Battambang, ville d’art, de culture et d’architecture. Depuis quelques années, la deuxième ville la plus peuplée du pays accueille de nombreux architectes tentant de préserver son riche patrimoine.
Battambang est aujourd’hui l’une des seules grandes agglomérations cambodgiennes à échapper à la fois aux grands projets immobiliers d'investisseurs étrangers comme ceux pullulant à Phnom Penh et à la frénésie touristique, comme celle de Siem Reap. La ville du nord-ouest cambodgien devient par conséquent le terrain de jeu de quelques architectes et designers venus chercher l’inspiration d’une ville mélangeant des bâtiments aux inspirations coloniales et un centre-ville aux codes architecturaux khmers.
C’est le cas d’Emma Jarrige, architecte française, installée au Cambodge depuis deux ans. Elle soutient notamment que de nombreuses ressources sont présentes autour de Battambang avec de nombreux artisans spécialisés : « Pour les architectes étrangers, souvent contraints financièrement, Battambang est une véritable mine d’or. J’ai dessiné une large partie des meubles de l’hôtel The Place et les ai faits confectionner par des artisans de la région ». Après avoir rénové un immeuble de quatre étages qu’elle a transformé en auberge de jeunesse, l’architecte designer s’est attelée à la rénovation de l’ancienne congrégation chinoise, qui a vécu ses plus belles années au début du 20e siècle. Un véritable défi mais également une formidable occasion de participer à la rénovation d’un monument aussi emblématique du Battambang d’autrefois.
La plupart des ensembles architecturaux ont échappé aux destructions massives dues à la guerre, mais également aux importants investissements étrangers qui ont vu de nombreuses habitations cambodgiennes se faire remplacer par des tours d’appartements destinées à des clients plus aisés, comme cela été le cas dans les quartiers centraux de Phnom Penh. Et à la différence de Siem Reap, les établissements pour touristes n’ont pas encore envahi le centre-ville.
De la maison du gouverneur, symbole de la période coloniale, à la façade de Wat Pipetharam, emblème de la présence thaïlandaise, se dessine l’histoire d’une ville aux 1000 vies, passée entre les mains du royaume du Siam voisin puis sous le protectorat français à partir de 1907. Le centre-ville regorge de façades de boutiques à inspiration chinoise, héritage de la politique d’encouragement française envers les commerçants chinois afin de dynamiser une ville encore endormie au début du siècle dernier. Enfin, notamment aux alentours de la maison du gouverneur, on peut découvrir les traces laissées par le prince Sihanouk, alors premier ministre, qui, après l’indépendance du royaume en 1953, y installa une cour de justice et un aéroport. Aujourd’hui hors d’usage, ce dernier, situé à l’est de l’agglomération, est devenu un véritable lieu de rencontre pour tous les habitants de la province de Battambang.
Mais l’ombre des investissements immobiliers d’envergure et du tourisme de masse se rapproche. Très peu de tours s’élèvent actuellement à Battambang mais quelques panneaux de promoteurs sont visibles devant certains terrains vagues du centre-ville. Siem Reap reste encore la ville la plus touristique de la région, mais le calme et l’influence artistique de Battambang commencent à faire concurrence à la ville des temples d’Angkor. Cette nouvelle industrie du tourisme a d’ailleurs inspiré Emma Jarrige et son partenaire de travail cambodgien, qui est aussi guide touristique, pour organiser des tours de la ville axés sur toutes les inspirations architecturales qui ont façonné Battambang depuis sa création : « Notre but, avec mon associé cambodgien, est de sensibiliser les touristes de passage ainsi que les quelques expatriés de Battambang à la préservation d’un patrimoine architectural unique dans le pays. »