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CAMBODIAN FORGOTTEN SONGS - Redonner vie aux chansons khmères tombées dans l’oubli

Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 12 septembre 2013, mis à jour le 8 février 2018

Produit par le centre Bophana, Cambodian Forgotten Songs: Eight Songs from Our Ancestors invite à redécouvrir les sons et traditions d'un passé khmer décomposé par le temps et les tumultes de l'histoire.  Cet album est le deuxième volume de ce qui pourrait devenir l'une des collections musicales les plus précieuses du royaume.

"Ça a été un travail de longue haleine", confie Chea Sopheap, coordinateur du projet ?Cambodian Forgotten Songs, volume 2?, qui fait suite à un premier album sorti en 2009. Responsable des archives et chercheur au Centre Bophana depuis 5 ans, ce diplômé d'histoire revient sur les étapes qui ont permis de redonner vie à huit chansons cambodgiennes oubliées, dont les plus anciennes remontent potentiellement à l'époque pré-angkorienne.

A la base de ce projet, un recueil intitulé Chansons cambodgiennes, publié en 1921 par la Société des études indochinoises. Dans ce livre rare d'une valeur historique exceptionnelle, le Français Albert Tricon a retranscrit les paroles les partitions de 54 morceaux traditionnels khmers, estimant que c'est à travers ses chansons populaires que l'on peut découvrir et comprendre "l'état d'esprit d'un peuple". Avec l'aide du Professeur Yun Kean, enseignant à l'Université Royale des Beaux-arts et Conseiller auprès du Ministère de la Culture et des Beaux-arts, ainsi que d'une équipe d'experts cambodgiens en musicologie, 8 de ces chansons anciennes sont sélectionnées, dans le but d'être rejouées et enregistrées. "Les chansons choisies sont des chansons tombées dans l'oubli, aujourd'hui méconnues du public, mais aussi des chansons qui disent quelque chose de l'histoire, des coutumes et des croyances de l'époque", explique Sopheap. Ainsi retrouve-t-on dans l'album trois Areak, des chansons dédiées aux esprits, qui témoignent de croyances animistes cambodgiennes préexistant aux courants hindouistes et bouddhistes. Plus récents, les morceaux "Barang Srao Pua" et "Svai Muy Mek", qui évoquent les relations économiques entre le peuple khmer et les étrangers, remontent très probablement à l'époque du protectorat français.

Combler les silences du passé

Pour remettre ces chansons en musique, un travail minutieux d'écoute, de recherches et d'analyses a été mené sur les mélodies afin de rester le plus fidèle possible aux versions originales? que personne n'a d'ailleurs jamais écouté. La partie la plus ardue du projet, selon Sopheap : "Albert Tricon a retranscrit les mélodies à partir d'un piano, suivant le solfège occidental. Il a fallu retravailler les partitions, note par note, ton par ton, pour obtenir un résultat plausible." Par exemple, le roneat, xylophone tradionnel largement utilisé dans la musique khmère, ne joue pas de demi-ton : le professeur Yun Kean a dû réécrire les partitions en prenant en compte les spécifités du système khmer de notation musicale. Sopheap, qui n'a pas de formation en musicologie, évoque de longues discussions "très techniques, entre experts de haut niveau". Une fois les musiciens trouvés, plusieurs versions d'essai ont d'ailleurs dû être proposées avant l'enregistrement final.

Mais l'effort en valait bien la peine. Pour Sopheap, ces chansons anciennes dégagent une poésie et une beauté aujourd'hui inégalées. Il évoque notamment un système de versification en 4 syllabes, "l'un des plus anciens de l'histoire", des rimes et un vocabulaire très riches. De quoi inspirer la nouvelle génération des artistes cambodgiens ? Sopheap fait remarquer que de nombreux jeunes ont manifesté de l'intérêt pour cet album, dont la soirée de lancement a lieu vendredi 13 septembre au centre Bophana. "Je ne sais pas s'ils s'en inspireront, mais c'est un héritage culturel que les jeunes sont heureux de revendiquer." Au niveau de la diffusion, 2.000 copies physiques de l'album seront vendus et distribués, notamment auprès des bibliothèques et des écoles de musique. Les morceaux pourront également être téléchargés sur le site de Bophana et passeront sur les ondes locales.

Le jeune historien et archiviste pense déjà, lui, à sortir le volume 3 de "Cambodian Forgotten Songs". Aujourd'hui, il parcoure les provinces du pays à la rencontre des maîtres, musiciens, habitants, qui pourront l'aider à retrouver des paroles, un air, un refrain pour combler les silences du passé? et l'aider à orchestrer ce grand projet de mélodie et de mémoire.

Cambodian Forgotten Songs, vol. 2, production du Centre de Ressources audiovisuelles Bophana, avec le soutien de l'Ambassade des Etats-Unis à Phnom Penh. Photographies du projet par Vann Channarong.

Soirée de lancement le vendredi 13 septembre 2013 à 18h00, avec une performance live des musiciens
au Centre Bophana
64, rue 200 à Phnom Penh

Céline Ngi, jeudi 12 septembre 2013

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Publié le 12 septembre 2013, mis à jour le 8 février 2018

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