Le gouvernement indien conteste fortement la position de l’Inde dans l'indice de performance environnementale (IPE) 2022 mesuré par les universités de Yale et de Columbia et publié début juin 2022. Sur les 180 pays analysés, l’Inde obtient le plus mauvais score et se classe donc bon dernier. Le ministère de l'environnement a publié une réfutation affirmant que les indicateurs utilisés dans l'évaluation sont basés sur des "hypothèses infondées”.
Qu’est ce que l’Indice de Performance Environnementale (IPE) ?
L'Indice de Performance Environnementale (IPE), publié le 6 juin, a été élaboré par un groupe de scientifiques provenant d'instituts tels que les universités de Yale et de Columbia. Il analyse 40 indicateurs de performance (comme les niveaux de particules et les émissions de gaz à effet de serre prévues) répartis en 11 catégories (dont la qualité de l'air et l'atténuation du changement climatique). Ces indicateurs sont ensuite utilisés pour classer les 180 pays en fonction de leurs "progrès en matière d'amélioration de la santé environnementale, de protection de la vitalité des écosystèmes et d'atténuation du changement climatique". Selon le rapport, la méthodologie a été affinée au cours de deux décennies et elle s'appuie sur les données les plus récentes.
Selon cet indice, quatre pays - la Chine, l'Inde, les États-Unis et la Russie - représenteront plus de 50 % des émissions mondiales résiduelles de gaz à effet de serre en 2050 si les tendances actuelles se maintiennent et 24 pays seront responsables de près de 80 % des émissions de 2050, à moins que les décideurs ne renforcent les politiques climatiques et que les trajectoires d'émissions changent.
Seuls quelques pays - dont le Danemark et le Royaume-Uni - sont actuellement en mesure d’atteindre la neutralité en matière de gaz à effet de serre d'ici 2050. De nombreux autres pays sont sur la mauvaise voie et on observe une augmentation rapide des émissions de gaz à effet de serre dans les grands pays comme la Chine, l'Inde et la Russie.
L'analyse des données montre que les ressources financières, la bonne gouvernance, le développement humain et la qualité de la réglementation jouent un rôle important dans l'amélioration de la durabilité d'un pays.
Pays les moins performants
Rang |
Pays |
170 |
Ghana |
171 |
Soudan |
172 |
Turquie |
173 |
Haiti |
174 |
Liberia |
175 |
Papouasie Nouvelle Guinée |
176 |
Pakistan |
177 |
Bangladesh |
178 |
Vietnam |
179 |
Myanmar |
180 |
Inde |
Pays les plus performants
Rang |
Pays |
1 |
Danemark |
2 |
Royaume Uni |
3 |
Finlande |
4 |
Malte |
5 |
Suède |
6 |
Luxembourg |
7 |
Slovènie |
8 |
Autriche |
9 |
Suisse |
10 |
Islande |
11 |
Pays-Bas |
12 |
France |
Que conteste le gouvernement indien dans le rapport de l’IPE ?
Le 8 juin, le ministère de l'environnement, des forêts et du changement climatique a rejeté le classement IPE de l’Inde, alléguant que l'indice est basé sur "des suppositions et des méthodes non scientifiques”. Dans un communiqué de presse, le ministère a énuméré plusieurs préoccupations concernant la méthodologie, comme le fait que l'IPE ne tienne pas compte des données historiques de l'Inde sur les émissions de gaz à effet de serre et la façon dont le classement et l'importance de certains indicateurs environnementaux ont changé.
Cependant, le scientifique principal de l'IPE a répondu aux allégations du ministère en déclarant que le rapport a toujours classé les pays en fonction de l'état actuel des conditions environnementales et non en fonction des émissions historiques ou des intentions politiques.
Sur la base des dernières connaissances scientifiques et des données environnementales les plus récentes, l'Inde se classe au bas de l'échelle de tous les pays de l'IEP 2022, avec des scores faibles sur une série de questions critiques. La détérioration de la qualité de l'air et l'augmentation rapide des émissions de gaz à effet de serre posent des défis particulièrement urgents.
Les scores IPE de l’Inde en fonction des catégories
L'Inde était au 168eme rang en 2020 avec un score de 27,6. Elle est aujourd’hui 180ème avec un score de 18,9 et se classe après le Pakistan, le Bangladesh, le Vietnam et le Myanmar, les pays les moins performants.
Le Danemark est en tête de liste avec un score de 77,9, la France 12ème avec un score de 62,5.
L'Inde est proche du bas du classement pour un certain nombre d’indicateurs :
- la gestion des déchets (151)
- la politique climatique (165)
- l'indice d'habitat de la biodiversité (170)
- les prévisions d'émissions de gaz à effet de serre (171)
- les particules fines PM 2,5 (174)
- les métaux lourds comme le plomb dans l'eau (174)
- l'indice de protection des espèces (175)
- la vitalité des écosystèmes (178)
- la biodiversité (179)
- la perte de zones humides (179)
- la qualité de l'air (179)
L'Inde a également obtenu de mauvais résultats en matière d'État de droit, de contrôle de la corruption et d'efficacité du gouvernement, selon le rapport.
