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Comment la campagne présidentielle française est-elle vue par l’Allemagne ?

Meeting Marine Le PenMeeting Marine Le Pen
© gregroose - Pixabay
Écrit par Emma Voglimacci Stephanopoli
Publié le 4 avril 2022, mis à jour le 6 avril 2022

A quelques jours du premier tour, l’élection présidentielle française ne passionne pas les Allemands, et ce notamment en raison d’un désarroi face aux choix politiques français.

 

Dans une actualité dominée par le conflit en Ukraine, la présidentielle française est loin de passionner les Allemands. La dynamique de campagne ne traverse pas la frontière et les Allemands se perdent entre les 12 candidats, qu’ils ont tendance à trouver trop nombreux. De plus, comme le souligne le journaliste allemand Kai Littmann, rédacteur en chef du site eurojournalist.eu sur France Info, après deux ans de pandémie de Covid-19, les pays ont tendance à se refermer sur eux-mêmes et à s’intéresser principalement à ce qui se passe au niveau national.

Pourtant les résultats de l’élection française vont impacter la politique de l’Union européenne, et notamment l'équilibre du couple franco-allemand.

Nous avons interrogé deux citoyennes allemandes, Sophia, 21 ans et Anouk, 31 ans pour tenter de comprendre comment cette élection est vue par l’Allemagne.
 

Un glissement vers l’extrême droite incompris

Une des tendances soulignées par la presse ainsi que par Sophia et Anouk est le glissement vers la droite et l’extrême droite du clivage politique français. Les allemands mettent régulièrement en avant une incompréhension face à la montée des idées d’extrême droite dans le « pays des droits de l’homme ». Par exemple, le Frankfurter Allgemeine Zeitung ne parle plus de droite ou de gauche, mais de candidats libéraux face aux « nationalistes autoritaires » pour bien marquer ce tournant. Selon Sophia, « Les news couvrent surtout la montée en force de Marine Le Pen et de l’extrême droite en général, étant donné qu’elle a beaucoup de chance d’être au second tour. »

 

Or cette dynamique est à l’opposé de ce qui se passe outre-Rhin. Lors des dernières élections fédérales de 2021, les Allemands ont majoritairement voté pour le centre-gauche, ce qui engendre un certain désarroi face à la situation française. Si le RN était vu comme une excentricité tolérable des français toujours mécontents et provocateurs, les élections de 2017 et, plus récemment, les nombreuses polémiques d’Eric Zemmour ont créé un certain malaise dans la sphère politique allemande.

 

Une gauche française moins connue 

A l’inverse, la gauche est beaucoup moins sous le feu des projecteurs. Sophia et Anouk expliquent toutes les deux qu’elles ne connaissent pas vraiment les candidats de gauche. Ces derniers peinent à rassembler des intentions de vote majeures et en conséquence sont peu connus outre-Rhin, à l’exception de Jean-Luc Mélenchon dont la récente remontée dans les sondages a valu un certain nombre d’articles dans la presse. La gauche française semble bien moins connue que la droite.

 

Du côté des responsables politiques, Stefan Seidendorf, Directeur adjoint de l'Institut Franco-Allemand de Ludwigsburg, explique dans « L’Europe, la guerre et les élections présidentielles vues de Berlin » que les hommes politiques de gauche allemands regrettent le manque de popularité de leurs « camarades français ». «  Devant l’échec de la "Primaire populaire", on se demande pourquoi il n’y a aucune alliance sociale-démocrate comme il fut un temps, et comme a fait l’Allemagne aux dernières élections » explique-t-il. Mais l’Allemagne et la France sont deux pays à la culture et à la situation politique différentes. Si la social-démocratie a fonctionné pour l’une, ce n’est pas forcément le cas pour l’autre.

Les derniers grands mouvements sociaux français, comme la manifestation des « Gilets Jaunes » ou les revendications corses, sont plus en adéquation avec les partis de contestation du système comme la France Insoumise ou le PCF, qu’avec la social-démocratie d’Anne Hidalgo. Il semble donc naturel qu’une alliance socio-démocrate à l’allemande soit plus difficile à mettre en place.
 

Le sentiment d’une issue gagnée d’avance

Enfin, une des raisons qui engendre le désintérêt pour la campagne en France comme en Allemagne, c’est l’impression que tout est déjà joué d’avance. « Je sais que Macron va sûrement être réélu » me disent toutes les deux Anouk et Sophia. « En cas de crise, comme celle en Ukraine ou celle du Covid, les personnes ont tendance à se tourner vers les anciennes structures et les personnalités déjà connues, vers qui elles se sentent en confiance » a ajouté Anouk. « Surtout, c’est l’occasion pour lui (Emmanuel Macron) de montrer son leadership et sa forte implication dans le domaine militaire » a déclaré Sophia. En effet, la stratégie du candidat LREM est depuis le début de se montrer en chef d’état responsable, en surplomb de la campagne pour se démarquer des autres candidats.

 

Le choix Macron, un choix « safe » pour l’UE

Le président semble bénéficier d’une certaine sympathie calculatoire outre-Rhin. « Pour l’UE, les élections françaises ont une importance. Marine Le Pen y est opposée, même si elle a changé d’avis sur la possibilité d’un « Frexit ». Au contraire, Macron est pro-Europe, je préférerais donc Macron » déclare Sophia. 

Dans les institutions politiques, le choix est le même. Stefan Seidendorf est clair, les responsables politiques sont «  habitués au système parlementaire et fédéral, avec ses éternelles coalitions et sa permanente négociation de compromis, [ils] ne laissent aujourd’hui aucun doute sur le fait qu’ils espèrent continuer à coopérer avec Emmanuel Macron. »

 

Il reste maintenant à attendre le 24 avril au soir pour savoir si les prédictions allemandes seront vérifiées. 

 

 

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