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Retour chronologique sur la crise des déchets au Liban

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Écrit par Justine Huc-Lhuillery
Publié le 28 octobre 2018, mis à jour le 28 octobre 2018

La question du traitement des ordures ménagères semble insoluble. Depuis la fin de la guerre civile, les gouvernements successifs ont multiplié les mesures d’urgence, échouant à s’entendre sur un plan viable. Mais une prise de conscience s’est opérée au sein de la population.

Guerre civile (1975-1990)
La plupart des infrastructures du pays sont détruites. Les déchets sont gérés de façon locale par les collectivités locales sans réels moyens. Les déchets ménagers, hospitaliers et toxiques sont souvent brulés. Plusieurs dépotoirs improvisés sont crées à Beyrouth et en province. Dans certaines régions, la collecte des détritus est gérée par les milices dominantes.

Tout est à refaire
Au sortir de la guerre, la question des déchets prend l’ampleur d’une catastrophe écologique. Beyrouth compte deux grosses décharges, situés dans le secteur de Normandy (actuellement la zone maritime du Waterfront) à l’ouest et celui de Bourj Hammoud, dans le Metn, à l’est. En province, les pouvoirs publics utilisent les dépotoirs sauvages et des incinérateurs vétustes.

Sukleen
En 1994, le Conseil pour le développement et la reconstruction (CDR), l’agence d’Etat chargé de piloter la réédification des infrastructures du pays détruites pendant la guerre, lance un appel d’offres pour le ramassage des déchets dans Beyrouth et le Mont-Liban, région la plus habitée du pays. La société Sukleen remporte le marché.

Reconstruction
Dans le cadre de la reconstruction du centre-ville de Beyrouth, la décharge de Normandy est fermée en 1995. La même année, un plan de réhabilitation de la décharge de Bourj Hammoud est proposé dans le cadre du projet LINORD (pour littoral nordique de Beyrouth), l’un des plus grands plans d’aménagement imaginés au Liban, qui prévoit de créer de nouveaux espaces constructibles entre la capitale et Nahr el-Kalb. Une partie de ce projet a été achevée avec la construction de la marina de Dbayeh grâce à des remblais fabriqués à partir de déchets compactés. La décharge de Bourj Hammoud continue à recevoir des déchets.

Premières manifestations
Jusqu’en 1997, il existe trois centres de rassemblement de déchets : la décharge de Bourj Hammoud, ainsi que les incinérateurs de la Quarantaine, à la lisière nord de Beyrouth, et d’Amroussiéh (Choueifat), à la lisière sud. Mais des manifestations de riverains entraînent la fermeture de la décharge de Bourj Hammoud et de l’incinérateur d’Amroussiéh.

Ouverture de Naamé
Sans solution, le ministre de l’environnement doit instaurer un nouveau « plan d’urgence ». Le contrat de Sukleen est renouvelé. Une nouvelle décharge est aménagée à Naamé, dans le caza d’Aley, pour désengorger les installations de Beyrouth et aux alentours. Une aubaine pour les pouvoirs publics qui vont se reposer pendant près de 20 ans sur cette décharge, sans réussir à élaborer de plan à long terme.

Fin de la montagne de Saïda
Créée en 1970, le dépotoir de Saïda a longtemps symbolisé l’inertie des pouvoirs publics sur le dossier des déchets. Au fil des années, les déchets se sont accumulés, créant une véritable montagne de détritus haute de 58 mètres. En 2012, la municipalité, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et Suez Environnement réhabilitent le site. Les déchets dangereux sont traités, des canalisations filtrent le gaz et transforme la zone en un immense parc public.

Fermeture de Naamé
Après plusieurs renouvellements, le contrat d’exploitation de la décharge de Naamé touche à sa fin en janvier 2014. Mais le gouvernement propose, une nouvelle fois, de renouveler le contrat pour un an. Le 17 janvier, jour de l’expiration du contrat, les habitants se postent à l’entrée de la décharge afin d’empêcher les camions bennes pleins de déchets d’y rentrer. Les manifestations y dureront près d’un an.

 « Vous puez »
Les pouvoirs publics n’ont préparé aucune alternative après la fermeture de la décharge de Naamé, la plus grande du pays. Les déchets s’accumulent dans les rues. Les riverains de Beyrouth sont excédés. Ils prennent d’assaut le centre-ville de Beyrouth à l’été 2015. Des collectifs issus de la société civile se créent autour du mouvement « Vous puez ». Des milliers de Libanais protestent dans la rue contre le gouvernement. Les forces de l’ordre répriment violemment ces manifestations. Face à l’urgence, les pouvoirs publics doivent rouvrir provisoirement la décharge de Naamé afin d’y entreposer les ordures accumulées dans Beyrouth.

Alternatives avortées
Pendant l’été 2015, le ministre de l’Environnement propose un nouveau plan de gestion des déchets, avec notamment la création de nouveaux lieux de stockage sur le territoire. Les riverains en colère font avorter ce plan. Deux nouvelles décharges sont prévues, mais ne seront jamais ouvertes en raison des protestations des riverains. Un nouveau plan consiste à exporter les déchets en Russie, par le biais de Chinook, une compagnie britannique. Il est vite abandonné début 2016.

Décharges côtières
Après de nouvelles manifestations en mars 2016, le gouvernement propose un nouveau plan d’urgence qui consiste à aménager deux décharges côtières, à Bourj Hammoud et à Costa Brava, au sud de Beyrouth malgré les protestations de la société civile. La décharge de Naamé ferme définitivement ses portes en mai. Les déchets sont collectés par de nouvelles sociétés qui ont pris le suite de Sukleen. Le plan ouvre également la voie à l’incinération, une technique critiquée par les écologistes.

Saturation
Très vite, des militants écologistes et le parti Kataëb constatent la saturation de la décharge de Bourj Hammoud. Il est dit que les déchets sont enfouis sous la mer alors qu’aucune digue protectrice n’a été construite. De nouveaux plans à long terme sont évoqués, mais aucun n’a l’assentiment de l’ensemble des acteurs.

Bras de fer politique
En janvier 2018, Human Rights Watch pointe du doigt les décharges à ciel ouvert. Des tempêtes entraînent la dispersion des déchets sur le littoral. Les Kataëb dénoncent, à nouveau, la surcharge de Bourj Hammoud et le ministre de l’environnement les décharges sauvages le long des côtes. Le bras de fer devient politique. En mars, le gouvernement décide d’agrandir la décharge de Costa Brava et de construire des incinérateurs autour de Beyrouth. A Tripoli, deux pans de mur de la décharge « provisoire » s’écroulent en avril. Des déchets sont emportés vers la mer.

Incinérateurs
A l’occasion des dernières législatives en mai, Paula Yacoubian, issue de la société civile, est élue députée. Elle s’élève contre le déversement de déchets non-triés à Bourj Haamoud et contre le vote d’un plan de gestion des déchets au Parlement, qui ouvre la voie à la construction d’incinérateurs.

 

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