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Le coup de gueule d’Anne Genetet contre la Thaïlande est-il justifié ?

La deputee Anne Genetet sur FacebookLa deputee Anne Genetet sur Facebook
copie d'écran - Anne Genetet le 8 mai lors d'une session Facebook Live
Écrit par Pierre QUEFFELEC
Publié le 12 mai 2021, mis à jour le 14 mai 2021

Dans une séance Facebook live, samedi, la députée Anne Genetet a poussé un coup de gueule contre la Thaïlande, l’accusant de faire jouer la préférence nationale dans le traitement des malades du Covid.

Le rendez-vous en ligne d’une heure via Facebook donné depuis la France samedi par Anne Genetet, la députée française de la 11e circonscription (Asie-Océanie-Europe orientale), était destiné à rassurer ses auditeurs sur l’accès au vaccin Covid-19 pour les Français de l’Etranger ainsi que sur les conditions d’entrée en France, avec des informations fraîchement récoltées auprès du gouvernement assorties de quelques expériences personnelles.

Si l’opération a été plutôt réussie dans l’ensemble, comme le souligne lepetitjournal.com dans un compte-rendu synthétique, pour les Français de Thaïlande, certaines informations avaient de quoi faire froid dans le dos.

Ils se sont en effet entendus dire avec force par la députée que le pays dans lequel ils vivaient ferait jouer la "préférence nationale" quand il s’agit de soigner les étrangers atteints du Covid-19, et qu’un de leur compatriote en aurait d’ailleurs perdu la vie il y a quelques jours.

Trois Français morts du Covid

La glaciale déclaration arrive à la 38e minute (et 40 secondes) de la vidéo, toujours disponible sur Facebook, lorsque la députée de La République en Marche se fend d’un "coup de gueule" dont elle ne cache pas la teneur politicienne, évoquant le décès du Covid-19 d’un ressortissant français en Thaïlande qu’elle dit être "victime de la préférence nationale". Sans toutefois donner davantage de précisions sur le nom, le lieu ni même les circonstances exactes permettant une conclusion aussi grave.

"C’est effrayant quand la préférence nationale ne conduit à ne soigner que la nationalité du pays, à ne vacciner que les ressortissants du pays (…) C’est un non-sens sanitaire, cette crise pandémique mondiale n’a rien à voir avec la nationalité. On ne s’en sortira jamais tant que tout le monde ne sera pas soigné, tant que tout le monde ne sera pas vacciné ! Ce que fait la Thaïlande est hautement condamnable, hautement critiquable et j’espère que jamais, jamais, ce type de choix n’aura lieu sur le sol français. Cela n’est pas dans nos valeurs", a-t-elle déclaré.

Nous avons demandé à l’ambassade de France à Bangkok, ainsi qu’à trois conseillers consulaires en Thaïlande et au Docteur Gérard Lalande, médecin français résident de longue date dans le royaume, s’ils avaient entendu parler d’un tel cas. Mais aucun d’eux n’a pu confirmer un décès dans les circonstances décrites par la députée ces derniers jours, même si l’on sait qu’au moins trois personnes de nationalité française ont récemment perdu la vie dans le royaume à cause du Covid-19.

"Suivi exemplaire" des patients étrangers

"Cette affirmation m’étonne effectivement beaucoup", a déclaré le Dr Lalande. "Je n’ai personnellement pas eu vent d’un décès de Français pour les raisons invoquées par la députée, ni même de cas de discrimination de la part du système de santé thaïlandais ou de médecins dans leur façon de traiter les patients étrangers. Bien au contraire, nous avons de nombreux exemples de patients étrangers atteints du Covid-19 dont le suivi a été exemplaire, avec une prise en charge précoce et adaptée à chaque patient", nous a-t-il dit par téléphone. 

Et le médecin français d’ajouter : "Je considère ainsi que la Thaïlande a une stratégie de prise en charge particulièrement sérieuse et efficace pour tous les patients, Thaïlandais ou non, infectés par le virus SARS-Cov2".

