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Rencontre avec Frédéric Kriegel, proviseur du Lycée français de Berlin

Frederic Kriegel 2Frederic Kriegel 2
© LPJ_Berlin - Emma Granier
Écrit par Emma Granier
Publié le 31 mars 2022, mis à jour le 2 août 2023

Le Lycée français de Berlin, ou plus couramment appelé le « FG » (Französisches Gymnasium), est « un lycée unique au monde » comme le disait François Mitterrand. Lorsque son proviseur, Frédéric Kriegel, nous explique que plus de 50 nationalités y sont représentées, on commence à comprendre pourquoi.

 

Véritable enclave française au sud du Tiergarten, le lycée occupe, depuis 1974, presque tout un pâté de maisons non loin de la Nollendorfplatz. L’école Voltaire, elle, se trouve à quelques dizaines de mètres seulement. On entend parler français aux passages piétons allant du Kurfürstenstraße à la Derfflingerstraße, nous sommes au bon endroit.

 

Le virus de l’expatriation

Arrivé à la tête du Lycée français de Berlin en septembre 2020, Frederic Kriegel est un père de famille de 47 ans qui a rapidement attrapé le virus de l’expatriation. C’est lors de son service national qu’il effectue sa première expérience dans un établissement du réseau de l’AEFE, le Lycée français de Djibouti, sur le site de l’école primaire Françoise Dolto. Quelques années plus tard, il profite d’un programme d’échanges franco-allemands soutenu par l’OFAJ et enseignera pendant deux ans à Sarrebruck.

 

De retour en France, il est enseignant du premier degré dans le Grand-Est, puis directeur adjoint de plusieurs établissements après avoir réussi les concours de direction pour le second degré en 2009. Entre 2015 et 2020, il occupe les fonctions de proviseur adjoint au Lycée français de Bruxelles de 2015 à 2020. La ville de Berlin, il la découvre en pointillé entre 2009 et 2014, en tant qu’encadrant pour le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) lors de stages de langue avec activités sportives organisés l’été pour des jeunes sportifs de haut niveau.

 

Hall d'entrée du lycée français de Berlin
© LPJ_Berlin - Emma Granier

 

Les particularités du poste de proviseur au Lycée français de Berlin

C’est en plein milieu de la pandémie de Covid-19, que Frédéric Kriegel prend ses fonctions à Berlin et redécouvre la culture allemande sous le spectre de la Datenschutz (la protection des données personnelles), « l’un des penchants de la société allemande que j’ai découvert le plus rapidement lors de ma prise de poste à Berlin. » Evidemment, la France et l’Education nationale possèdent également leurs propres règles en la matière, mais Fréderic Kriegel nous avoue qu’en Allemagne, l’attention qui y est porté est décuplée.

 

Le poste de proviseur du lycée français comporte également son lot de challenges et d’originalités liés au statut de l’établissement lui-même. « Il y a en effet des différences par rapport aux autres établissements où j’ai pu travailler car, ici, le lycée est autant allemand que français. J’ai d’ailleurs une homologue allemande également cheffe de l’établissement. » nous explique Frédéric Kriegel. Il y a en effet une véritable direction bicéphale à la tête de cet établissement qui dépend à la fois du Sénat de Berlin et de l’AEFE. On peut d’ailleurs trouver les deux organigrammes sur le site du lycée : celui de l’administration française avec Frederic Kriegel à sa tête, et celui de la Deutsche Verwaltung avec Ilka Steinke en tant que Schulleiterin.

 

« Les personnels et équipes coexistent. Et ça fonctionne plutôt bien. » Il y a 120 personnes dans l’équipe pédagogique et une dizaine dans l’équipe administrative avec la particularité que le personnel allemand porte les deux casquettes administratives et pédagogiques. Par exemple, l’homologue allemande de Frédéric Kriegel, continue à donner des cours.

 

Il y a malgré tout quelques difficultés structurelles et des incohérences administratives auxquelles on se heurte, nous confie-t-il. En France, par exemple, les élèves à besoin éducatifs particuliers bénéficient d’un tiers temps, contre seulement un quart temps en Allemagne. « C’est une question sur laquelle nous devons nous accorder. Dans ce cas précis, nous choisissons ce qui est dans l’intérêt de l’élève et donc, le tiers temps. Un autre exemple, la laïcité. Cela fait partie des piliers de l’éducation nationale française. Mais ce n’est pas le cas en Allemagne. Ici, le port du voile par exemple est toléré. »

 

En ce qui concerne les cours et les examens, il y a également un équilibre à trouver. La réforme du baccalauréat a permis d’avoir des épreuves plus similaires à celles de l’Abitur. Par exemple, le Grand oral qui est maintenant obligatoire pour les jeunes Français avait déjà son équivalent en Allemagne. Grâce aux arrangements administratifs obtenus par l’administration de l’établissement, le Grand oral compte aussi pour la partie mündliche prüfung de l’Abitur. De même, les cours de spécialités désormais choisis par les lycéens pour le baccalauréat sont considérés dans le système allemand comme Leistungskurse. Il n’y a pas double travail, mais une reconnaissance des différents cours et épreuves dans les deux systèmes.

