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Hertha et Union, les deux visages du football Berlinois

Où que vous soyez dans Berlin, il est impossible de passer à côté. À l’est, les logos rouges et jaunes ainsi que les slogans « Eisern Union » ; à l’ouest, le drapeau bleu omniprésent du Hertha Berlin. Ces deux clubs de football font partie intégrante de la culture de la ville. Témoins à distance de l’histoire tourmentée de Berlin tout au long du XXᵉ siècle, ils ont, depuis trois décennies, laissé émerger une rivalité unique.

L'union Berlin jouant un match à l'olympiastadium, le stade du Herta Berlin.L'union Berlin jouant un match à l'olympiastadium, le stade du Herta Berlin.
© Lear 21, Wikipedia commons
Écrit par Guilhem Pastre
Publié le 25 novembre 2025, mis à jour le 26 novembre 2025

Histoire de deux clubs aux trajectoires bien différentes

En Allemagne, le football est une religion, une sorte de messe collective. Chaque week-end, de nombreuses familles se rendent au stade, un rituel répété de génération en génération et profondément ancré dans la culture nationale. À Berlin, les choses sont un peu (comme toujours) différentes. Depuis le début du XXᵉ siècle, la ville a dû s’adapter aux conflits, aux crises, ainsi qu’à la séparation est-ouest, et cela n’a pas facilité le développement du football.

Pourtant, dans l’adversité, de nombreux clubs ont émergé. Parmi eux, deux ont survécu aux épreuves de l’histoire : l’Union Berlin à l’est, et le Hertha Berlin à l’ouest. Personne à Berlin n’ignore l’existence de ces deux clubs, et chacun a sa préférence. Une chose est sûre : leur histoire mérite que l’on s’y attarde.

 

Union Berlin : les hommes de fer

L’Union Berlin est un club familial établi en 1906, mais longtemps resté sous les radars. Il s’appelait alors SC Olympia 06 Oberschöneweide. À l’époque, les couleurs de l’équipe étaient bleues, d’où le surnom des joueurs : les Schlosserjungs, en référence aux ouvriers métallurgistes du quartier d’Oberschöneweide qui portaient eux aussi des combinaisons bleues.

Si l’histoire de l’Union Berlin reste vague et assez anecdotique avant-guerre, c’est après la Seconde Guerre mondiale qu’elle prend une tout autre dimension.

Après-guerre, toutes les associations antérieures furent dissoutes par les Alliés : tout était à reconstruire. Le club historique de l’Union Berlin ne faisait d’ailleurs pas réellement partie des plans des Soviétiques dans la nouvelle organisation du football à Berlin-Est. Jusqu’en 1966, le club changea six fois de nom et n’avait aucune véritable importance.

Cependant, l’intervention de plusieurs personnalités politiques haut placées de l’est allait changer son destin. Parmi elles, Herbert Warnke et Paul Verner, deux membres du Politburo du Parti socialiste unifié d’Allemagne et dirigeants des syndicats de travailleurs. Ils avancèrent que Berlin avait absolument besoin d’un club civil, alors que les deux principales équipes de l’est étaient associées aux forces militaires. Basé au milieu d’un complexe industriel et composé d’ouvriers et de syndicalistes, le club renoua alors avec son imaginaire ouvrier au début des années 1970.

La santé du club restait toutefois fragile : elle dépendait du soutien irrégulier des responsables du parti et des syndicats. Parallèlement, une rivalité tenace se développa avec le Dynamo Berlin, club officiellement soutenu par la Stasi, bien plus performant, face auquel l’Union jouait le rôle de petit poucet.

Après la chute du mur et la réunification, les problèmes s’enchaînèrent pour l’Union Berlin. Comme beaucoup d’associations et d’entreprises d’Allemagne de l’Est, le club ne faisait pas le poids face à ceux de l’ouest. Bien qu’étant le principal club de Berlin-Est, l’Union, affaibli financièrement et sans sponsors, chuta dans les divisions inférieures.

 

Slogan de l'union Berlin
© Steffen PröBdorf, Wikipedia commons

C’est au début du XXIᵉ siècle que le club recommença à retrouver du succès. Toujours miné par quelques scandales et des difficultés économiques, il s’appuya néanmoins sur sa ferveur populaire pour remonter vers l’élite.

En 2004, à court de financement, le club fait appel à ses supporter pour financer la licence pour l'année à venir. Les supporter décident alors de lancer une campagne de don de sang. Des dons rémunérés par les hopitaux et dont l'argent était ensuite donné au club. 

