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La culture du viol serait-elle au programme de l’école thaïlandaise ?

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Jean-Louis DUZERT -
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 26 mai 2020

Le ministère thaïlandais de l’Éducation fait l’objet de vives critiques ces jours-ci pour sa complaisance vis-à-vis de la culture du viol qui prospère dans les rangs des enseignants dont certains sont récemment passés à l’acte sur leurs propres élèves et semble recevoir le soutien de certains de leurs collègues

Les représentants d’un réseau de 92 organisations thaïlandaises ont remis, vendredi 22 mai, une lettre au ministre de l’Éducation Nataphol Teepsuwan l’appelant à agir fermement pour lutter contre les agressions sexuelles dans les écoles et assurer un véritable soutien aux victimes et leurs familles en engageant des poursuites contre les agresseurs qui se trouvent être des enseignants. Une pétition ayant recueilli plus de 10.000 signatures a été jointe à la lettre. 

Ces réclamations interviennent face à l’inertie du ministère de l’Éducation après des scandales d’abus et de viols dans trois provinces en Thaïlande. A Mukdahan, dans le Nord-est, cinq enseignants et deux anciens étudiants sont accusés de viols en réunion - répétés sur une période d’un an - sur une étudiante de 14 ans et trois d’entre eux sont également impliqués dans le viol d’une autre adolescente de 16 ans. À Buriram, un professeur de 39 ans est accusé d’avoir brutalisé une écolière de 12 ans. En avril, le directeur d’une école primaire de Petchabun a été accusé d’avoir violenté une élève de 12 ans après la publication d’une vidéo de ses actes devenue virale. 

Citée par le Bangkok Post, la responsable de l’ONG Programme pour le Bien-être des femmes et la Justice de genre, Waraporn Chamsanit, a rappelé que les écoles sont censés être des lieux sûrs pour les enfants.  

Après avoir reçu la lettre, le ministre de l’Éducation aurait déclaré selon la presse locale qu’un centre d’aide aux victimes serait mis en place et que les propositions faîtes par les 92 organisations serviraient pour élaborer des mesures préventives dans le futur. Il a également assuré que les malfaiteurs ne resteraient pas impunis. 

En attendant, les cinq professeurs et deux anciens étudiants accusés de viols à Mukdahan sont actuellement en liberté conditionnelle. 

Les viols et abus de la part d’enseignants sur des étudiants sont malheureusement courants en Thaïlande déplore Sanitsuda Ekachai dans un édito dans le Bangkok Post. Et ces histoires scandaleuses survenues dans le berceau de l’éducation seraient sans doute tombées rapidement dans l’oubli si des enseignants n’avaient rajouté à l’horreur des faits des commentaires pour le moins choquants mais néanmoins révélateurs du contexte ambiant.  

Par rapport à l’affaire des viols en réunion des deux adolescentes de Mukdahan, Sanitsuda Ekachai relève quelques-uns des commentaires de profs postés sur les réseaux sociaux qui tendent à relativiser la gravité de l’acte, déresponsabiliser les criminels et à diaboliser les victimes : 
> “Les gens font des erreurs. En tant qu'amis dans la même profession d'enseignant, nous voulons demander à ceux qui les appellent ‘violeurs’ s'ils savent que les filles étaient des partenaires consentantes”. 
> “Ces professeurs ne sont que des hommes. Ils ont des désirs sexuels. Si vous avez peur du viol, enseignez à vos enfants à la maison. Ne les envoyez pas à l’école”. 
> “Ils ont des familles aussi. S’ils sont en prison, qui prendra soin de leurs familles ?”. 
> “Viol ? Et alors ? Se retourner contre les gens qui enseignent fait de vous des ingrats”. 

Ces commentaires, qui ont suscité l’indignation et la colère parmi les Thaïlandais, reflètent selon Sanitsuda Ekachai une culture de l’impunité où les violeurs, protégés par le népotisme ambiant, sont rarement punis tandis que les victimes risquent davantage de souffrances encore si elles parlent. “Le sexisme et la culture du viol, permettent aussi [aux abuseurs] de cataloguer les victimes de mauvaises filles qui ne demandent que ça”, écrit l’éditorialiste thaïlandaises. “Le patriarcat, le sexisme et l'oppression sexuelle prospèrent pour contrôler les gens dans cette société autoritaire - en particulier envers les femmes. Les viols à l'école et d'autres formes de violence sexuelles ne sont que des manifestations de la culture autoritaire et militariste qui régit le système fermé de nos écoles”, poursuit-elle. 

Fin avril, le gouvernement thaïlandais annonçait vouloir protéger les femmes qui dénoncent les abus sexuels sur leur lieu de travail. "Le Premier ministre a souligné que des mesures disciplinaires seront prises (contre les abuseurs), et les personnes qui portent plainte sont protégées", a déclaré le ministre du Développement social et de la Sécurité Publique, Juti Krairerk.

Si le fait de pouvoir porter plainte plus facilement est une mesure louable, il faut cependant qu’elle soit incluse dans un cadre plus global avec d’une part une réelle protection des victimes juridique, sociale et psychologique et la poursuite devant les tribunaux des agresseurs et violeurs. D’autre part, un travail plus en profondeur pour changer les mentalités, lutter contre le sexisme et la culture du viol et cela dès le plus jeune âge en offrant un lieu d’apprentissage où les enfants ne risqueraient pas de se faire brutaliser ou violer par un corps enseignant en toute impunité. 

Même si les agressions sexuelles ne sont malheureusement pas une particularité de la Thaïlande, environ 30.000 agressions sexuelles sont répertoriées chaque année  (lire aussi Ruling on Rape du Bangkok Post) dans le royaume dont l’actualité est régulièrement marquée par des affaires retentissantes.

En 2018, un militaire séropositif est arrêté pour le viol de 75 adolescents âgés de 13 à 18 ans.

En 2017, 40 hommes d’un village de Phang Nga étaient condamnés pour viol collectif sur une mineure de 14 ans.

En 2015, un couple de touristes britanniques a été tuée sur l’ile de Koh Tao après que la jeune femme a été violée. Même si de forts soupçons ont pesé sur le fils d’un notable de l’ile, ce sont finalement deux jeunes travailleurs migrants qui ont été condamnés à mort à l’issue d’un procès opaque très controversé. 

En 2014, l’affaire d’une jeune fille de 13 ans violée dans un train et jetée sur la voie ferrée avait fait beaucoup de bruit pour la légèreté des peines pour les agresseurs. C’est suite à cette affaire que la société de chemins de fer thaïlandais a interdit la consommation d’alcool dans les trains et mis en place des wagons couchettes uniquement destinés aux femmes et aux enfants.

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