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Maïmouna Coulibaly, femme et artiste à l’énergie fulgurante

Maimouna Coulibaly Je me releve_0Maimouna Coulibaly Je me releve_0
© Birger Jens // Nicolas Delhaye
Écrit par Emma Granier
Publié le 15 février 2022, mis à jour le 1 septembre 2023

Quand elle n’est pas sur scène, Maïmouna mène des ateliers de Booty Therapy à Berlin et organise des flashmobs dans les grandes villes d’Europe. Ces dernières semaines, un autre projet s’est concrétisé, celui de son livre, Je me relève, paru aux éditions Anne Carrière en janvier dernier.

 

« Notre prochaine artiste est une femme, une mère, mais surtout une danseuse engagée et à l’énergie unique » voilà comment était présentée Maïmouna Coulibaly lors de son passage sur la scène du Black and Brown Cabaret show à Berlin samedi dernier. Loin des plumes et des paillettes des autres artistes, elle joue le contraste en arrivant sur scène en chemise blanche, pantalon de costume noir et veston assorti. Assise sur un tabouret, elle regarde son public sans autre filtre que celui de la chanson In Your Likeness de Woodkid. Le calme avant la tempête. Petit à petit la danseuse se libère de cet uniforme moderne pour laisser parler la beauté de son corps, de ses mouvements et de ses formes. On ne nous avait pas menti cette énergie est plus que communicative ; les acclamations et applaudissements de la salle l’accompagnent tout au long de la deuxième partie de son numéro.

 

Quand elle n’est pas sur scène, Maïmouna mène des ateliers de Booty Therapy à Berlin et organise des happenings dans les grandes villes d’Europe réunissant ses élèves et danseuses, les Booty killeuses et des centaines de spectateurs. Mais ces dernières semaines, un autre projet s’est concrétisé, celui de son livre, Je me relève, paru aux éditions Anne Carrière en janvier dernier. Il y a cinq ans, alors qu’elle habitait encore à Paris, Maïmouna avait commencé à poser sur le papier quelques unes des violences qu’elle a pu subir en tant qu’enfant, qu’adolescente, et plus tard, dans sa vie de femme. « J’ai craché ça sans faire attention à ce que j'écrivais, je l’ai écrit comme ça me venait. Mais après ce premier moment, je n’ai plus réussi à écrire en France. C'était vraiment douloureux de revivre par écrit les violences que j'avais pu vivre là-bas. »

 

L’équilibre entre l’écriture et la scène

C’est à l’étranger qu’elle a trouvé la liberté d’expression dont elle avait besoin pour exprimer ces violences et pour s’en affranchir à l’écrit. Suite à une rencontre, elle décide de suivre un Allemand à Berlin. Elle adoptera la ville finalement plus que le compagnon. Et c’est à Berlin que ces récits prennent peu à peu la forme d’un livre. « Ici, ce qui m'a fait du bien, dès que je suis arrivée, c'est le fait de marcher dans la rue et de pouvoir briller. On peut laisser son aura prendre l'espace dont elle a besoin rien qu'en marchant dans la rue. » En France, son nom est aujourd’hui souvent rattaché à celui de son frère cadet, Amedy, dont le destin est pour toujours lié à celui des victimes de l’attentat de janvier 2015. Alors, quand elle s’installe à Berlin, Maïmouna retrouve la liberté d’être, pas seulement dans l’espace de la rue, mais aussi sur la place publique.

 

« Ici, comme je ne parle pas la langue et que je ne suis pas les médias comme en France, je me sens plus loin des gens qui peuvent me juger. Les gens ne savent pas ce que c'est que d'être une femme noire née en France avec des origines maliennes. Ils n'ont pas assez d'éléments pour me juger. » Au départ, elle met sur le papier les épisodes les plus douloureux, une quinzaine de violences qu’elle a traversées mais qu’elle avait mis de côté : attouchements, violences, avortement, viol, excision. « J’ai mis du temps pour les écrire parce qu'il me fallait du temps pour les digérer. » Trois ans et demi après son arrivée à Berlin, Je me relève sort donc dans les librairies. Le livre relate ces violences qui ont jalonné son enfance, son adolescente et sa vie de femme et surtout comment le théâtre et la danse lui ont permis d'acquérir une puissante résilience face à tout cela. 

