Il y a 50 ans, le 5 septembre 1972, une prise d’otages pendant les Jeux olympiques provoquait la mort de 11 athlètes israéliens. Des « Jeux de la Joie » à une stupéfaction mondiale, retour sur cette tragédie suivie en direct par les caméras du monde entier.
« Les Jeux de la Joie »
1972 marque la grande année du retour des Jeux olympiques en Allemagne. En pleine période de Détente et souhaitant faire oublier les « Jeux Nazis » de 1936, l’organisation se montre particulièrement laxiste sur les règles de sécurité. Le but est clair : faire vivre le rêve olympien aux athlètes, aux journalistes et aux publics au cœur de la capitale bavaroise. Munich est alors équipé d’un des complexes sportifs les plus modernes de l’époque. Et malgré le fait que l’Allemagne soit toujours coupée en deux, ces jeux s’annoncent pourtant être un véritable succès populaire : à la veille de la cérémonie d’ouverture, près de 3 millions de billets sont déjà vendus, sur les 3,8 millions disponibles.
Quatre ans après les Jeux olympiques de Mexico, secoués par plusieurs scandales politiques et humains (massacre de Tlatelolco, poing levé de Smith et Carlos), tout semble donc réuni pour faire de ces jeux une célébration sportive et humaine. 121 nations sont présentes dont la délégation israélienne, composée de 15 athlètes et de plusieurs entraîneurs.
Récit de la prise d’otages
5 septembre, deuxième semaine des Jeux. Il est 4h30 du matin quand huit hommes en noir franchissent les barrières du village olympique. Membres de l’organisation terroriste Septembre Noir, ils sont chargés de sacs contenant des fusils d’assauts, des pistolets et des grenades, et se dirigent immédiatement vers les deux appartements occupés par la délégation israélienne. Ils enfoncent la porte et entrent dans les logements de la délégation encore endormie. Dans le chaos, deux membres de la délégation sont abattus par les terroristes (un athlète et un entraineur), et neuf athlètes sont pris en otage. Peu avant 5h du matin, une femme de ménage, alertée par les coups de feu donne l’alerte. Le drame prend rapidement de l’ampleur et l'attention du monde entier se tourne alors vers le village olympique.
Les preneurs d’otages demandent la libération par Israël de plus de 200 prisonniers palestiniens en échange de la vie des athlètes israéliens et déclarent qu’à partir de 9 h du matin, ils abattront un otage toutes les heures. Pour prouver leurs déterminations, ils jettent le corps de Moshe Weinberg (entraîneur de lutte, abattu lors de l’assaut) dans la rue. Ces scènes de guerre, au cœur du quartier abritant les délégations, bouleversent les athlètes présent sur place qui ne ratent rien du macabre spectacle. L’ancien capitaine de l’équipe de handball est-allemand, Klaus Lanhoff, logé juste en face de l’appartement des athlètes israéliens, se souvient au micro de l’AFP : "C'était horrible. Chaque fois que nous regardions par la fenêtre ou sur le balcon, nous voyions ce sportif mort". Face à cette situation, les épreuves restantes de la journée sont suspendues.
Suite au refus de la part d’Israël de libérer les prisonniers palestiniens, les négociateurs de l'Allemagne de l'Ouest arrivent à repousser à plusieurs reprises l’ultimatum. Vers 17 h, les terroristes exigent de pouvoir se rendre au Caire en avion avec les otages. Les autorités mettent à leur disposition deux hélicoptères, pour qu’ils se rendent sur la Fürstenfeldbruck Air Base une base aérienne de l’OTAN, où un Boeing les attend. Les autorités allemandes ont en réalité décidé de tendre un piège aux terroristes. Des policiers armés sont déguisés en membres d’équipage et cinq tireurs d’élite sont dissimulés aux alentours de l’avion. A 23h, peu après l’atterrissage des hélicoptères sur la base, tout s’accélère et une fusillade éclate.
L’intervention tourne au drame : face à des terroristes plus nombreux et mieux armés que prévu, seulement trois terroristes sont abattus directement par les policiers. S’ensuit une fusillade de presque 1h15 durant laquelle les athlètes sont abattus à bout portant par les terroristes. Au total, trois des huit terroristes du commando sont capturés vivant, un policier allemand décède dans la fusillade et aucun des otages ne survit. L’intervention, mal préparée (les tireurs d’élite ne disposant ni de vision nocturne, ni de radio), est rapidement pointée du doigt. Plusieurs médias et familles des victimes dénoncent alors la négligence des autorités ouest-allemandes, les accusant de n’avoir rien fait pour essayer de protéger les otages.
Mémoire et indemnisation
À la suite des tragiques événements de Munich, l’organisation Septembre Noir va devenir une des cibles prioritaires du Mossad, les services secrets israéliens. Surnommée « Colère de Dieu », une opération de riposte est mise en place. Plusieurs membres de l’OLP vont ainsi être assassinés à travers l’Europe (France, Italie) et le Moyen-Orient (Liban) par les services secrets israéliens dans les années qui suivent.
Le 31 août 2022, après plusieurs décennies de négociations, l’Allemagne a accepté de reconnaître sa responsabilité dans la mort des otages israéliens et annonce verser une indemnisation de près de 28 millions d’euros aux familles des victimes. Le président israélien Isaac Herzog a salué ce geste, en réparation d’une « injustice historique ». Une déclaration qui intervient peu avant la cérémonie de commémoration lundi 5 septembre à Munich, en présence du chef de l’état Allemand, Frank-Walter Steinmeier, ainsi que du président israélien. Un événement qui restera comme l’une des pages les plus noires de l’histoire olympique.
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