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Voyage au cœur de Phnom Penh

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Écrit par Thibault Bourru
Publié le 22 avril 2018, mis à jour le 22 avril 2018

Nous sommes allés tester pour vous la nouvelle ligne de train reliant la gare de Phnom Penh Cambodia Railway à l'aéroport. Ici pas besoin de brûler le dur, le service est pour l'instant gratuit et effectif 24/7 à compter d'un train toutes les 45 minutes. Cette nouvelle expérience laisse place à d'inhérents imprévus, mais apparaît pour le moins surprenante et agréable.

Nous ne nous attendions vraiment pas à cela. Entre excitation, déraillement, rires, retards, sentiment d'aventure, découvertes, nous avons passé un superbe moment, en grande partie assis sur les marches des portes ouvertes du train. Nous n'allons pas nous mentir, pour quelqu'un pour qui le temps presse, ce moyen de transport n'est pour le moment pas la meilleure idée. L'avion risquerait de décoller avant votre arrivée à l'aéroport. Mais si vous cherchez des surprises et des moments conviviaux, nous vous conseillons d'essayer l'engin tant qu'il est encore gratuit.

Une excitation palpable

Quelle n'a pas été notre surprise, à notre arrivée à la gare de Phnom Penh, lundi 16 avril dernier, en plein Nouvel An khmer, de voir le hall ferroviaire plus peuplé que les rues de la capitale. À part nous, en quête d'informations, aucun Occidental ne déambule dans la gare. Quelques familles khmères attendent le train hebdomadaire en direction de Sihanoukville, mais beaucoup sont présentes pour la nouvelle coqueluche : la navette vers l'aéroport. « 45 minutes entre chaque train », nous annonce la guichetière. Il est vrai qu'il n'est pas si désagréable, par cette chaleur caniculaire, d'attendre assis aux milieux des courants d'airs qu'offre l'architecture de la gare. Autour de nous les enfants s'amusent, quelques parents s'occupent des valises pour l'aéroport tandis que d'autres avouent « venir par simple curiosité. »

Il est 15h50, le train est censé arriver à 16h00, mais le service d'information annonce alors aux usagers un retard d'environ 20 minutes. Les gens se dirigent simplement vers la porte de la voie 2 sans rouspéter. Cela nous change de l'atmosphère des gares SNCF. Ici l'ambiance est calme, reposante, agréable. Dans la file d'attente du quai, les discussions vont bon train, les gens se demandent à quoi ressemble cette nouvelle ligne de chemin de fer, construite pour l'occasion.

train passagers gare
Un grand soleil accueille les voyageurs sur le quai de la gare

Nous pouvons apercevoir au loin la navette arriver dans la gare en cul-de-sac de Phnom Penh. Le tintamarre de la locomotive résonne dans le hall, c'est notre tour ! L'excitation est palpable, les gens se précipitent vers les entrées de l'unique wagon du train. Une vingtaine de mètres séparent les deux portes à l'avant et à l'arrière. La navette présente une livrée tricolore blanche, grise, parsemée d'une ligne horizontale bleue. « En voiture ! », semblent exprimer les agents ferroviaires munis de leur casquette et leur sifflet. 

À l'intérieur nous ne sommes pas si serrés que cela. À l'image des métros, certains restent debout quand d'autres peuvent s'asseoir sur un des deux bancs situés en long de chaque côté de la voiture. Les autres usagers continuent de discuter entre eux, nous sentons vraiment un bel enthousiasme de leur part quant à ce train, les sourires sont mêmes contagieux, tout le monde a l'air dans l'attente. Car le train ne démarre toujours pas. Malgré les quelques climatiseurs, la sueur apparaît et la chaleur se fait vraiment ressentir. Ici, contrairement au hall de la gare, il n'y a pas de courants d'air dans la voiture. Les voyageurs se servent de leur sac et de leurs mains comme éventail. Alors que nous nous demandons pourquoi le train ne part pas, un agent entre pour, en khmer, prévenir l'auditoire : « Vous devez changer de train, en face, pour aller à l'aéroport », nous traduit un passager anglophone. Direction voie 3 donc. En chemin, le baron du rail, un Anglais, m'explique « qu'il y avait trop de monde pour la première navette. Nous devons prendre ce train à deux wagons. »

 

changement de train
Les dernières familles s'apprêtent à changer de train

Un véritable trip

chemin joli
Paysage au cœur de Phnom Penh

Wouhou le train peut démarrer et rebrousser direction l'aéroport. Dans la ruée vers l'autre navette, Leïla et moi nous sommes retrouvés entre les deux wagons, sans savoir que cette condition rendrait notre vécu encore plus intéressant. Les portes étant ouvertes, nous prenons donc soin de nous asseoir sur les escaliers pour admirer le paysage de plus près. Nous pouvons d'ailleurs, grâce au vent, sentir l'odeur caractéristique de la fumée de la locomotive. Le train marche à vue (30-40 km/h) à

l'intérieur de Phnom Penh et traverse d'abord les bidonvilles, aux bords des rails, adjacents à Russian Boulevard. L'engin attire l'intérêt de leurs habitants qui nous sourient et crient « hello » à notre passage. Ce point de vue permet d'apprécier la capitale vent frais sur le visage, les gens que nous rencontrons en chemin paraissent à la fois si proches et si infimes quelques secondes plus tard. Encore une fois, les sourires sont communicatifs. L'effervescence est réelle. À chaque passage à niveau, intersection, ou coin de rue, les gens nous filment et observent le train comme une pièce de théâtre. 