 

La joie que la danse et le théâtre lui procurent et qui se reflète sur son public c’est aussi ce qui lui permet de prendre de la distance avec ces violences. Alors qu’elle rédige son livre, elle commence en parallèle la rédaction d’un One Woman Show qu’elle nomme le Hot Pussy Show. « C'était trop dur de n'en parler que ‘à cru’, et j'avais besoin de rire de ces situations pour compenser et pour trouver un équilibre. » A Berlin, elle en donne quelques lectures en anglais et en français notamment sur la scène du Baguette Comedy Club. Puis elle fait une première représentation au Carreau du temple à Paris en 2021.

 

Affiche Hot Pussy Show Carreau du Temple Maimouna

 

La Booty therapy, qu'est-ce que c'est ?

Transformer les émotions difficiles, les traumatismes en performances, Maïmouna en a fait son fer de lance. Aujourd’hui, elle veut montrer qu’on a le droit d’exprimer son histoire, sa douleur à travers les mots mais aussi à travers les mouvements de son corps. « Un corps de femme ce n'est pas un bâton qui marche avec les bras le long du corps. On a des formes, des seins, des fesses... et un bassin qui bouge ! » Il y a une vingtaine d’années, Maïmouna lance le mouvement Booty Therapy, une discipline qui mêle sport, danse et développement personnelle. « A travers la danse on peut exprimer des choses qu'on ne pourrait pas exprimer avec des mots. Quand on danse en groupe et qu'on shake notre booty en hurlant dans la rue, c'est une autre forme d'expression qui est indispensable et qui fait un bien fou. »

 

Cette philosophie, Maïmouna la véhicule lors des nombreux happenings et flashmobs qu’elle organise avec ses Booty killeuses, le groupe de danseuses qui s’est petit à petit formé autour des séances de Booty therapies. A Paris, elles ont fait parler d’elles en novembre dernier lors de la manifestation #Nous toutes. Une photo prise hors de son contexte a créé une avalanche de réactions négatives sur twitter, preuve qu’il y a encore du travail à faire pour libérer le corps de la femme de toutes les étiquettes qu’on lui colle. A Berlin au contraire, les booty killeuses ont été très bien accueillies. Maïmouna se souvient notamment d’un très bon moment à Alexanderplatz. « Quand c’est bien organisé, on peut faire passer un message. Ce jour-là plus de deux cents personnes se sont réunies autour de notre performance et ne voulaient plus partir à la fin de celle-ci. » Leur performances dans le métro berlinois avait également été suivi d'une vague positive sur les réseaux sociaux et dans la presse. 

 

Berlin, une ville ouverte où l’on peut se réinventer

Les cours de Booty therapy que Maïmouna organise à Berlin sont à l’image de la ville, internationaux. « Ici j’ai des élèves de toutes les nationalités, le monde entier est représenté. » A Berlin, elle se rapproche de la scène burlesque et du mouvement LGBT dès son arrivée, notamment au club Renate. « Finalement cela m’a permis de légitimer la beauté et la qualité de mes chorégraphie et de sortir de la grille de lecture sexualisée où l’on est souvent, si ce n’est pas toujours cantonné en France. Après un show, on me parle de danse africaine, des valeurs véhiculées, du message, et ça fait du bien. Artistiquement, cela m’a aussi permis de débloquer quelque chose et d’aller là où je ne m’autorisais pas à aller avant. »

 

Couverture du livre Je me relève Maimouna Coulibaly
Je me relève - Maïmouna Coulibaly, éd. Anne Carrière

 

Le livre Je me relève est disponible à la librairie Zadig ainsi qu'à la librairie des Galeries Lafayette de Berlin.

 

Retrouvez l’actualité de Maïmouna Coulibaly et du mouvement Booty Therapy via son compte instagram @maimouna_artist. Les prochains happenings auront lieu début mars en France (le 6 à Marseille).

A Berlin, vous pourrez la voir ce samedi 19 février sur la scène du SO36. Plus d'informations sur l'événement ici

 

 

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