À l’occasion de l’exposition “Place-ness. Habiter un lieu ”, Le Petit journal.com a rencontré Valentina MOIMAS, Conservatrice et Cheffe du service des collections architectures du Centre Pompidou Paris et commissaire de cette exposition. Elle nous raconte la genèse de cette exposition semi-permanente, à voir au centre Pompidou de Malaga jusqu’au 28 mars 2025.
Lepetitjournal : Vous êtes la commissaire de cette magnifique exposition “Place-Ness” Quelle en est l’origine ?
Valentina MOIMAS : Cette exposition est née en écho avec l’actualité : après des mois de pandémie et d’isolement, on a vu des citadins fuir la ville pour rechercher une qualité de vie différente. En France, l’attrait pour les petits pavillons avec jardin s’est accru. Les actifs ont pu mûrir leur projet personnel et s’implanter sur des territoires plus éloignés grâce au développement du télétravail. Témoin de ces transformations, j’ai donc souhaité poser un regard tourné vers l’extérieur et mener une réflexion sur l’habitat : Qu’est ce qui nous lie à un endroit ? Qu’est ce qui nous y retient ou nous fait fuir ? Qu’est-ce qu’on recherche dans un lieu ? Comment on interagit avec lui ? J’ai eu envie de monter une exposition sur la façon dont on habite le monde pour questionner notre rapport à la ruralité, à la ville.
Avec l’équipe du Centre Pompidou, nous avons décidé de construire un parcours engagé
L’idée était d’aller au-delà du plaisir immédiat de contempler les œuvres pour montrer à quel point les artistes ont quelque chose à dire sur la Société et sur la manière dont on vit ensemble. Nous avons beaucoup échangé et discuté avec Anne-Charlotte Michaud, chargée de recherche pour l’exposition. Cette réflexion a nourri les choix qu’on voit aujourd’hui.
Lepetitjournal : En quoi ce projet sur l’habitat est-il atypique ?
Valentina MOIMAS : Ce projet se distingue d’autres expositions semi-permanentes par sa nature : en effet, pour créer ce parcours artistique, je suis partie d’un sujet - l’habitat - et non pas d’un artiste ou d’œuvres. J’ai donc rencontré quelques difficultés pour passer de l’ébauche du thème à la genèse d’une exposition. Sans cesse, j’ai dû m’assurer que la thématique que j’avais choisie comme point de départ pouvait être mise en récit par des œuvres, qui plus est disponibles !
Cette période de recherche a duré 18 mois environ. Un moment pendant lequel j’ai alterné frustrations et sentiments d’ivresse. La difficulté à faire coïncider ma réflexion avec des œuvres y répondant a été réelle. En effet, certaines œuvres étaient déjà prêtées ou ne pouvaient pas être exposées pour raisons techniques. Malgré ces contraintes, je ne devais pas perdre de vue la qualité du message. J’ai donc utilisé ces obstacles comme un moyen d’explorer davantage d’aspects, auxquels je n’avais pas pensé initialement. Ces difficultés sont alors devenues un moteur.
Aujourd’hui, nous avons le plaisir de présenter au public une quinzaine d’œuvres qui n’ont jamais été présentées. C’est le cas notamment des séries photographiques de Wim Wenders et d’Eric Baudelaire, ou encore de la sculpture « Echo-ecco » de François Bouillon. Sur les 110 œuvres exposées, une quarantaine seront interchangées jusqu’en mars 2025 pour des raisons de conservation. Cette exposition est donc vivante.
Lepetitjournal : Parmi ces œuvres, avez-vous une pièce qui vous a particulièrement touché ?
Valentina MOIMAS : « Echo eco » de François Bouillon est un petit coup de cœur… Cette sculpture n’a jamais été exposée auparavant. Quand je l’ai vue pour la première fois, l’œuvre n’était pas encore assemblée. Une fois installée au Centre Pompidou de Malaga, tout le monde était sous le charme. La restauratrice l’a trouvée incroyable. Quelque chose d’impalpable ressort de cette pièce.
Cette sculpture allie cuivre, acier et plumes. Elle porte en elle une série de significations sensibles : l’idée de transformation à travers la réverbération du cuivre qui se transforme en acier dans les pointes, et peut faire mal ou blesser. Mais aussi quelque chose d’évanescent avec la fugacité et la fragilité du duvet d’oiseaux. Cette œuvre transmet des états d’âme, des échos – comme son nom l’indique.
Lepetitjournal : Pourquoi avoir choisi Malaga pour accueillir cette exposition ?
Valentina MOIMAS : Malaga est un port : c’est une ville ouverte, un lieu de rencontre entre différentes cultures. De nombreuses personnes viennent y télétravailler ou y passer l’hiver. J’ai cette image de Malaga comme une ville de passage : elle entre en résonnance avec des cultures et des habitudes différentes.
D’origine italienne, je me suis aperçue que chacun emmenait avec soi son imaginaire culturel dans son rapport au lieu. De la même manière que j’ai amené avec moi ma conception de la ville italienne quand je suis venue vivre à Paris, chaque citoyen véhicule son imaginaire, ses attentes, ses aspirations. Je souhaitais faire transparaître cet aspect dans cette exposition. Malaga semblait donc le lieu idéal pour accueillir « Place-ness ».
Vous pouvez découvrir cette exposition au Centre Pompidou de Malaga, jusqu’au 28 mars 2025