Édition internationale

L’aventure musicale de Sandra, cheffe de chœur passionnée

Sandra Lugbull vit à Berlin depuis 10 ans et a un métier pas vraiment commun : cheffe de chœur. Un métier passion et un parcours de vie intimement liés et imbriqués avec l’Allemagne, la langue allemande et les possibilités qu’offre Berlin aux artistes. Un parcours qui aurait sans doute été bien différent si elle était restée en France.

portrait de sandra lugbull cheffe de choeur à berlinportrait de sandra lugbull cheffe de choeur à berlin
« La musique, c’est d'abord l'écoute et après le chant » © Bernd Blome
Écrit par Sandrine Ibanez
Publié le 24 juin 2025, mis à jour le 25 juin 2025

Mais au fait, c’est quoi une cheffe de chœur ?


Sandra a toujours eu la musique en tête. Enfant, elle a fait beaucoup de piano au conservatoire, et sa famille chante vraiment plus que la moyenne.
 

Je crois que j’étais déjà cheffe de chœur à 13 ans quand on chantait pour l’Église à plusieurs voix avec ma famille, j’étais capable d’identifier et de chanter la voix de tout le monde. 

Étant donné notre méconnaissance de ce métier, on a demandé à Sandra de nous donner quelques détails. On a tenté un « C’est comme un chef d’orchestre, mais pour les voix ? » C’est ça.

Sandra nous donne quand même un peu plus d’infos concrètes. Elle explique que comme cheffe de chœur, elle ne chante pas pendant les répétitions, pour pouvoir mieux écouter : « La musique, c’est d'abord l'écoute et après le chant ». Son rôle avec le chœur, c’est de donner le tempo, les nuances (piano, forte), l’intention musicale ; de vérifier les notes ; de préparer les échauffements, pour que les voix soient bien geölt (huilées).

Le but est bien sûr qu’à la fin, des morceaux émergent. Sandra est exigeante, cherche de beaux sons, pousse ses choristes - certains aiment, d’autres moins. Elle utilise des approches corporelles et ludiques, avec pour objectif d'engager le corps et le diaphragme, éviter les tensions et, in fine, de mieux chanter. Pour rendre tout cela concret, elle nous donne un exemple : pour préparer le fameux Under Pressure de Queen & David Bowie, elle demande aux choristes de raconter leur week-end en utilisant uniquement « ba ba bay », aucun autre mot. Un super exercice pour relâcher la mâchoire, détendre le corps et améliorer le chant.

Ce qu’elle aime autant dans ce métier ? « Je suis fan de chant. J’adore chanter moi-même. Et encore plus écouter de la polyphonie. Ce n’est pas juste chanter : c’est chanter à plusieurs voix, créer des harmonies. Bien sûr, je pourrais chanter toute seule, mais je n’ai pas quatre bouches... alors qu’avec un chœur, on a des dizaines de voix différentes ! »

Sandra aime construire. Jouer avec les voix, préciser jusqu’où aller, ce à quoi faire attention. Et tout ça, elle le sculpte, le polit. Elle façonne le son de départ jusqu’à ce qu’il devienne beau.

Et aussi, l’humain. Sandra aime les gens. Et le son n’est jamais le même, parce que les gens ne sont jamais exactement dans le même état d’esprit. Tout ce qui se passe dans leur vie, que ce soit ce qu’ils ont mangé à midi ou leur peine de cœur, tout s’entend.

Alors Sandra s’adapte. Parfois elle laisse ce qui émerge, parfois elle va chercher autre chose : « C’est comme un peintre devant son tableau : il peut ajouter des touches, changer de technique pour le rendre plus beau. C’est exactement ce que je ressens quand je dirige », explique-t-elle.

Maintenant qu’on est mieux informés, on peut se pencher sur le parcours franco-allemand de Sandra.
 


Un lien avec l’Allemagne en fil rouge


Tel un petit Poucet, l’Allemagne sème des indices dans la vie de Sandra depuis sa jeunesse.

Après le bac, à 18 ans, Sandra passe un an dans une famille d’accueil et apprend l’allemand. Une langue qu’elle adore, qu’elle parle couramment aujourd’hui. D’ailleurs, elle truffe l’interview de mots allemands.

Ensuite, elle rentre à Sciences Po Bordeaux. Elle intègre la filière franco-allemande grâce à son année ici - pas exactement des études de musique, donc. Jusqu’à sa deuxième année à Sciences Po Stuttgart, où elle découvre un chœur de jazz qu’elle intègre illico. De retour en 4ᵉ année, la cheffe de chœur lui propose de la remplacer un dimanche après-midi. Le début de toute l’aventure !

Après son diplôme, elle s’installe à Strasbourg avec son mari - allemand. Dès son arrivée, elle cherche une chorale et rejoint la chorale LGBTQ+ Pelicanto, dont elle devient cheffe de chœur… en même pas un mois, après avoir confié à un des chefs de chœur qu’elle ne comprenait pas sa direction : il lui a proposé de le remplacer.

Elle intègre aussi la chorale universitaire de Strasbourg, d’abord en tant que choriste, puis devient cheffe de pupitre (direction des répétitions en petit groupe par voix) pour les sopranos.

