Le 9 mars, l’article 219a du code allemand interdisant la « publicité » pour l’avortement a été abrogé en conseil des ministres. Si cette décision représente une avancée dans l’accès à l’IVG, le combat est loin d’être terminé.
Un article datant du nazisme
Seulement quelques mois après son arrivée au pouvoir en 1933, Hitler fait adopter en Allemagne un article interdisant la « publicité » pour l’avortement. Cet article 219a dispose que « toute personne qui, en public ou par ses écrits […], propose ou promeut ses services ou ceux d’un tiers pour effectuer ou encourager un avortement […] est passible d’une peine de privation de liberté allant jusqu’à deux ans ou d’une contravention ».
En bref, toute information rendue publique sur l’interruption volontaire de grossesse est considérée comme de la publicité. Mercredi 9 mars 2022, le paragraphe 219a a été abrogé, plus de 89 ans après son adoption.
Un combat de longue date
Il aura fallut presque un siècle de combats de la part des associations féministes pour en arriver là. La coalition SPD-Verts-FDP a finalement respecté sa promesse de campagne, en abrogeant l’article 219a en conseil des ministres, le lendemain de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Une revendication de longue date, revenue au cœur des polémiques et de l’actualité ces dernières années.
En effet, en 2017, une décision de justice fait grand bruit et relance les débats. Dans l’Hesse, à Giessen, le tribunal condamne Kristina Hänel, une médecin généraliste, à 6.000 euros d’amende pour avoir indiqué sur le site Internet de son cabinet qu’elle réalisait des IVG. Cette décision scandalise une partie de l’opinion publique, qui met en place une pétition signée par 150.000 personnes, réclamant l’abrogation de l’article 219a. En parallèle, des députés issus des Verts, du SPD, du FDP, de Die Linke et du parti de gauche se mobilisent aussi. Ils déposent à la Chambre Basse, une proposition de loi en faveur de l’abrogation.
Malgré cette initiative, le projet ne passe pas. Les députés se heurtent à l’opposition de la branche conservatrice CDU-CSU, favorable au « droit à la vie ». Après des discussions musclées, le SPD, allié de la « grande coalition », réussit à obtenir un compromis : l’amendement du paragraphe.
Mais pour les associations, cela reste insuffisant car si les médecins peuvent indiquer qu’ils pratiquent l’IVG sur le site de leur cabinet, ils ne peuvent pas expliquer comment ils le pratiquent. L’abrogation décidée ce 9 mars, permet aux femmes d’avoir accès à toutes les informations de façon fiable, directement des cabinets médicaux.
Bundeskabinett billigt Abschaffung des § 219a StGB ? als nächstes geht es in den Bundestag! #wegmit219ahttps://t.co/UBE5Yjsz3h
— Bündnis für sexuelle Selbstbestimmung ♥ (@ProChoice_DE) March 9, 2022
La lutte pour la légalisation
Si cette mesure permet une avancée dans l’accès à l’IVG, le combat n’est pas terminé. La législation allemande reste moins avancée que celle de la France par exemple, et l’avortement continue d’être tabou.
En effet, l’avortement n’est pas un droit en Allemagne. L’article 218 du Code pénal interdit l’IVG sauf exceptions, tout en indiquant qu’il peut être dépénalisé en dessous de 12 semaines de grossesse. Le problème n’est pas que symbolique, cet article ne garantit pas la protection juridique des cliniques et cabinets médicaux qui le pratiquent. En conséquence, ces derniers ont vu leur nombre divisé quasiment par deux en vingt ans.
Enfin, l’IVG n’est pas accessible à tous puisqu’il n’est remboursé à 100 % que dans certains cas, par exemple à la suite viol, ou lorsque la vie de la mère est en danger.
L’Allemagne a donc encore des progrès à faire pour garantir le droit de toutes les femmes à « choisir ». Des changements qui risquent d’être difficiles à faire dans ce pays où les mouvements « pro-vies » ainsi que l’Église Catholique et Protestante sont très influents socialement, moralement et politiquement.
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