Un fer à repasser hérité, une radio vintage ou une chaise bancale — objets blessés qu’on amène dans un sac en toile, un samedi gris, comme on irait voir un vieil ami. À Berlin, les Repair Cafés accueillent chaque mois habitants et bricoleurs autour d’un même mot d’ordre : réparer ensemble. Dans une époque qui favorise le neuf et oublie le travail manuel, ils offrent une forme de résistance tranquille et écologique.


Un concept né à Amsterdam, enraciné à Berlin
Face à la surconsommation et à l'obsolescence programmée, les Repair Cafés proposent une alternative durable : réparer au lieu de jeter. L’idée voit le jour à Amsterdam en 2009, portée par Martine Postma. Son premier atelier de réparation collective rencontre un tel succès qu’elle fonde la même année la Repair Café Foundation, pour diffuser le modèle dans le monde. En quelques années, la greffe prend. Aujourd’hui, les Repair Cafés existent dans plus de 30 pays, et Berlin est l’une des villes où l’initiative a pris racine avec ferveur.
Un atelier par mois, un après-midi pour réparer
Un samedi pluvieux à Schoneberg. Sur une table en bois usé, une vieille cafetière trône entre une loupe grossissante et une boîte de fils électriques. Pas un bruit, si ce n’est celui d’un tournevis qui grince sur une vis récalcitrante. Plus loin, un retraité aide une jeune étudiante à redonner vie à son radio-réveil. Nous ne sommes pas dans un atelier professionnel, mais dans un Repair Café, l’un des nombreux que compte Berlin.
Le Café Grenzenlos à Friedrichshain propose une session chaque deuxième vendredi du mois, de 16h à 19h ; le BUND Repair Café de Schöneberg ouvre ses portes le troisième lundi de chaque mois, entre 17h et 20h ; et dans le Brunnenviertel, on se retrouve le dernier lundi du mois pour remettre les objets sur pied. En moyenne, chaque association organise un atelier mensuel, souvent en après-midi, parfois sur la journée entière.
On y vient avec son grille-pain, son aspirateur, un manteau décousu ou un circuit imprimé capricieux. Les outils sont à disposition, mais les participants sont invités à apporter les leurs. Car ici, on ne vient pas déposer son appareil et repartir : on répare ensemble, à quatre mains, en discutant avec les bénévoles. Ce n’est pas un service, mais une transmission.
La philosophie est claire : pas de gros électroménager, uniquement ce qui tient sous le bras. Il ne s’agit pas de concurrencer les ateliers professionnels, mais d’encourager l'autonomie et la circulation du savoir-faire. Des tirelires posées discrètement sur les tables permettent souvent de soutenir l’activité ; aucun tarif n’est imposé, la gratuité restant la règle.
Réparer l’objet, recréer du lien
Au-delà du geste technique, l’intérêt est social et collectif. Les Repair Cafés sont des lieux d’apprentissage mutuel, de convivialité et de ralentissement. On y parle tournevis, mais aussi écologie, durabilité et vie quotidienne. À travers la réparation, c’est la valeur des objets qui est questionnée, mais aussi celle du lien entre générations, entre voisin·e·s, entre ceux qui savent et ceux qui apprennent.
Dans une société du jetable, ces bulles de coopération rappellent que réparer n’est pas seulement utile — c’est aussi un acte politique et écologique. Une victoire silencieuse contre l’oubli des choses et le mépris du geste.
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