Qui a visité l’Andalousie a, c’est certain, posé un jour le regard sur ces petites céramiques multicolores qui décorent murs, bancs, fontaines et tant de patios fleuris. On les retrouve aussi au Portugal, où les façades sont parfois entièrement recouvertes de faïences. Si on pense à un dictionnaire amoureux de notre belle région, il commencerait certainement par ce mot: « azulejos ».
Une origine millénaire
Les azulejos ont une lointaine origine, dans le temps et l’espace : la technique plurimillénaire de la céramique émaillée provient en effet de Mésopotamie et d’Égypte ; des galeries recouvertes de carreaux verts vitrifiés ont été trouvées dans une pyramide construite par l’architecte Imhotep vers 2620 av. J.-C.
La civilisation gréco-romaine préféra les fresques, les stucs et les mosaïques aux azulejos. La technique réapparut néanmoins en Perse, sous les Sassanides (IIIe-VIIe siècles), pour être plus tard adoptée par la dynastie arabo-musulmane des Abbassides. L’art des azulejos se diffusa ensuite dans le monde arabo-musulman et l’Espagne musulmane.
Les azulejos d’Al-Andalus
Au départ, les artisans d’Al-Andalus cherchent à reproduire les mosaïques gréco-romaines du Proche-Orient ou d’Afrique du Nord. Cependant, ils remplacent les tesselles de marbre, difficiles à travailler, par des morceaux de carreaux (les « alicatados ») qu’ils disposent agilement pour créer de complexes motifs géométriques (étoiles, triangles, entrelacs, etc.), car l’art musulman privilégie les formes abstraites. Quant à l’appellation « azulejos », elle évoque la couleur bleue – « azul » – mais c’est une apparence trompeuse : le mot vient en fait de l’arabe « al zulaydj » qui désigne une « petite pierre polie ». On peut aujourd’hui voir des azulejos de l’époque d’Al-Andalus à l’Alhambra de Grenade.
L’influence de la majolique
À la fin du XVe siècle, la technique de la majolique se développe dans l’Italie de la Renaissance ; elle influence considérablement les azulejos sur lesquels apparaissent des personnages, des paysages ou des rinceaux. Le Palais de l’Alcazar de Séville foisonne d’azulejos postérieurs à la reconquête catholique, influencés par les esthétiques mudéjare (héritée des musulmans) et italienne.
Les azulejos au fil du temps
Au fil du temps donc, le savoir-faire se perpétue en Andalousie, intégrant l’évolution des techniques et des cultures : au XVIIe siècle par exemple, se fait sentir l’influence de la céramique hollandaise inspirée elle-même des motifs bleus et blancs chinois. À la fin du XIXe siècle, les azulejos sont utilisés comme supports publicitaires et reflètent l’esthétique moderniste du temps. Quant à la grande Exposition ibéro-américaine de 1929, elle fait la part belle aux azulejos : l’architecte andalou Aníbal González, qui conçoit la majestueuse plaza de España de Séville, recourt aux carreaux de faïence pour illustrer l’histoire du pays et sa diversité régionale. Par ailleurs, si l’Andalousie est le berceau des azulejos espagnols, on en rencontre également dans d’autres provinces. L’architecte catalan Antoni Gaudí les a ainsi amplement mis à l’honneur pour décorer son parc Güell.
Les azulejos continuent aujourd'hui d’occuper une place importante dans le patrimoine artistique et esthétique espagnol. De nombreuses fabriques perpétuent ce savoir-faire ancien mais encore très vivace… pour le plus grand bonheur des promeneurs.