Paul Chambers, universitaire américain spécialiste de la politique en Asie du Sud-Est, a été arrêté en Thaïlande mardi, accusé par l’armée d’avoir insulté la monarchie, un délit pénal dans le pays.


L’annonce la semaine dernière du mandat d’arrêt contre ce chercheur respecté, auteur de plusieurs dizaines de publications sur les affaires politiques et militaires de la région, avait déjà provoqué un certain émoi au sein de la communauté expatriée et des milieux intellectuels.
Paul Chambers, qui est enseignant à l’université Naresuan, dans le nord de la Thaïlande, s’est présenté mardi dans un commissariat de la province de Phitsanulok, a confirmé la police.
Selon l’agence de presse américaine Reuters, qui a pu voir une lettre envoyée le 31 mars par la police à l’université pour l’informer de la procédure, Paul Chambers serait sous le coup de deux chefs d’accusation : l’un en vertu du fameux article 112 du code pénal et un autre tombant sous le coup de la loi contre les crimes informatiques.
À lui seul, l’article 112 du code pénal thaïlandais prévoit une peine de trois à quinze ans d’emprisonnement contre toute personne reconnue coupable d’avoir diffamé, insulté ou menacé le roi, la reine, l’héritier ou le régent.
Depuis les manifestations antigouvernementales menées par des étudiants en 2020 et 2021, au cours desquelles certains ont demandé l’abolition de la loi, 279 personnes ont été inculpées pour lèse-majesté, selon les données du groupe Thai Lawyers for Human Rights. Les poursuites visant des étrangers restent toutefois rares.
Selon son avocate, Wannaphat Jenroumjit, Paul Chambers aurait nié les accusations portées contre lui. Celles-ci découleraient d’un texte de présentation pour un séminaire universitaire en ligne, auquel il avait participé en tant qu’intervenant l’année dernière. Ce texte avait été publié sur le site web d’un institut de recherche situé hors de Thaïlande.
L’ONG Thai Lawyers for Human Rights, dont fait partie Wannaphat Jenroumjit, a précisé que Paul Chambers s’était vu refuser la libération sous caution.
De nombreuses ONG de défense des droits humains (dont Thai Lawyers for Human Rights) dénoncent régulièrement la faiblesse des garanties procédurales, notamment la détention provisoire fréquente, le refus de libération sous caution, et l’opacité de certaines procédures.
Il faut savoir également qu’en matière de diffamation en Thaïlande, que ce soit pour les cas de lèse-majesté ou de diffamation classique, les accusés se trouvent souvent en situation de devoir prouver leur innocence, ce qui inverse la charge de la preuve, contrairement au principe classique de présomption d’innocence.
Inverser la charge de la preuve revient à faire porter à l’accusé la responsabilité de prouver son innocence, plutôt que d’attendre de l’accusation qu’elle démontre sa culpabilité. Ce fonctionnement rend la défense plus complexe, car l’accusé n’a pas seulement à répondre aux faits, mais doit activement produire des éléments pour se disculper.
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