La fête du Dos de mayo est aussi connue à Madrid que la Place du Trocadero à Paris et pourtant beaucoup de Madrilènes ignorent ce qu’est le Trocadero, comme beaucoup de Parisiens ne savent pas ce que représente le Dos de mayo.
Il faut ajouter à cela que Madrilènes et Parisiens sont nombreux à méconnaître la réalité derrière ce que furent le Dos de mayo et la bataille de Trocadero.
Sir Winston Churchill a dit : " L’Histoire me sera indulgente car j’ai l’intention de l’écrire ". Napoléon 1er aurait pu dire la même chose, 150 ans plus tôt, mais il préféra avancer que "l’Histoire est une suite de mensonges sur lesquels on est d’accord ", ce qui est bien dit et a souvent été vrai. En fait, l’Histoire se raconte comme une histoire. Elle se raconte souvent aussi comme le jeu d’enfants d’antan du "téléphone arabe" qui consistait à chuchoter à l’oreille une phrase courte qui aboutissait au bout de plusieurs chuchotements, d'une oreille à l'autre, à une phrase finale qui n’avait rien à voir avec celle du début. Cela n’est pas sans rappeler toutes les "fake news" véhiculées de nos jours sur Internet et qui elles aussi "racontent" l’Histoire.
Le Dos de mayo se réfère au soulèvement populaire des Madrilènes contre les troupes napoléoniennes le 2 mai 1808. Beaucoup d’encre a coulé et beaucoup de peinture a colorié les toiles célèbres de Goya, de Sorolla (Defensa del parque de artillería de Monteleón, 1884) et d’autres artistes encore. En réalité, Goya a peint deux tableaux que la croyance populaire mélange souvent. Le tableau d’un homme en blouse blanche, bras levés, devant le peloton d’exécution des soldats napoléoniens, n’est pas le Dos de mayo mais le Tres de Mayo.
Le Dos de mayo, de son vrai nom "La lutte contre les Mamelouks", peint en 1814, est le tableau représentant l’attaque sauvage et meurtrière des madrilènes contre les Mamelouks égyptiens de l’armée française qui occupait Madrid depuis un peu plus d’un mois en ce début d’année 1808. Le tableau Tres de mayo, de son vrai nom "Les fusillades sur la montagne Príncipe Pío", peint par Goya également en 1814, représente la scène du lendemain du 2 mai 1808 et l’exécution des insurgés madrilènes en représailles du meurtre de soldats mamelouks et français par le soulèvement populaire. L’Histoire populaire -ou faut-il en l’espèce dire l’histoire de l’art ?- se trompe souvent sur les faits comme les tableaux.
Le Trocadero espagnol est une île, avec un fort et un port, dans la baie de Cadix au sud de l’Espagne. La bataille du Trocadero se réfère à la lutte victorieuse menée le 31 août 1823 par les troupes françaises contre les rebelles espagnols favorables à une monarchie constitutionnelle et opposés à l’absolutisme du roi d’Espagne Ferdinand VII de Bourbon. L’armée française qui avait quitté l’Espagne en 1814 y était revenue en 1823 à la demande de Ferdinand VII qui avait sollicité l’aide de son cousin Louis XVIII de Bourbon, roi de France.
La prise de Trocadero a été rendue célèbre par le bataillon "Les Cent Mille Fils de Saint Louis" composé de soldats français et volontaires espagnols sous le commandement du Duc d’Angoulême. Le roi Ferdinand VII et la Cour s’étaient réfugiés à Cadix, en face de l’île de Trocadero. Les soldats français -fidèle à ce que les Italiens appellent la furia francese- ont lancé une attaque surprise à marée basse en se jetant littéralement à l’eau pour déloger les occupants du fort de Trocadero avec grand succès et peu de perte humaine. Ensuite, depuis le fort, les troupes françaises bombardèrent Cadix jusqu’à la reddition des rebelles insurgés et la libération du roi.
A Paris, le Trocadéro a été l’objet de nombreux projets d’aménagement et de noms successifs depuis "Villa du Trocadero" en 1824, "Place du Roi de Rome" en 1869 en hommage au fils de Napoléon 1er qui avait choisi cet emplacement pour construire un palais, et depuis 1877 la désignation actuelle de Place du Trocadero.