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Deux ans de prison pour un fixeur cambodgien accusé de fake news

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Ratt Roth Mony, lors de son transfert au tribunal. Photo fournie
Écrit par Pierre Motin
Publié le 1 juillet 2019, mis à jour le 1 juillet 2019

Le fixeur et interprète Rath Rott Mony, arrêté en décembre après avoir travaillé sur un documentaire à propos de la prostitutions des mineures, a été condamné le 26 juin à deux ans de prison.

Rath Rott Mony, un fixeur cambodgien qui avait participé à la réalisation d’un documentaire de la chaîne RT sur la prostitution des mineures, a été condamné le 26 juin à deux ans de prison pour « incitation à la discrimination ». Les ONG de défense des droits de l’homme condamnent unanimement ce verdict.

Rath Rott Mony a travaillé comme fixeur - un terme désignant une personne qui sert d'intermédiaire, d'interprète et de guide à un journaliste à l’étranger - pour une équipe de RT - anciennement Russia Today - venue au Cambodge tourner un documentaire sur la prostitution des jeunes filles mineures diffusé en octobre 2018. Le film avait provoqué la colère du gouvernement lors de sa diffusion conduisant Rath Rott Mony à fuir en Thaïlande pour demander l’asile politique. En décembre, il était arrêté par la police thaïlandaise et extradé au Cambodge, où il est détenu depuis.

D'après un porte-parole du ministère de l’Intérieur cambodgien, Rath Rott Mony est accusé d’avoir acheté des témoignages et diffusé des « fake news offensant la nation ». « Ceci n'est pas une condamnation pour avoir parlé du trafic sexuel... C'est un message au public d'arrêter avec les fake news », a déclaré pour sa part Phay Siphan, porte-parole du gouvernement cambodgien.

Condamnation des fake news contre intimidation des médias

Phil Robertson, de l'ONG Human Rights Watch, a accusé le gouvernement cambodgien de vouloir faire taire un individu « qui a alerté la communauté internationale d'une réalité qui dérange. L'industrie du sexe au Cambodge fait travailler des filles de moins de 18 ans et le gouvernement échoue à trouver une solution adéquate », a-t-il ajouté.

« Manipulations des témoins par la police, mépris des éléments apportés par la défense… Depuis le début de l’affaire, l’instruction a été menée uniquement à charge, a déclaré Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières (RSF). Il est temps de mettre un terme à cette mascarade judiciaire et laisser Rath Rott Mony recouvrer la liberté. Son seul crime a été d’aider à faire la lumière sur une question d’intérêt public. »

D’après RSF, le dossier monté par le bureau du procureur se base sur les témoignages de cinq plaignantes qui apparaissent dans le film, qui affirment que le fixeur les aurait achetées. L’ONG souligne que ces témoignages n’existent que sous forme écrite. Jusqu’à l’audience de clôture le 12 juin 2019, aucune des témoins n’est venue s’exprimer devant la cour. L’épouse de Rath Rott Mony, Long Kim Heang, considère que les plaignantes ont fait l’objet de pressions ou de menaces pour porter plainte, et que son arrestation est un moyen de faire pression sur les autres médias.

Une autre inconsistance du dossier pointée par RSF est que le fixeur est désignée par l’instruction comme co-réalisateur du documentaire, alors que la chaîne RT a indiqué à plusieurs reprises que Rath Rott Mony n’a été embauché par l’équipe de réalisation qu’au seul titre de « fixeur et interprète », et qu’il n’avait aucun pouvoir sur le fond et le récit du film.

Le Cambodge se situe à la 143e place sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.

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Publié le 1 juillet 2019, mis à jour le 1 juillet 2019

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