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Education : les défis de l’apprentissage de la langue du voisin

Depuis des années, les statistiques révèlent une baisse de l’apprentissage du français et de l’allemand. L’OFAJ publie un rapport pour éclaircir ces enjeux et en tirer les bonnes conclusions.

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L’apprentissage des langues en classe semble avoir besoin d’un renouveau © Unplash – Kenny Eliason
Écrit par Laurent Offerle-Guillotin
Publié le 6 octobre 2023, mis à jour le 10 octobre 2023

Alors que l’Europe célébrait sa journée des langues le 26 septembre dernier, l’Office Franco-Allemand pour la jeunesse (OFAJ) a publié un nouvel article dans sa collection « Panorama – analyses franco-allemandes et européennes ».

Intitulé A l’école et hors les murs : contextes et défis de l'apprentissage de la langue partenaire dans une Europe multilingue, le ton de cet article ne se veut pas fataliste. Le discours classique du potentiel désintérêt des jeunes pour la langue voisine est ici déconstruit. Sans s’alarmer, on y apprend à creuser derrière les statistiques pour entrevoir avec espoir les échanges linguistiques franco-allemands.

 

Les faits : moins d’écoliers et d’étudiants souhaitent apprendre le français ou l’allemand à l’école

Ce rapport est le fruit d’un long travail mené par Anne Jardin, cheffe d'unité adjointe de l’unité de formation interculturelle et Violaine Bigot, chercheure à l’Université de Grenoble. Grâce à une analyse différenciée et à partir des différents programmes de formations et du ressenti des élèves, elles se sont interrogées sur les facteurs structurels expliquant cette baisse de l’apprentissage de la langue voisine en Allemagne et en France.

Si les médias ne manquent pas de le relever à chaque anniversaire du traité de l’Elysée, il faut être capable d’expliquer pourquoi de moins en moins de jeunes choisissent l’allemand ou le français comme langue vivante numéro 1 (LV1). Depuis plusieurs années, la tendance est en fait à la stabilisation : environ 15% des étudiants français/allemands choisissent l’allemand/le français comme LV1.

La perte de vitesse dans l’enseignement linguistique franco-allemand n’est donc pas une légende. Sans refuser de l’admettre, nos deux chercheures et expertes vont plutôt se demander si l’on peut vraiment parler d’un pur désintérêt ou s’il est plus judicieux constater ces chiffres d’une autre manière.

Les chiffres employés viennent de l’Office national de la statistique allemand.

 

Des facteurs explicatifs structurels

Force est de constater que l’anglais a la cote et s’est imposé comme la LV1 référence. De part et d’autre du Rhin, environ 80% des écoliers la choisissent comme leur première langue étrangère.

Dans une relation de cause à effet, le volume horaire par établissement des professeurs d’allemand diminue. Les enseignants doivent donc travailler sur plusieurs établissements, surtout en France lorsqu’ils n'ont qu’une seule spécialité. Le poste devient moins attractif et les universitaires souhaitant devenir professeur d’allemand se font rares.

Autrefois, on préconisait également aux parents de choisir l’allemand pour leur enfant afin d’être intégré dans la « bonne classe », celle de bon niveau. Aujourd’hui, ce schéma n’est plus suivi et la stratégie est différente. On préfère opérer une tactique d’évitement du français ou de l’allemand, des langues réputées difficiles à apprendre, pour s’épargner de mauvaises notes dans le dossier. Un argument d’actualité lorsqu’on considère le mode de sélection des formations les plus courues via Parcoursup.

 

comparer systèmes scolaires allemand et français langue
En Allemagne, le système scolaire oriente les élèves plus tôt qu’en France © Ambassade d’Allemagne à Abidjan

 

Aussi, une orientation peu tournée vers les langues lors de l’enfance ne pousse pas systématiquement les parents à en faire une priorité. Que ce soit dans les lycées professionnels français ou dans les Realschule allemandes, les enseignements de langue ne figurent pas parmi les cours les plus importants.

 

Des points positifs à souligner : le cas des établissements et formations bilingues

Au-delà du cursus habituel, d’autres façons d’apprendre la langue sont offertes aux collégiens et lycées : les classes bilingues, les échanges hors période scolaire ou encore le double diplôme ABIBAC, affichent eux complets. Ce dernier fut d’ailleurs repris avec l’espagnol et l’italien créant ainsi le BACHIBAC ou l’ESABAC. En 2010, près de 4 000 élèves suivaient un cursus ABIBAC.

Ces formes d’apprentissage sont excellentes pour gagner en niveau de pratique. Elles incarnent sûrement les nouveaux besoins des jeunes pour apprendre langue dans un cadre scolaire.

A propos des formations extra scolaires, elles ne regroupent pas de grandes promotions comme un lycée le ferait mais forment des élèves capables de travailler dans les deux langues. Leur caractère privé ou du moins non obligatoire les rend moins populaires et moins en vue dans les médias.

Avec 19 établissements d'enseignement français en Allemagne, dont trois sont franco-allemands, une base solide est également formée pour le maintien de nos relations franco-allemandes. Cliquez ici pour plus de détails sur l’offre de formations bilingues franco-allemandes dans un cadre scolaire.

 

Apprendre en dehors de l’école

Pour autant, le franco-allemand ne doit pas se réserver à une élite. Le fameux « hors les murs » mentionné dans le titre de l’article de A. Jardin et V. Bigot fait écho à un autre cadre d’apprentissage. Si la passion pour une langue est rarement innée, elle naît plus souvent avec un projet, un objectif.

Qu'elle se matérialise par un voyage, un emploi ou un stage, une motivation permet de sauter le pas. L’objectif est alors de proposer des alternatives sur des formats plus courts ou hors des périodes scolaires plus selon un projet ou une envie. La langue peut alors susciter un meilleur engouement hors des bancs de l’école. Les programmes d’échange de l’OFAJ, ouverts aux curieux d’une nouvelle culture comme aux germanophones, en sont un exemple concret.


Dans le podcast présentant le rapport du « Panorama » #6, Violaine Bigot trouve également les mots justes pour envisager l’apprentissage de la langue à l’heure de l’intelligence artificielle. En effet, les capacités de traduction et de médiation linguistique offertes par certains algorithmes sont prodigieuses.

Pour autant, l’échange n’est ici que verbal et ne pourra jamais être culturel.  L’enjeu est ainsi de faire comprendre que découvrir un autre pays ce n’est pas seulement parler différemment mais penser autrement et échanger avec autrui. Il s’agit peut-être du message à faire passer aux élèves et étudiants réticents à dépasser les seules deux heures d’allemand ou de français hebdomadaires dont ils bénéficient à l’école ou à l’université.

 

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