En 2008, pour passer en deuxième division professionnelle, le club dut rénover son légendaire Stadion An der Alten Försterei. Face au refus de financement de la ville et du Land, et en pleine crise financière, le club opta pour une stratégie unique : faire rénover le stade par ses supporters. Plus de 2 000 fans travaillèrent bénévolement pendant plus de 140 000 heures afin de rénover le stade qui sera innauguré dans sa version finale en 2013. 

La communion entre le club et ses supporters est depuis lors totale. L’Union remonta progressivement jusqu’en Bundesliga. Lors de la saison 2022-2023, il se qualifia pour la Ligue des champions, après une quatrième place historique en Bundesliga : l’apogée sportive du club.

 

Hertha Berlin : la Vieille Dame

Le Hertha Berlin est un vieux club, d’où son surnom de « Vieille Dame ». Son nom vient d’un bateau bleu et blanc emprunté par l’un des fondateurs du club.

L’histoire du Hertha est moins chaotique que celle de l’Union. Dans ses quarante premières années d’existence, le club brille dans l’élite du football allemand et devient l’un des clubs majeurs de Berlin. Pendant l’entre-deux-guerres, il rivalise avec le FC Nuremberg comme meilleur club d’Allemagne.

Après-guerre, le Hertha se retrouve dans la zone occidentale. Au début des années 1950, le club est composé en grande partie de joueurs et d’entraîneurs ayant fui l’Allemagne de l’Est. Pour cette raison, les Soviétiques interdisent les rencontres entre clubs des deux zones.

Le tournant des années 1960 est compliqué : le Hertha perd de nombreux supporters en raison de la division de la ville. Le club est alors jugé peu attractif, Berlin n’étant pas perçue comme une destination agréable pour jouer, surtout depuis la construction du mur. Malgré cela, le club parvient à se maintenir en Bundesliga.

 

Tribune du Herta Berlin
© Frankinho, Wikipedia commons

 

Par la suite, le Hertha devient un club régulier de première division, sans toutefois être l’un des clubs majeurs du pays. Après la réunification, lui aussi connaît des difficultés économiques et fait l’ascenseur entre première et deuxième division dans les années 2000 et 2010. Entre 2015 et 2020, les résultats sont mitigés mais le club reste attractif grâce à son histoire et son public. Il est racheté, puis revendu, avant d’être finalement relégué en deuxième division en 2023.

Malgré un succès sportif récent limité, le Hertha peut compter sur la passion de ses supporters. Depuis 1963, il joue à l’Olympiastadion, le plus grand stade de Berlin et l’un des plus grands d’Allemagne, avec ses 73 000 places. Preuve de l’engouement : l’an dernier, alors que le club évoluait en deuxième division, plus de 53 000 personnes venaient chaque week-end assister aux matchs. Le Hertha était ainsi le club de seconde division attirant le plus de spectateurs — une preuve de l’amour des Berlinois pour leur club.

 

Le derby de Berlin en est-il vraiment un ?

Vous l’avez compris, ces deux clubs ont une histoire très différente. Ils représentent chacun une identité distincte mais complémentaire de la ville. Pourtant, une question demeure : existe-t-il vraiment un derby de Berlin ? La réponse est nuancée.

Pendant longtemps, les deux clubs ont eu leurs propres rivalités. Aucun contact n’eut lieu entre eux avant les années 1990 : chacun avait ses adversaires principaux, à l’est comme à l’ouest.

À la chute du mur, les deux clubs deviennent les principaux représentants de chaque côté : le Hertha est le géant de l’ouest, l’Union est le seul club civil majeur de l’est. Le 27 janvier 1990, seulement 79 jours après la chute du mur, les deux clubs ont une idée géniale : organiser un match amical exceptionnel. Devant 51 000 spectateurs venus de tout Berlin, la rencontre devient un symbole d’unité pour la ville et pour le pays. L’amitié se poursuit pendant les années 1990, avec plusieurs matchs organisés en hommage à cette rencontre historique.

Dans les années 2010, les deux clubs commencent à s’affronter de manière compétitive en deuxième puis en première division. Naît alors une véritable rivalité sportive : l’époque de l’amitié est révolue et chaque équipe veut devenir la meilleure de la ville. La récente relégation du Hertha en seconde division a toutefois mis ce duel entre parenthèses.

Voici donc un aperçu de la situation des clubs berlinois. Si chacun a son identité, une chose est sûre : assister à un match de l’une de ces équipes est une expérience unique.
D’un côté, le Stadion An der Alten Försterei, petit stade d’un club aux grandes ambitions, toujours rempli, animé d’une atmosphère électrique où les supporters chantent passionnément leur amour pour l’Union.
De l’autre, l’Olympiastadion, stade légendaire et majestueux, qui vaut réellement le détour et où règne une ambiance familiale autour d’un club désireux de retrouver sa gloire d’antan.

 

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