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ENTREPRENARIAT - Les rois de l'épice

Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 6 juin 2011, mis à jour le 14 novembre 2012

Deux copains de 40 et 36 ans qui se lancent dans le commerce du poivre. Ça se passe à Phnom Penh. Bruno Dubigeon et Ananda Motte ont fait le pari fou d'exporter 14 tonnes hebdomadaires d'épices Khmères vers l'Europe.

(crédit photo : Eric Kuoch)

La grille s'ouvre sur une petite cour. Les arbres chevelus protègent le petit atelier du soleil. Vingt employés, parés d'un masque, d'une blouse blanche légère et d'une petite coiffe, s'appliquent à répéter inlassablement les mêmes gestes. Ici, la senteur du poivre prend au nez. L'atelier de tri de la Timor Trade se situe à l'angle de la rue 322 et de la rue 63. Autrement dit, en plein coeur de Phnom Penh.

Un Vespa jaune mode rétro bobo est garé devant la porte de la boutique qui jouxte le petit entrepôt de poivre. Un détail pas si anodin. Bruno Dubigeon, le Français, est arrivé il y a trois ans. Il a posé ses valises au Cambodge pour faire affaires. Ananda Motte, le Belge, court l'Asie du Sud-est à la recherche de produits provenant d'endroits dont on ne soupçonne même pas l'existence. Mais cela fait maintenant trois mois que leur route les a amenés à se poser dans la capitale cambodgienne. Prendre le temps pour une entreprise un peu folle. Ils se sont lancés comme défi d'exporter 0.1% de la production mondial de poivre dans un premier temps. Mais leur objectif avoué est plus ambitieux. "Pour nous, le but c'est d'arriver à faire 1% du poivre mondial en juillet", s'enthousiasme Bruno.

Leur petites graines d'épices, ils l'ont trouvé à Kompong Cham. Le célèbre poivre de Kampot ne les intéressait pas.  "Très bonne qualité, mais trop petite quantité", explique Bruno. Il faut dire que la concurrence est rude pour ce poivre qui a fait la renommée de cette région côtière du Sud du Cambodge. "On a préféré aller voir les paysans de Kompong Cham, qui produisent un poivre dont la souche est la même que celle de Kampot", explique Bruno. Son Eldorado épicé, il l'a trouvé avec sa femme coréenne. "On est tombé sur des exploitations de poivre qu'on ne connaissait même pas. Des endroits qui ne sont même pas indiqués sur les cartes", poursuit- il. Leur stratégie est simple pour se procurer la précieuse épice. Payer les fermiers 15% de plus que le prix pratiqué par les anciens commanditaires japonais et thaï. Un prix fixé autour de six dollars le kilo. Le prix du marché mondial en somme. Ils ont donc tout à y gagner.

Un bon filon à exploiter

Les deux compères ont tous deux été formés à la même école de commerce, l'Insead. Et ils ne sont pas du genre à tergiverser. Trois mois de réflexion, de préparation et leur première livraison est quasiment prête. "Nous, on est des gens qui n'hésitent pas. Bien sûr, on a pensé à tout. Il faut minimiser les risques", répondent en c?ur Bruno et Ananda.

Le processus de production reste artisanal : livraison de 14 tonnes par semaine de poivre, tri en trois étapes, pour être bien sûr que seuls restent les grains de poivre dans les sacs prêts à être livrés. Tout se fait à la main ici. Chaque ouvrière dispose de deux plateaux en osier, un grand et un petit. Il faut être sûr de récupérer la moindre feuille ou brindille. Deux équipes se relaient tous les jours. Vingt ouvriers le jour, vingt ouvriers la nuit. Payés cinq dollars, leur salaire est presque le double de la moyenne nationale au Cambodge. "On peut se le permettre, car on se fait une marge suffisante sur la vente de notre production", explique Bruno Dubigeon.

Leur petite entreprise ne vient que d'éclore. La première cargaison va en direction de l'Europe, plus précisément vers l'Allemagne. Nos voisins germaniques sont parmi les plus importants importateurs de poivre. Bruno, l'homme en jean basket, est tout sourire, son associé, Ananda, plus dans le style businessman, lui reste assez réservé. Ils croisent les doigts, si tout va bien, les premières 14 tonnes de leur or noir à eux, voguent déjà vers le lointain Occident.

Eric Kuoch (www.lepetitjournal.com/cambodge) Lundi 6 juin 2011

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Publié le 6 juin 2011, mis à jour le 14 novembre 2012

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