 

L'établissement sait donc s’adapter pour assurer la qualité de l’éducation dans les meilleures conditions autant pour les élèves français qu’allemands. Cela fait partie de l’identité du lycée depuis sa création à la fin du XVIIème siècle. A l’époque, les protestants ont été contraints de fuir le Royaume de France suite à la révocation de l’Edit de Nantes. Ils trouvent à Berlin un lieu d’accueil. Pendant plusieurs siècles, l’établissement est appelé Collège de France et il poursuit son enseignement en français même aux heures les plus sombres des relations franco-allemandes, comme durant le 3ème Reich. 

 

Parvi du lycée francais de Berlin
© LPJ_Berlin - Emma Granier

 

Une opportunité pour les élèves ?

L’originalité de l’établissement repose aussi dans les opportunités qu’il offre aux élèves. Par son ambivalence administrative, il permet aussi à ses élèves de préparer en plus du baccalauréat (obligatoire), l’Abitur et l’Abibac. La qualité d’enseignement du FG est également reconnue autant du côté français que du côté allemand avec d’excellents pourcentages de réussite aux examens chaque année. Cerise sur le gâteau, étant un lycée publique berlinois, l’éducation y est gratuite pour tous, chose qui peut surprendre les expatriés qui viennent d’autres contrées et qui ont été habitués aux frais de scolarité élevés d’autres établissements français à l’étranger.

 

Pour y entrer, plusieurs critères sont à prendre en considération. Contrairement aux lycées français, il n’y a pas de sectorisation donnant la priorité aux jeunes résidant dans le quartier. Pour les élèves berlinois issus du système d’éducation publique allemand, des entretiens sont organisés en lien avec le Förderprognose (recommandation pour l’orientation des élèves réalisée à la fin du premier semestre de la quatrième classe). Et il y a bien sûr une priorité donnée aux élèves français, francophones et franco-allemands.

 

Si l’on se penche sur la répartition des 850 élèves, on voit qu’il y a 20% de germanophones, 30 % de franco-allemands, 30 % de Français et 20 % d’autres nationalités, explique Frédéric Kriegel. Au total, ce sont 50 nationalités qui sont représentées dans l’établissement. Cela a une conséquence sur l’éducation des élèves. « L’avantage de faire sa scolarité au lycée français de Berlin, c’est qu’on évolue dans un milieu multiculturel, et cela, sans barrière financière. Nos élèves sont de futurs européens. Ils ont un parcours riche et l’habitude de la rencontre. Ça fait partie de l’ADN du lycée. Aujourd’hui, les voyages scolaires reprennent, c’est bon signe ! On parle d’autre chose que de la pandémie. »  

 

Un groupe d’enseignants et d’élèves est par exemple impliqué dans un projet Erasmus +  en partenariat avec des lycées en en France, en Norvège, en Espagne et en Pologne. Frédéric Kriegel espère aussi la reprise du dispositif Agora avec la fin de la pandémie. Cela permet aux élèves de seconde d’effectuer des mobilités entre établissements du réseau de l’AEFE. « Il ne s’agit pas là de voyages en groupe de quelques jours mais bien d’échanges individuels de plusieurs semaines, comme un petit Erasmus. »

 

Frederic Kriegel à son bureau
© LPJ_Berlin - Emma Granier

 

Le ou les diplômes en poche, les élèves du FG s’orientent dans différentes voies. Il y a bien sur le passage par Parcours sup pour intégrer un établissement d’enseignement supérieur en France. Mais les élèves peuvent également faire le choix de rester en Allemagne ou de partir à l’international. « On observe aussi que beaucoup des élèves font le choix d’une année sabbatique avant de commencer leurs études. C’est une pratique allemande à laquelle on n’est moins habitué en France mais qui a pourtant bien des avantages. » Certains en profitent pour partir à l’étranger afin d’améliorer une langue vivante. D’autres s’investissent dans des activités bénévoles ou prennent un mini job pour se faire une première idée du monde du travail.

 

Mais avant de partir vers de nouveaux horizons, tous les élèves de dernière année sont réunis pour la cérémonie de remise des diplômes. Cette année, elle aura lieu le 1er juillet en présence de Madame Anne-Marie Descôtes, Ambassadrice de France en Allemagne.

 

 

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