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Gregory Duhamel: "April España est un modèle d'entreprise libérée"

gregory duhamelgregory duhamel
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Publié le 6 octobre 2019, mis à jour le 7 octobre 2019

Le directeur général d'April en Espagne n'est pas un patron comme les autres. Et la filiale qu'il dirige à Madrid et qu'il a monté de toutes pièces n'est de fait pas une boîte comme les autres.

Iconoclaste, visionnaire, humaniste et travailleur invétéré, ce nordiste en baskets prône le modèle de l'entreprise libérée pour assurer non seulement le bien-être de ses employés, mais aussi la réalisation des objectifs. "La productivité et la qualité sont fondamentales dans notre métier", explique-t-il. Avec bientôt 250 collaborateurs-dont 30% de Français- dans les locaux de Canillejas, April España Servicios est en pleine croissance. La salle zen, les cours de méditation, l'inclusion de travailleurs transsexuels ou les concours de "kifs" n'y sont certainement pas pour rien. Rencontre.

 

Une philosophie d'entreprise qui met le bien-être de l'employé au centre de sa réflexion

"J'ai souhaité créer la boîte dans laquelle j’aurai aimé travailler lorsque j'ai commencé ma carrière" explique Gregory Duhamel. Après une quinzaine d'années dans le monde des assurances, cette opportunité lui est donnée en septembre 2015, lorsque le groupe April le recrute et lui propose de créer dans la capitale espagnole un centre de sous-traitance pour ses activités en France. "Le BPO [pour Business Process Outsourcing] constitue un véritable potentiel pour les assureurs et la gestion de leurs contrats d'assurance", décrypte Grégory. D'autant plus à Madrid, avec un pays qui se caractérise par des charges sociales moindres qu'en France, des coûts fixes plus bas, mais aussi sa proximité avec l'Hexagone, son grand nombre de francophones et la qualification de ses travailleurs. Et si "la filiale à Madrid assure des prestations de back-office et de front office pour la gestion de contrats d’assurance santé et hypothécaires d'une clientèle française", on aurait tort d'imaginer qu'elle le fait depuis un obscur call center, situé en sous-sol d'un gym center ou dans l'arrière-cour d'un pressing clandestin. Au contraire : les locaux flambants neufs de la calle de Julian Camarillo participent à une philosophie d'entreprise qui met le bien-être de l'employé au centre de sa réflexion et véhiculent une ambiance de travail qui rappelle l'atmosphère cool des GAFAM.

 

april espagne

"J'avais dès l'origine une idée assez claire en termes de modèle et de philosophie d'entreprise", se rappelle le DG. C'est ainsi que dès le départ, autour d'une structure encore embryonnaire, le poste -encore mal connu de nos jours- de CHO est créé. Il est essentiel pour expliquer le bon fonctionnement d'April España Servicios. On reviendra aussi sur les raisons qui poussent l'entreprise à y accorder autant d'importance. Concrètement, le CHO, ou Chief Happiness Officer, a pour mission de s'assurer du bonheur de ses employés. Une blague ? Pas le moindre du monde, on se demande d'ailleurs quelle culture d'entreprise nous a été inculquée, pour qu'on en arrive à se poser la question. "Le CHO c'est le cœur même de l'entreprise" confirme Gregory, "il fait partie de ses fonctions centrales et intervient, comme porte-parole des salariés, au sein du comité stratégique de gestion". Ecoute des collaborateurs, facilitation de leur bien-être, développement de la cohésion et de l'esprit d'équipe, promotion des valeurs solidaires, mise en place d'activités sportives et liées à la santé : les missions du CHO s'inscrivent clairement dans un système qui vise à retenir l'employé au sein de la structure. "Aujourd'hui on mesure un taux d'absentéisme et un taux de turnover bien inférieurs à ceux du marché", analyse Gregory Duhamel. "Au contraire, on observe un taux de participation très élevé de la part de nos collaborateurs, lorsqu'ils sont sollicités, sur des pics d'activité". En bref, soyez heureux, vous travaillerez bien (et vous resterez).

 

Les nouvelles générations ne mesurent plus seulement leur satisfaction au travail à l'aulne de leur salaire


Ainsi, Chez April Espagne Servicios , la figure du CHO a permis de "libérer la parole", d'établir un dialogue "sans lien hiérarchique" au sein de l'entreprise. Du coup, elle a permis d'identifier un certain nombre de blocages, de problèmes personnels ou collectifs, auxquels des réponses ont pu être apportées. C'est ainsi qu'une nounou a été mobilisée pour assurer les gardes d'enfant lorsque les équipes, qui fonctionnent selon le calendrier français, sont amenées à travailler pendant les jours fériés espagnols. C'est toujours dans cette dynamique qu'une salle zen a été habilitée, pour... pouvoir faire la sieste ! L'ergonomie des postes de travail, le confort et la disposition des différentes salles, mais aussi l'organisation de tout un programme de conférences autour d'habitudes de vie saines résultent des missions de bien-être du CHO. L'intégration de travailleurs transsexuels, en collaboration avec l'association AET s’inscrit dans les valeurs solidaires -des valeurs qui participent au bonheur au travail et qui participent à un projet d'entreprise qui passe par l'inclusion, notamment des populations en risque d'exclusion sociale. L'intégration de la startup Cocoworkers au sein de la structure a quant à elle permis de mettre en place un système promouvant les soft skills, sous forme de "kifs" monétisés, sortes de "likes" que les employés envoient à leurs collègues pour valoriser leurs compétences et leur engagement dans l'entreprise ou récompenser l’engagement et les comportements positifs de chacun ... La liste des initiatives chapeautées par le CHO est longue. Elle révèle l'importance qui lui est accordée.

 

salle de sieste
La salle zen, pour faire la sieste si besoin / Photo DR

 

"Les nouvelles générations ne mesurent plus seulement leur satisfaction au travail à l'aulne de leur salaire", théorise Gregory Duhamel. Pour ce quarantenaire qui aurait presque pu appartenir à la génération X, il s'agit certes "d'attirer et de conserver le talent". Mais, au-delà de ces questions d'intendance, c'est une véritable philosophie du management que le Pas-de-Calaisien défend et promeut via April España Servicios. "Je ne suis pas le patron avec ses galons, je me fiche un peu de tout ça", glisse-t-il au cours de la conversation. "Une entreprise, c'est comme un bateau : on y a tous des missions différentes", développe-t-il. "Personne n'est plus important qu'un autre au sein du bateau. Et si tout le monde fait son boulot correctement, alors le bateau ira plus loin. Ma mission, c'est définir vers où le bateau doit aller, ou en d'autres termes, définir l'orientation stratégique de l'entreprise". La parole encore à l'intéressé, concernant sa philosophie du management : "Ce n'est pas parce que nous sommes dans un modèle d'entreprise que j'estime libérée qu'il n'y a pas de cadre. Nos collaborateurs ont des objectifs de productivité, mais ce qui est important, c'est que nous les impliquons, pour qu'ils puissent les atteindre et qu'ils puissent passer leurs 40 heures de travail hebdomadaire dans le cadre le plus agréable possible".
 

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