Veronique Messina 1

Crédit photos GHRF sauf Ptea Clara

Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.

Flash infos