Le 7 juillet dernier, le nouveau projet « 30 kg » a été inauguré au Humboldt Forum, au sein de l’exposition BERLIN GLOBAL. Retour sur un voyage migratoire entre Berlin et Istanbul.
Une coopération germano-turque
Lors de son discours d’introduction, Paul Spies, responsable de l’exposition BERLIN GLOBAL et directeur des musées de Berlin, a tenu à souligner l'importance, pour les Berlinois, de se reconnecter avec leur histoire. « 30 kg » est ainsi la troisième exposition qui prend place dans l’un des « espaces libres » de l’exposition BERLIN GLOBAL, dédiés aux récits partagés par les différentes communautés du monde habitant la capitale. Paul Spies espère ainsi que celles et ceux qui sont liés à ces communautés viendront visiter cet espace libre, car « le monde est dans Berlin et Berlin est dans le monde »
Le projet « 30 kg » a été réalisé en partenariat avec l’équipe de BERLIN GLOBAL. Sophie Perl, conservatrice des « espaces libres », a tenu à revenir sur ce processus collaboratif, insufflé par l’idée de Burcu Argat, responsable du projet « 30 kg », de rendre hommage aux parcours de migrantes turques s’étant installées à Berlin. Sophie Perl fut immédiatement séduite par cette idée, car elle correspondait à l’essence même de l’exposition BERLIN GLOBAL et pose des questions encore d'actualité. Elle a ainsi tenu à mettre en lumière l’ensemble des sept participantes de « 30 kg », projet qui aura nécessité près d’un an de travail acharné.
« Berlin, la ville des femmes libres »
À son tour, Burcu Argat a tenu à remercier sa collègue designer İzim Turan, ainsi que l’équipe de BERLIN GLOBAL, qui lui ont permis de voir son projet se concrétiser et ces histoires mises en lumière. Car le but de cette présentation est de raconter ce qui a été trop peu évoqué jusqu’à présent : l’histoire de femmes turques, comme Emine Adalet Pee, qui, entre 1920 et 1940, ont décidé de poser leurs « 30 kg » de bagages à Berlin. Considérée comme la « ville des femmes libres », la capitale allemande semblait ouvrir un nouveau champ des possibles à ces femmes en quête d’émancipation. « La migration est quelque chose de créatif, car chaque jour, nous devons nous adapter (…) pour cela, il faut du courage et du soutien, et ce soutien, Berlin me l’a donné » nous rappelait Burcu Argat lors de son allocution.
À travers cet aspect historique, « 30 kg » cherche à faire le pont entre le passé et le présent, avec des témoignages récents de jeunes femmes turques ayant tenté l’aventure berlinoise et vécu un choc culturel. « L'entreprise dans laquelle je travaille ici [à Berlin] est certes formelle, mais nous venons au travail en jeans et en pull-over. », pouvait-on lire de la part d’une des participantes, Pinar Akyol.
Cependant, l’exposition « 30 kg » ne cache pas la dure réalité, à laquelle peuvent faire face de nombreuses femmes. Le témoignage de la journaliste Michelle Demishevich, permet de mettre le doigt là-dessus. Femme transgenre ayant trouvé asile à Berlin, Michelle a continué à être discriminé(e) pour son genre et ses origines : « Non, je ne suis pas arrêté(e), et je ne reçois pas non plus de menaces de mort, mais je suis finalement mis en marge de la société, exclue et punie par le mépris. »
Migrer : une aventure identitaire
« Migration ist Veränderung » (« la migration, c'est le changement ») pouvait-on lire sur une affiche en forme de billet d’avion. L’un des principaux enjeux de cette inauguration et du projet « 30 kg » fut en effet de mettre en exergue la question du potentiel changement d’identité des migrantes.
En marge de l’inauguration, un moment d’échange fut dédié à ce sujet, réunissant Michelle Demishevich, Burcu Argat, İzim Turan et Gaye Su Akyol, activiste et chanteuse multigenre. Animée en turc par Idil Efe, responsable du pôle « Diversité » des musées de Berlin, cette discussion a permis de revenir sur le processus d’acculturation que peut engendrer l’arrivée dans un nouveau pays. Les différents intervants.es ont souligné l’importance de continuer à pouvoir parler la langue de leur pays d’origine et d’échanger avec des membres de leur communauté, afin de ne pas perdre une partie de leur identité.
Cette discussion fut également propice à l’échange d’expériences entre migrantes et non-migrantes, comme l’artiste engagée Gaye Su Akyol, qui vit toujours en Turquie. Elle tenait à rappeler que migrer ne signifie pas la fin des malheurs, et que la résistance politique continue à prendre de l’ampleur en Turquie et partout dans le monde, afin de faire évoluer les mentalités.
Pour recevoir gratuitement notre newsletter du lundi au vendredi, inscrivez-vous !