La nouvelle exposition du centre Pompidou de Malaga plonge le visiteur dans une réflexion permanente sur son rapport à l’espace et ses attaches à son lieu de vie. Elle dépasse les oppositions traditionnelles entre société urbaine et monde rural, espace public et sphère privée, pour mieux repenser les dynamiques territoriales. Une exposition multidisciplinaire à voir jusqu’au 28 mars 2025.
Une exposition « chorale »
Avec “Place-ness. Habiter un lieu”, le Centre Pompidou de Malaga remonte l’espace et le temps. Au travers de plus de 80 artistes, le public découvre un patchwork de techniques, de matières, de styles. Autant de regards croisés et de visions posées sur l’habitat à travers le monde. Une immersion artistique. Et un voyage historique, proposant des escales du début du 20e siècle à nos jours. Installations, maquettes, peintures, vidéos, dessins, sculptures ou encore photographies : dans la galerie semi-permanente, chaque discipline est représentée. L’occasion d’admirer la pluralité des collections du centre Pompidou. « C’est un bonheur de redécouvrir des œuvres de nos collections ! » s’exclame Julie Narbey, directrice générale du Centre Pompidou. Parmi les 140 000 œuvres du musée, 110 ont quitté les réserves parisiennes pour faire partie de cette exposition andalouse. Certaines sortent à la lumière pour la première fois : c’est le cas par exemple de la série photographique de Wim Wenders « Written in the West » prises sur le tournage de « Paris Texas » ou du dyptique photographique d’Eric Baudelaire, dont les clichés ont été capturés à Clermont-Ferrand et en Inde, sur les traces de l’usine Michelin et de ses délocalisations. Autre œuvre inédite, la sculpture « Echo-ecco » de François Bouillon, projette en avant-première ses reflets de cuivre, d’acier et de plumes au regard du visiteur.
Quand on a installé cette pièce dans la salle d’exposition, toute l’équipe du musée était sous le charme. Cette création transmet quelque chose d’impalpable. On ressent des échos, des états d’âme
« Cette œuvre porte bien son nom ! » confie Valentina Moimas, commissaire de l’exposition.
Un parcours entre terre et bitume
Terre et bitume, ville et campagne : de l’opposition à l’interconnexion
Au fil d’un parcours de 6 sections conçu par Valentina Moimas, les œuvres finissent aussi par vibrer entre elles. Cette exposition crée une connexion incessante entre ville et campagne, industrie et nature, Hommes et espace public. Un sujet criant d’actualité, comme le remarque Juan Ignacio Zafra, Director Territorial Andalucia de la CaixaBank, partenaire de l’exposition
Nous avons noué une relation intime avec nos campagnes. Nous devons maintenant parvenir à créer une relation interculturelle entre le monde urbain et le monde rural. Les aliments ne proviennent pas des entrepôts des supermarchés, mais bien de nos champs! Nous avons la capacité de tirer parti des richesses qui nous entourent, et d’améliorer la relation ville- village
Chaque œuvre se réinterroge, s’observe en miroir avec la précédente, entre en résonance avec la suivante. Cette exposition s’apparente à une sorte de parcours initiatique, qui questionne le visiteur en permanence. Qu’est-ce qui nous lie au lieu ? Qu’est-ce qui nous y retient ou nous fait fuir ? Qu’est-ce que l’on recherche dans un endroit ? Comment interagissons-nous avec lui ?
“Place-ness, habiter un lieu” explore nos imaginaires, nos récits de vie, nos déplacements. Extrêmement contemporaine, cette exposition prend aussi le temps de montrer nos traces migratoires, questionne nos empreintes écologiques, interroge notre condition d’homme et de femme dans l’espace sociétal. Alternant poésie, mélancolie, cynisme et humour, les ambiguïtés se dessinent et le détournement s’installe parfois. Comme dans cette œuvre « La douche » de Daniel Spoerri, qui questionne notre rapport entre l’habitat et la préservation des ressources.
De même, l’œuvre “Rédemption” de Barthélémy Toguo, renvoie à l’imaginaire de l’exil et questionne la place des migrants dans nos Sociétés. Sur ces deux chaises, allégories du Nord et du Sud, se font face les biens laissés par les migrants et la lourdeur administrative qui les attend.
Certains artistes, comme Valerie Jouve, soulignent comment les lieux d’errance favorisent la rencontre et questionnent l’homme. De quoi inventer l’espace idéal du futur comme l’explique Juan Carlos Barroso, responsable territorial de la Fundación ”la Caixa” en Andalucía, Ceuta y Melilla.
Cette exposition nous fait passer des espaces mentaux aux espaces réels. La culture devient un pont social, une passerelle entre ville et campagne, industrie et nature, hommes et habitats. La culture devient un moyen de tous nous rapprocher
L’art crée, telle une mise en abîme, une nouvelle voie à tracer dans nos espaces. Elle esquisse une ouverture, dessine des perspectives alternatives pour mieux penser le monde contemporain, son histoire, ses défis.
Nous n’héritons pas la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants
Cette citation à succès a trouvé un écho international, comme aime à le rappeler la Commissaire de l’exposition, Valentina Moimas.. et elle ajoute, « si beaucoup de monde partage cette vision, c’est peut-être le signe que, pour le lieu, tous les lieux, et donc notre Terre, il y a encore de l’espoir... »
Une exposition à découvrir jusqu’au 28 mars 2025.