Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

Une correspondance qui a du chien

Frédéric 2 lévrierFrédéric 2 lévrier
© Georg Schöbel - Frédéric II au Château de Sans-souci
Écrit par Jill-Manon Bordellay
Publié le 12 février 2022

Frédéric II de Prusse qui adorait ses lévriers et en particulier Biche, eut l’idée que celle-ci échange de façon épistolaire avec le chien de sa sœur Wilhelmine de Bayreuth, la Magravine de Bayreuth. Cet échange de seulement deux lettres eut lieu entre les deux chiens en mai 1748.

 

La critique du chien fidèle

C’était l’occasion pour les deux monarques de communiquer sur la fidélité des chiens et de reconnaître leurs grandes qualités qui manquent parfois aux humains. Il était original à l’époque de donner “la parole” aux animaux. Les deux lettres furent écrites en français et signées Biche et Folichon.

Les deux lévriers faisaient l’éloge de leur maître respectif qui avait des qualités canines et moins de vices humains. Lorsque nous disons : « c’est humain », nous entendons que la morale puisse pénétrer la parole de celui qui la produise. Mais ne devrions-nous pas plutôt dire « C’est canin » pour être sûrs que les vertus telle la fidélité, la constance et l’affection soient respectées ?

 

C’est Wilhelmine qui, la première, eut l’idée de laisser son chien Folichon écrire une lettre assez longue et pleine de bon sens à Biche, la chienne de Frédéric II. Dans la première lettre de Folichon à Biche, il est écrit :

Avouons, ma chère Biche, que le genre humain est bien fou et qu’il se rend peu de justice. Tel se pique d’avoir en partage le bon sens et l’art de bien penser, qui, la plupart du temps, ne possède pas seulement l’ombre de ces facultés. N’admirez-vous pas comme moi cette foule de philosophes qui se sont mêlés de vouloir approfondir ce que nous sommes, tandis qu’ils ignoraient parfaitement ce qu’ils étaient eux-mêmes ? Combien de systèmes n’a-t-on point formés sur notre sujet ! Les uns nous font passer pour des automates, d’autres pour des démons chassés du paradis, d’autres encore pour être doués d’un instinct qu’ils ne peuvent définir.”

Folichon fait référence, entre autres à Descartes, notamment à sa théorie des animaux-machines. Pour lui, le philosophe français du Discours de la Méthode n’a rien compris aux animaux, qui ont beaucoup plus de vertus et de bon sens que les humains. Les animaux ne sont pas des mécaniques sans conscience ni des êtres mus par l’instinct, ils sont sensibles et intelligents.

 

Un éloge fraternel

A cette missive, Biche répond immédiatement à Folichon :

Oui, Folichon, je reçois non seulement vos présents, mais j’accepte votre gentille patte, et je vous donne mon cœur d’autant plus volontiers, que j’ai toujours eu dans l’esprit qu’un mâtin philosophe était ce qui me conviendrait le mieux. J’ai été fort étonnée de voir que mon maître, qui m’a lu votre lettre, est tout à fait de votre sentiment, il est presque aussi raisonnable que nous autres, c’est une bonne tête, mais ce que je trouve à redire à votre lettre, c’est qu’en humiliant l’amour-propre de l’espèce humaine, si pétrie d’orgueil et de vanité, vous n’en ayez point excepté votre maîtresse.

 

Frédéric 2, sa soeur et leurs lévriers
Antoine Pesne – Frédéric et sa sœur Wilhelmine enfants, jouant avec un lévrier

 

Derrière les propos de Biche, le roi rend hommage aux qualités extraordinaires et rares de sa sœur. Wilhelmine a des “vertus divines” selon l’appréciation de Frédéric II sous couvert de Biche. Il est plus facile de faire des compliments via un intermédiaire que de pouvoir les dire ou écrire directement. En cela, le choix de mettre en scène avec cette correspondance les deux chiens est subtil, parce qu’elle permet d’alléger son cœur plus facilement.

 

L’animal, ici, pose son regard de “philosophe” sur l’homme. D’abord Folichon peint la nature canine et celle de l’homme puis Biche répond et reconnaît que les chiens sont plus vertueux que les humains à une exception près, celle de Wilhelmine.

A travers ce jeu de lettres le frère et la sœur comme des enfants, tracent des vérités sur les caractéristiques des chiens qui seront mises en valeur deux siècles plus tard par les travaux d’éthologie.

 

En 1991, pour le 205ème anniversaire de sa mort, le corps de Frédéric sera déposé, selon ses dernières volontés, près de ses lévriers sur la terrasse du vignoble du château de Sans-Souci, sans splendeur, sans pompe et de nuit.

 

 

Pour recevoir gratuitement notre newsletter du lundi au vendredi, inscrivez-vous !

Pour nous suivre sur FacebookTwitter et Instagram.

Flash infos

    Pensez aussi à découvrir nos autres éditions