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LA QUESTION À 100 TL – Mais au fait, qui est Pierre Loti ?

pierre loti istanbul turquie portrait ecrivainpierre loti istanbul turquie portrait ecrivain
Écrit par Gabriel Le Moal
Publié le 29 mai 2019, mis à jour le 11 janvier 2021

Il y a des questions que tout le monde se pose sans vraiment chercher la réponse. La rubrique « La question à 100 TL » initiée en 2014 lepetitjournal.com d’Istanbul revient pour vous apporter les réponses à des questions de culture générale en lien avec la Turquie. Aujourd’hui, gros plan sur l’écrivain voyageur Pierre Loti, qui a donné son nom au lycée français d’Istanbul.

Né Julien Viaud en 1850 à Rochefort près de l’ile d’Oléron, Pierre Loti est un écrivain et officier de marine français. Voyageur infatigable et grand romantique, il saisissait chaque instant de sa vie, comme pour la retenir. L’écriture, la photo et le dessin furent ses plus fidèles amis dans sa quête du beau.

Il vit une enfance sage et heureuse à Rochefort. « En ce temps-là dans la paix bourgeoise du vieux logis […], j'avais par avance l'indestructible intuition de ce que me réservait la vie : héros de roman dont le nom ferait rêver les femmes de tous les pays » écrira-t-il plus tard.

Son adolescence est plus sombre, marquée par les deuils et la ruine de sa famille. L’école Naval lui ouvre alors la porte pour fuir ce passé. Il exprime dans ses nombreux voyages une véritable frénésie de vivre : Terre de Feu, île de Pâques, Tahiti, Brésil, Amérique du Nord, Sénégal, Maghreb, Indochine, Japon… Chaque région est pour lui l’occasion de s’immerger dans un autre monde pour le raconter dans ses romans, de manière plus sensible qu’intellectuelle.

Sa première mission dans la Marine l’envoie vers l’ile de Pâques à bord de la frégate Flore. Lors d’une excursion à Tahiti, une reine de l’île le surnomme Loti, du nom d’une fleur tropicale, sans se douter qu’il s’en servirait plus tard comme pseudonyme pour signer ses œuvres.

En 1877, le jeune homme découvre un lieu qu’il aima tout de suite : Istanbul. Il y rencontre Hatidjé, jeune femme du harem, avec qui il vit un amour passionnel. Elle lui inspire son premier roman Aziyadé, publié en 1879. « Ses prunelles étaient bien vertes, de cette teinte vert-de-mer d’autrefois chantée par les poètes d’Orient » écrit-il dans cette œuvre emblématique de l’Orientalisme. A son retour en 1892, Pierre Loti apprend qu’Hatidjé est morte de chagrin après qu’il l’ait quittée. Il écrit alors Fantôme d’Orient en 1892, pour honorer sa mémoire.

À cette époque, l’écrivain jouit d’une grande renommée en Turquie, notamment auprès de la gent féminine, tant il l’exalte dans ses écrits. Le romantisme fait place à l’engagement, lorsqu’il défend la cause des femmes turques dans son roman Les désenchantées en 1906. Malgré la supercherie dont il est victime en écrivant l’histoire, son message est entendu et joue son rôle dans l’obtention du droit de vote des femmes quelques années plus tard, en 1934. En 1913, il lutte contre le démantèlement de l’Empire Ottoman, prenant la plume contre son propre pays dans La Turquie agonisante.

D’autres contrées ont inspiré l’univers de Pierre Loti. Des plus lointaines et exotiques, comme le Japon, où l’officier de 35 ans est marié un mois à la jeune Okané-San, aux plus familières, comme la Bretagne. Il s’inspire de cette région et de la vie des pêcheurs pour écrire en 1886 un de ses romans les plus lus : Pêcheur d’Islande.

A travers l’écriture, il voulait saisir chaque moment. Ses mots invitent le lecteur dans son intimité, et donnent l’impression d’être le premier à le lire. Ses livres, poétiques et ethnographiques à la fois, lui ouvrent la porte l’Académie française le 21 mai 1891.

Mais que serait l’artiste, voyageur intrépide, sans sa maison de Rochefort ? Il habite la maison familiale qu’il personnalise petit à petit, arrangeant, entre autres, un salon turc, une pagode japonaise, une mosquée… Elle sera pour lui un « port immobile », lieu de ses refuges et de ses souvenirs. « C’est ma sainte Mecque à moi » dira-t-il pour la décrire.

Pierre Loti s’éteint à l’âge de 73 ans, en 1921. Gabriel-Louis Pringué, un écrivain et chroniqueurs de la Belle époque, le dépeint avec ces mots : « Dans son étrange visage luisaient des yeux admirables couleur d'aigue-marine, d'une profondeur mystérieuse voilée d'inquiétude (…) Il parlait peu, mais quand il narrait, il le faisait avec la poésie colorée, inimitable qui rappelait ses livres prestigieux dont le charme appartient à l'éternité. »

En Turquie, il est un emblème de l’entente avec la France. En 1989, les élèves du lycée Papillon décident de renommer leur école au nom de l’écrivain. L’école Pierre Loti accueille aujourd’hui 1300 élèves de toutes les nationalités. Les Stambouliotes connaissent aussi le Café Pierre Loti situé au milieu du cimetière d’Eyûp, où l’artiste venait se reposer et écrire son amour pour la Turquie.

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