Nous avons demandé lundi par e-mail des éclaircissements à Anne Genetet. Nous n’avons pas reçu de réponse venant directement d’elle, mais son collaborateur parlementaire, Nicolas Martin-Lalande, nous a texté mardi "Madame Genetet vous invite à vous rapprocher de l’Ambassade pour obtenir plus d’informations sur ce fait", tout en prévenant que "le souhait de ne pas créer d'incident diplomatique pourrait expliquer une volonté de ne pas communiquer".

Près de 6.000 internautes ont vu la vidéo Facebook dans laquelle la députée française accuse la Thaïlande.

Le nationalisme a ses limites

Même s’il convient de lui accorder le bénéfice du doute malgré le flou sur les faits et son silence depuis, il est difficile pour ceux qui vivent en Thaïlande depuis un certain temps de croire à ce qui pourrait facilement être perçu, particulièrement dans la France anti-conspirationniste de LREM, comme une mauvaise théorie complotiste.

Certes, la Thaïlande ne cache pas son penchant pour la préférence nationale quand il s’agit d’appliquer la double tarification, de limiter pour les non-Thaïlandais l’accès à certains services publics ou encore de leur interdire de pratiquer certains métiers. Les étrangers vivant dans le royaume en sont bien conscients et certains d’entre eux ne manquent pas l’occasion d’exprimer leur frustration vis-à-vis de ces traitements qu’ils jugent injustes même si d’autres vivent très bien avec ou se font une raison.  

Mais sur la question de la santé, le nationalisme thaïlandais semble avoir largement atteint ses limites, en témoigne les quelque 300 millions de bahts en factures médicales impayées laissées par des étrangers dans des hôpitaux publics en 2018.

Et puis quand on voit le tapage que suscite une entrée de musée payante pour les étrangers quand elle est gratuite pour les Thaïlandais, on n’ose imaginer ce que ce serait si une personne atteinte du Covid-19 perdait la vie pour une question de préférence nationale.

Doutes sur l’accès au vaccin

Tout récemment, il est vrai que les étrangers soucieux de se faire vacciner ont fait connaître leurs inquiétudes vis-à-vis d’un manque d’information concernant la vaccination et l’accès pour les non-thaïlandais -pour des questions d’adaptation linguistique- aux outils permettant de se renseigner et de s’inscrire au programme. Les autorités ont répondu la semaine dernière que des doses seraient prévues pour au moins 3 millions d’étrangers enregistrés dans le royaume et que des versions en anglais des applications seraient bientôt disponibles.

Par conséquent, si les conditions d’accès au vaccin pour les étrangers (gratuite ou payante) ne sont pas encore garanties, de même que le choix des vaccins, il semble bien que les autorités se soient engagées pour que ceux qui souhaitent se faire vacciner dans le royaume aient la possibilité de le faire.

Enfin, il est important de rappeler que le bilan de la Thaïlande depuis le début de la pandémie affiche un taux de mortalité due au Covid-19 quasi nul (0,0005%) quand celui de la France est de 0,16%. Entre janvier et mars, la Thaïlande comptait 1.000 fois moins de décès Covid que la France.

Alors que la France a semble-t-il tout misé sur le vaccin depuis le début, empêchant même pendant un temps les médecins généralistes de traiter les patients légers, la Thaïlande a fait le choix dès le début de prendre en charge de manière précoce tous les cas d’infections au coronavirus en utilisant pour soigner les malades du Covid-19 des traitement et médicaments existants, comme le soulignait le mois dernier le Dr Gérard Lalande, dans un interview à Lepetitjournal.com.

En gros, quand l’an dernier la France disait aux malades légers de rester chez eux et de prendre un doliprane, la Thaïlande soignait sur son sol des ressortissants Français à grand renfort d’antiviraux, de chloroquine ou autres médicament jugés adéquats par les médecins selon la situation de chaque patient.

De fait, une question s’impose: en quoi la France, qui a coupé ses propres citoyens des principes de base de la médecine et fait en conséquence partie des 15 pays d’où proviennent 75% des morts du Covid dans le monde, peut-elle faire ainsi la leçon à la Thaïlande qui a soigné tous les gens atteints depuis le début sans distinction?

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