En Inde en 2022, la qualité de l’air est la plus mauvaise au niveau mondial
L’Inde présente l'une des pires qualités d'air au monde et abrite 21 des 30 villes les plus polluées. Le rapport indique en outre que l'Inde sera le deuxième émetteur de gaz à effet de serre en 2050, responsable de 11% des émissions résiduelles, à moins que les dirigeants ne renforcent
les politiques climatiques du pays.
L'utilisation de combustibles domestiques est le principal responsable des émissions de particules en Inde, suivie par des contributions presque égales de l'industrie et de la production d’électricité.
La pollution de l'air provoque plus de 1,6 million de décès par an en Inde ce qui représente environ 18 % de la mortalité totale et causeraient 30 milliards de dollars de pertes économiques. Le rapport recommande pour améliorer la qualité de l'air de réduire la pratique des brulis dans l’agriculture et d’adopter les politiques réussies récemment mises en œuvre en Égypte qui recyclent la biomasse au lieu de la brûler.
En réponse au nombre croissant de victimes de la pollution atmosphérique, le gouvernement indien a mis en place le National Clean Air Program qui vise à améliorer la qualité de l'air de 20 à 30 % d'ici 2024 dans 122 villes. Certains experts doutent toutefois de l'efficacité de ce programme, qui manque d'informations détaillées sur les ressources techniques et financières nécessaires à sa réussite.
L'Indonésie et l’Inde sont les deux principaux producteurs de déchets plastiques marins
Mais, l'Inde suit une voie opposée à celle de l'Indonésie, même si pour l'instant le pays est encore derrière l'Indonésie en termes de pollution plastique absolue, à 13 % du total mondial. La quantité de plastique générée par les Indiens chaque année est en augmentation.
En 2018, le gouvernement indien a pris une mesure positive en annonçant des plans visant à éliminer progressivement les plastiques à usage unique d'ici 2022, mais le succès de ces programmes reste encore à prouver.
Le défi auquel l'Inde est confrontée s'applique à l'ensemble du monde en développement. Les cinq principaux producteurs de pollution plastique océanique - l’Indonésie, l'Inde, les États-Unis, le Brésil et la Thaïlande - sont responsables de 43 % de la pollution plastique océanique mondiale.
De grandes disparités dans les scores IPE des pays d’Asie du Sud
L'écart entre les scores des pays d'Asie du Sud est l'un des plus importants de toutes les régions.
L’Asie du Sud est l'une des plus grandes de toutes les régions, reflétant une large gamme de
de développement économique et d'efficacité des gouvernements.
La région est particulièrement touchée par la pollution atmosphérique. Parmi les cinq derniers pays dans la catégorie Qualité de l'air, trois d'entre eux - le Pakistan, l'Inde et le Népal - font partie de l'Asie du Sud.
Mais, alors que les scores mondiaux pour la pêche restent faibles, l'Asie du Sud obtient le score régional médian le plus élevé (31,8) dans cette catégorie.
Les spécialistes indiens de l'environnement sont-ils d'accord avec le rapport de l’IPE 2022 ?
Le Dr Navroz Dubash, du Centre for Policy Research, qui figure parmi les auteurs du dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), estime que le paramètre "changement climatique" du rapport de l'IPE est "très problématique".
Le rapport IPE 2022 part du principe que tous les pays doivent atteindre le niveau net zéro d'ici 2050, alors qu'il est entendu que les pays en développement auront besoin de plus de temps. Les émissions de gaz à effet de serre continueront à augmenter dans les pays pauvres pendant un certain temps, contrairement à de nombreux pays développés qui ont atteint un pic. On ne peut pas attendre de nous que nous renoncions à l'énergie pour le développement.
Le Dr Sagnik Dey, professeur à l'IIT Delhi et expert en pollution atmosphérique, a déclaré que la faible pondération accordée aux émissions de GES (Gaz à Effet de Serre) par habitant réduit automatiquement le rang de pays comme l'Inde et la Chine.
Même si la pollution de l'air diminue régulièrement, dans des pays comme l'Inde et la Chine, en raison de l'importance de leur population, le chiffre global de la charge sanitaire sera toujours élevé et ces pays seront toujours parmi les derniers si on accorde moins d'importance aux émissions de GES par habitant.
L'Inde connaît de graves problèmes environnementaux
Le Dr Dey indique que malgré les incohérences, le gouvernement ne devrait pas ignorer le fait que l'Inde était au 168e rang en 2020 et n'a jamais figuré parmi les 150 premiers pays depuis le début de l’Indice de Performance Environnementale.
Le Dr Dubash considère que, malgré les problèmes liés au rapport qu’il a souligné, l'Inde connaît de graves problèmes environnementaux locaux, qui ont été mis en évidence dans le rapport et qui doivent être traités.
Le Dr Ravi Chellam, coordinateur du Biodiversity Collaborative, a déclaré :
Des pays beaucoup plus petits et plus pauvres ont fait mieux. Il est essentiel de se concentrer sur les voies de développement durable que nous devons adopter immédiatement.