Une grippe aviaire peut en cacher une autre. Au moment où la Chine est aux prises avec une nouvelle souche de la maladie, le Cambodge essaye de comprendre pourquoi le virus H5N1, apparu dans la région en 2003, a refait surface, plus mortel que jamais.
Huit personnes dont six enfants sont mortes depuis le début de l'année soit, en trois mois, près d'un tiers des 27 victimes déplorées dans le royaume depuis 2003. Plus de 13.000 poulets sont morts ou ont été abattus.
Les autorités observent avec inquiétude la propagation du virus H7N9, qui a fait sept morts en Chine depuis février. "Nous surveillons, nous sommes en alerte constante", a admis Sok Touch, chef du bureau de surveillance épidémiologique du ministère de la Santé à Phnom Penh. Mais pour l'heure, le H7N9 n'est qu'une menace. Le H5N1, lui, tue déjà.
Pourquoi cette année plus que les années précédentes ? Aucun des experts interrogés par l'AFP n'a semblé avoir la réponse. "Il y a des pièces manquantes dans le puzzle", admet Lotfi Allal, un expert de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). A l'approche du nouvel an khmer à la mi-avril, lors duquel les ventes de poulets et de canards explosent, les responsables de santé publique sont sur le pied de guerre. "Nous ne pouvons pas dire que c'est sous contrôle", confirme Sonny Krishnan, porte-parole de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Le virus H5N1, surtout présent chez les volailles et les oiseaux sauvages, n'a fait que 360 morts depuis son apparition en 2003 car il se transmet difficilement chez l'homme. Il présente en revanche un taux de mortalité de 60%. Au Cambodge, la forte mortalité est en partie attribuée à un mauvais diagnostic, selon Krishnan, qui explique que la maladie est souvent confondue avec la typhoïde ou la dengue. "Au moment où les patients arrivent à l'hôpital, c'est trop tard", relève-t-il. "C'est aujourd'hui notre plus grand défi".
Comme plusieurs autres pays de la région, le Cambodge est particulièrement vulnérable: la grande majorité de ses 20 millions de volailles vivent librement dans les villages, côte à côte avec les humains, par opposition aux usines ultra-surveillées d'Europe ou de Thaïlande. Et il est souvent difficile de convaincre un paysan dont les volailles sont malades que la seule solution est de les abattre et d'alerter les autorités. "Les gens connaissent la grippe aviaire, mais ils ne veulent pas se débarrasser des oiseaux parce qu'ils sont pauvres", explique Ouer Srey, 52 ans, qui élève sept poulets dans sa cour de la province de Kandal (sud). "Il y a deux semaines, beaucoup de poulets sont morts dans mon village. Nous ne savons pas ce qui les a tués. Mais certaines personnes ont mangé les poulets morts".
Si les gens ne changent pas leurs habitudes, "cela va être difficile d'éradiquer le H5N1 au Cambodge", confirme Allal. Mais en dépit d'une information correcte de la population, une vaccination nationale est "irréaliste", selon l'expert. Et les compensations pour les abattages ne sont pas incitatives. Les autorités tentent donc de mettre en place un réseau de surveillance et d'information accrue, appelant les habitants à signaler immédiatement les oiseaux morts, à ne pas les manger et à tenir les enfants à l'écart.
Le virus H5N1 se transmet jusqu'à présent de l'animal à l'homme. Mais les scientifiques craignent qu'une mutation ne permette des contaminations d'homme à homme, ce qui pourrait déclencher une pandémie. La Banque mondiale estime qu'un tel scénario coûterait plus de 3.000 milliards de dollars, ou 4,8% du PIB planétaire.
AFP (http://www.lepetitjournal.com/cambodge) Mardi 9 avril 2013