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Phare, l’oasis artistique de Battambang

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Représentation de l'école des arts du spectacle de Battambang. Crédits : Victor Bernard
Écrit par Victor Bernard
Publié le 14 novembre 2018

L’école Phare Ponleu Selpak est une institution au Cambodge. Elle fait la renommée de Battambang depuis plus de 30 ans, en formant des générations d’adolescents aux métiers de la création artistique.

Phare Ponleu Selpak est l’école artistique la plus réputée du pays. Cette école devenue ONG s’est fixée pour but de sortir un maximum d’enfants de la pauvreté et des violences auxquelles ils sont trop souvent exposés en les formant aux arts du spectacle, plastiques et visuels.

Faire renaître l’art au Cambodge, après la barbarie khmère rouge

Créée dans le milieu des années 90 par neuf artistes rescapés du régime khmer rouge à leur retour d’un camp de réfugiés en Thaïlande, l’école Phare avait pour but de proposer aux jeunes survivants du régime, un cursus pédagogique axée autour de la création artistique.

De cette vision d’origine, il reste une volonté ancrée dans la philosophie de Phare d’ouvrir ses cursus à tous les enfants, sans considération d’âge, de milieu social ou bien de revenus familiaux. Devenue avec le temps une véritable institution dans la région, Phare offre à tous ses étudiants un programme complètement gratuit, grâce auquel les élèves bénéficient même de bourses pour soutenir leurs familles.

Ce système vise les enfants défavorisés des campagnes aux alentours de Battambang pour qui l’accès à l’éducation est souvent compromis. Les professeurs utilisent l’art comme une thérapie permettant aux étudiants d’exprimer leurs émotions, et parfois leur traumatisme, à travers leurs créations. 

En effet, la proximité de la région avec la frontière thaïlandaise offrait un terreau fertile aux trafiquants qui proposaient aux familles de faire travailler leurs enfants dans le pays voisin.. Ces situations tournaient rapidement à l’exploitation, voire à l’esclavagisme et la plupart de ces victimes étaient rapatriés au Cambodge par la police thaïlandaise. Ils étaient ensuite confiés à des ONG, dont Phare. Certains des élèves de l’école sont par conséquent arrivés  sur les bancs des classes avec un traumatisme mental extrême. L’école a par ailleurs ouvert un centre médical qui traite parallèlement les blessures dues aux activités physiques , le stress mais également les souffrances mentales plus profondes.

 

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Trapéziste de l'école Phare à Battambang. Crédits : Victor Bernard

 

Aujourd’hui, environ 800 élèves sont inscrits à Phare dès le jardin d’enfants, dont environ 250 dans des cursus professionnels, visant l’intégration sur le marché du travail dès l’obtention de leur diplôme. Pour le reste les classes sont catégorisées comme des activités de loisir. L’école publique jouxtant le campus scolarise 1000 élèves et les autorise à pouvoir profiter des activités d’éducation artistique de Phare lorsque ceux-ci n’ont pas cours. La renommée de l’école est telle qu’un très grand nombre de ces jeunes participent effectivement à ces activités, sans même que leurs parents ne soient au courant.

Une école diversifiée, tournée vers la professionnalisation de ses élèves

L’école Phare dispose de quatre départements très spécifiques, une école d’arts visuels, une école des arts du spectacle, une école de musique et une école de théâtre. De plus en plus axée vers la professionnalisation de ses élèves, Phare conduit ses étudiants vers les filières les plus prometteuses en matière d’emploi, notamment celle des arts visuels qui regroupe le design et le graphisme, deux domaines connaissant un boom majeur qui suit le développement économique du pays.

En 2013, l’ONG Phare décide d’ouvrir à Siem Reap un cirque professionnel, devenu en cinq ans l’une des attractions majeures de la ville des temples d’Angkor, dont les rues ne désemplissent jamais de touristes. Les artistes sont tous d’anciens élèves de l’école de Battambang et y sont payés décemment, chose rare pour les professions artistiques au Cambodge.

L’école se félicite de proposer une insertion professionnelle quasi instantanée après l’obtention du diplôme. Les élèves sortant de la filière des arts visuels iront travailler pour la plupart à Siem Reap ou Phnom Penh. Pour les diplômés des arts du spectacle, le cirque professionnel Phare de Siem Reap reste la voie la plus courante pour vivre de son art après ses années d’étude. Celui-ci emploie circassiens, comédiens et musiciens.

Selon le directeur de l’école des arts visuels Srey Bandaul, « le Cambodge ne conçoit malheureusement pas encore l’art comme un marché et peine à offrir de véritables opportunités professionnelles pour les étudiants dont l’activité n’a pas un intérêt marchand direct, comme peut l’avoir celle des graphistes. D’où notre volonté de créer le cirque professionnel de Siem Reap ».

 

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Représentation des élèves devant les bâtiments de l'école de cirque. Crédits : Victor Bernard

 

Un financement innovant

Phare Ponleu Selpak représente un modèle financier particulier d’un mélange entre école et ONG. Sans frais de scolarité et octroyant à ses élèves une aide financière considérable, un apport financier extérieur régulier est crucial pour la survie du projet. Malgré les recettes des spectacles dans les deux villes (spectacle étudiant trois fois par semaine à Battambang et spectacle professionnel chaque soir à Siem Reap) et les tours du campus à destination des touristes, les dons, notamment internationaux, sont primordiaux. L’Agence française du développement et l’Union européenne, par exemple, sont les principaux bailleurs de fond de l’école des arts visuels, dont la rénovation a été financée majoritairement grâce à leur soutien. Leur financement est complété par de nombreux donateurs privés, essentiellement étrangers. Le budget de l’école est évalué à 900 000 euros par an.

Depuis quelques années, notamment après l’ouverture du cirque de Siem Reap, Phare Ponleu Selpak est devenue une marque emblématique de l’art au Cambodge et gage d’une valeur artistique certaine. La boutique de l’école sert donc également à financer les projets et payer les membres de l’administration ainsi que les professeurs, qui forment une équipe pédagogique et administrative de 96 personnes.

Chaque rénovation des bâtiments est financée en partie par le soutien d’institutions publiques, mais également par crowdfunding. Le chantier des locaux de l’école de musique, qui a commencé il y a peu, a déjà récolté plus de 80 000 dollars grâce au financement participatif.

Lorsqu’il est question du futur de l’école et de ses projets, la réponse des directeurs est claire. Selon Kuhon Det, directeur de l’école des arts de la scène, « Pour l’avenir, nous nous focalisons sur les communautés d’où sont issues nos élèves, en tentant d’apporter l’art et la création artistique directement au sein de ces familles, parfois isolées ». Phare travaille en partenariat avec tous les centres artistiques de Battambang, galeries musées etc. « Mais nous tentons de plus en plus d’être indépendants et que l’école devienne un acteur majeur de région de Battambang et non pas simplement une étape touristique dans la découverte du Cambodge pour les étrangers », ajoute Kuhon Det.

 

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Une fresque murale de l'école à Battambang. Crédits : Victor Bernard 

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Publié le 14 novembre 2018, mis à jour le 14 novembre 2018

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