Après 20 minutes de trajet, à l'aller, il est aux alentours de 17h, le soleil commence à se cacher derrière les buildings et sa lumière faiblit. Dans un voyage si enrichissant par la proximité des choses, nous ne pouvons omettre certains lopins de terre, lacs, ou encore certaines habitations, recouverts de déchets liquides, solides, plastiques, et j'en passe. Notre chance est que la vitesse du train nous permet de sentir cette odeur pestilentielle de façon éphémère. Mais en passant nous doutons fortement que les habitants aux alentours aient la même chance que nous. Heureusement, cela ne dure que quelques mètres.

déchetterie
Toutes les couleurs y sont représentées

 

Les secousses du train, dûs à notre position sur les marches, couplées aux magnifiques paysages naturels de la périphérie de Phnom Penh, nous donnent un sentiment d'aventure, c'est la liberté, sans pression. Après 35 minutes de trajet, nous coupons l'artère parallèle à l'aéroport, et arrivons en gare juste en face du terminal international. Les 20-25 minutes annoncées par Hoeurn Somnieng, directeur adjoint du cabinet du ministère des Travaux Publics et des Transports, ne sont pas vraiment respectées mais qu'importe. Pour cette fois du moins, personne n'a l'air d'afficher de stress particulier. Des Phnompenhois, qui sont présents à la gare de l'aéroport, continuent de filmer et de prendre des photos du véhicule ferroviaire. La coqueluche de la journée. 20 minutes d'arrêt, et c'est reparti, pour nous c'est retour à Phnom Penh. Comme pour beaucoup d'autres qui, comme nous, n'ont que cela à faire de s'amuser sur cette nouvelle ligne de chemin de fer.

habitants des rails
« Hello ! »

 

Un déraillement et un changement de train

Retour donc dans le centre de la capitale cambodgienne. Certains voyageurs, arrivés sur Phnom Penh par les airs, nous ont rejoints. Ils ne sont pas au bout de leurs surprises sur cette ligne flambant neuve. Après quelques dizaines de mètres, les rails forment une courbe avant de rejoindre la grande ligne droite direction la gare Cambodia Railway. Toujours assis au niveau des portes, nous ressentons cette fois-ci, dans ce virage à gauche, une secousse plus importante qu'à l'habitude. Rien de grave mais nous sentons bien que la roue s'est libérée du rail. Nous sommes littéralement allés dans le sable, comme ils disaient dans le temps. Nous avons déraillé, dans ce virage, en face de l'entrée d'une pagode.

déraillement
Les agents ferroviaires tentent de résoudre le problème

 

Les agents, casquette bleue vissée sur la tête et gilet orange de sécurité sur le corps, se pressent au niveau de la roue défaillante. Curieux, nous sortons pour voir ce qu'il se passe. La chaleur est toujours présente et nous pouvons humer une certaine senteur de fer près des rails. Après plusieurs minutes de réparations et de discussions, celle qui s'apparente comme étant la cheffe des agents ferroviaire conseille à tous les voyageurs de se diriger en face, à quelques mètres de là, où les rails rejoignent la ligne droite direction Phnom Penh. Un train devrait s'y arrêter pour embarquer tout le monde. Et ceci est le cas, un train passe... Mais ne s'arrête pas.

précipitation
Tout le monde se précipite pour rattraper le train du retour

 

Signes de la main, cris, appels, tout le monde tente ce qu'il peut pour arrêter la locomotive. Et cela réussi. Les agents nous voient et stoppent le second train. Tout le monde peut monter dedans, nous nous retrouvons cette fois-ci à l'arrière du véhicule. Un deuxième wagon approche de nous, à son arrivée nous entendons le métal venir s'encastrer pour que les deux voitures s'accrochent. Cette fois c'est reparti. Il est plus de 18h00, le soleil se couche, et notre retour dans la capitale est imminent. Le point kilométrique noir et blanc, datant de temps visiblement très anciens, « Phnom Penh 2000m » en témoigne. La nuit est tombée, la lumière du jour a été remplacée par celle de la lune, moins efficace certes, mais l'ambiance n'y est pas moins belle. Les habitants des quartiers des rails dînent, continuent de nous saluer. Nous profitons de ces instants de fraîcheur, si rares en plein mois d'avril au Royaume. Nous arrivons à 18h10, avons l'impression d'y avoir passé une journée, une magnifique journée. Phnom Penh ne s'endort pas mais pour nous c'est le cas. 

 

Thibault Bourru
Publié le 22 avril 2018, mis à jour le 22 avril 2018

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