Sandra occupe des postes variés dans l’administration, sur des projets franco-allemands. Mais lors de son congé parental, elle commence à suivre des cours de direction de chœur à Colmar, avec son bébé sous le bras, et crée un ensemble vocal de jazz, avec les huit chanteurs de la chorale universitaire. Puis elle se dirige vers un DEM (Diplôme d’études musicales) de cheffe de chœur.

Mais ça ne lui suffit plus, et ne lui convient plus. Elle prend conscience qu’elle veut suivre sa passion : diriger un chœur.

 

Photo de Sandra Lugbull en train de diriger un choeur
Sandra et le chœur Gebrannte Mandeln © Bernd Blome



Un métier passion devenu possible à Berlin


Et c’est à Berlin, où elle suit son mari pour son travail, que cela va être possible. Le deal est clair : OK pour Berlin, mais elle recommence de zéro et se consacre à sa passion, pour en faire un vrai métier. Et lui la soutient financièrement et logistiquement.
 

J'avais cette intuition qu’en Allemagne, je pourrais gagner ma vie avec ma passion. Ici, on comprend que c’est un vrai métier, exigeant, et on est rémunéré correctement. 

Et donc à Berlin, Sandra repart de zéro, et musicalement tout azimut. Elle commence par donner des cours de piano à des voisins, sans diplôme officiel de piano, « juste » le niveau, ce qu’elle n’aurait pas pu faire en France. Elle trouve aussi des annonces pour diriger des chorales en freelance. Puis, alors qu’elle inscrit son fils à un cours d’éveil musical, de fil en aiguille, la professeure lui propose d’enseigner - et elle dit oui.

Dix ans plus tard, Sandra a construit trois « piliers » pro / musicaux, et, séparée de son mari, assure elle-même sa stabilité financière. Ça reste moins stable que son métier d’avant, mais infiniment plus épanouissant.

Côté direction de chœur pour adultes, il y a les Gebrannte Mandeln (les amandes grillées), sa chorale de cœur, comme elle l’appelle, un chœur pop-jazz, intergénérationnel qu’elle dirige depuis 2016, le Clara Schumann Frauenchor, chœur de 50 femmes, plutôt classique, mais avec des projets type comédie musicale, et aussi Couleurs Vocales, un petit ensemble vocal qu’elle a fondé avec d’anciens choristes et où elle chante elle-même. 

À cela s’ajoute son contrat à la Musikschule Tomatenklang (le son des tomates !), où elle dirige plusieurs chorales d’enfants, anime des groupes d’éveil musical et enseigne le piano. Et, en parallèle de tout ça, elle est aussi professeure de musique en Grundschule. Trois activités complémentaires, qui lui permettent aujourd’hui de vivre pleinement de sa passion.

Donc autant dire qu’entre les cours et leur préparation, les répèt’, les concerts, et toutes les nouvelles idées et projets qui tourbillonnent dans sa tête, la vie de Sandra est bien remplie. Surtout dans une ville aussi étendue que Berlin (une des choses qui ne lui manqueraient pas si elle partait).

 

Photo de groupe des 50 femmes du Clara Schumann Frauenchor
Le Clara Schumann Frauenchor © Bernd Blome 



Et la suite… toujours à Berlin ?


Sandra ne se voit pas retourner en France. Elle nous donne sa vision de Berlin, tout en nuance, loin des discours simplistes du tout génial ou tout épouvantable. Le plus difficile pour elle, ce n’est pas l’hiver, même si elle n’est pas fan. C’est la Berliner Schnauze. Cette froideur, cette honnêteté tranchante… elle qui est chaleureuse, souriante et enjouée, ça ne marche pas très bien. Même si elle reconnaît que ça dépend beaucoup des quartiers. Elle habite dans le Märkisches Viertel, un endroit où la vie n’est pas toujours rose pour tout le monde. Si ici, les relations sont plus dures, elle a trouvé un cercle amical, essentiellement de Françaises, avec qui elle partage vécu, culture et humour sorti de La Cité de la peur.

Elle aime aussi énormément l’espace, la verdure à Berlin. Elle vit à deux minutes de Lübars, où elle fait du vélo et des balades en pleine nature, se pose au Alte Fasanerie, ou se baigne au Strandbad. L’ouverture d’esprit aussi : ici, une choriste aux cheveux roses ne fait pas grincer des dents. La richesse culturelle, les lieux pour danser - la salsa au Monbijoupark, ou au Frannz Club pour les tubes 80’s. Le bien-être à Vabali.

Et elle est heureuse que ses enfants soient dans le système franco-allemand à la Sophie Scholl Schule, où ils baignent dans les deux cultures.

Des plans pour le futur ? « Je ne me vois pas arrêter mon travail, du coup a priori je reste à Berlin, je serai une cheffe de chœur rock'n'roll de 85 ans et j'aurai les chœurs seniors ». Ça, c’est un chouette plan.


🎶 Retrouvez Sandra et le Clara Schumann Frauenchor en concert le 6 juillet 2025 à la Martin-Luther-Kirche.




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