Berlin a souvent l’image d’une métropole moderne et avant-gardiste. Est-ce aussi le cas en ce qui concerne l’épineux sujet des transports et du vélo en particulier ? La capitale allemande est-elle vraiment "Fahrradfreundlich" ? Peut-être moins que ce à quoi on pourrait s’attendre…
L’essor du vélo, traditionnel ou électrique, est une tendance observée à travers le continent qui répond à des problématiques sociales, sanitaires et environnementales. Selon les dernières données de l’administration sénatoriale datant de 2018 (issues d’un sondage auquel près de 40 000 citoyens ont participé), sur l’ensemble des trajets effectués à Berlin, 18% se faisaient à vélo, 26% en véhicule motorisé individuel, 27% en transport en commun et 30% à pied. Près d’un trajet sur cinq se fait donc à vélo dans la capitale. Pourtant, selon les usagers, ce n’est pas toujours de tout repos. Les routes pavées, le stationnement ou le manque d’aménagements adaptés rendent parfois sportif le choix des cyclistes.
Des politiques publiques à la hauteur de l’enjeu ?
En 2018, la chambre des représentants adopte la loi de Mobilité de Berlin (MobG BE), complétée ensuite en 2021. Il s’agit à l’époque d’une petite révolution car le texte est particulièrement ambitieux en matière de politique des transports urbains. Il prend en compte tous les modes de transports, tous les usagers, ainsi que les aspects budgétaires, sociaux et environnementaux. La loi fixe en 2030 l’aboutissement d’un réseau de pistes cyclables : elles doivent être construites dans toutes les rues principales et respecter une certaine largeur afin d’assurer la sécurité des usagers par rapport aux voitures. Cette loi promettait donc beaucoup aux cyclistes et devait faire de Berlin une métropole très favorable aux mobilités “douces”.
Pourtant, les usagers constatent qu’il reste encore beaucoup à faire. Les associations comme Changing Cities et l'Allgemeine Deutsche Fahrradclub (ADFC) relèvent un certain manque d’effort dans les infrastructures pour réellement faire du vélo une pratique sûre et accessible à tous et toutes. De nombreuses pistes cyclables sont très dangereuses car trop étroites, sans barrière avec les voitures, et souvent non continuelles : quand des travaux sont effectués sur la chaussée, ce qui est courant, la voie cyclable disparaît et force les usagers à rouler au milieu des voitures, se mettant immédiatement en danger. Traverser certains carrefours relève aussi du parcours du combattant. L’ADFC fait tous les deux ans une enquête de satisfaction auprès des habitants de plusieurs villes d’Allemagne afin de comparer lesquelles favorisent le plus le vélo. Dernièrement, Berlin a obtenu la note de 4,1 (sur une échelle de 1 à 6, 1 étant la meilleure note) et les principales critiques rapportées concernaient la largeur des pistes cyclables, leur proximité avec les voitures, et les conflits avec les automobilistes.
L’ONG Changing Cities a elle aussi directement critiqué la gestion dans ce domaine du maire Kai Wegner (CDU), arrivé en fonction en avril 2023 dans une coalition avec le SPD (les sociaux-démocrates). Elle s’insurge d’une diminution sensible du budget alloué au développement du réseau cyclable et du peu de cas accordé selon elle aux normes des pistes en question.
Ce qui a également fait bondir ces associations et les usagers en général, c’est la décision prise en juin 2023 par la sénatrice des transports Maya Schreiner (CDU, conservatrice) de mettre soudainement en pause tous les projets de construction de pistes cyclables à Berlin. Elle a affirmé qu’aucune voie ni aucune place de stationnement pour les voitures ne devait être perdue à cause de ces projets, qui résultaient pourtant d’années de consultations avec les représentants d’usagers, les habitants et la mairie. Tous les plans d’aménagements ont été suspendus pour être à nouveau examinés et approuvés. Seuls les projets respectant le “mix” de transports, c’est-à-dire ne pénalisant pas le réseau automobile, devaient selon la sénatrice voir le jour. Cette décision a été très contestée, y compris d’un point de vue juridique, mais elle a reçu le soutien du maire Kai Wegner qui a déclaré que ce n’était pas un arrêt définitif mais plutôt une vérification et prioritisation.
De grandes manifestations réunissant près de 50 000 personnes ont eu lieu en juin 2023 pour réclamer plus de sécurité dans les rues de Berlin. Les habitants accusent la CDU de ne pas faire assez pour protéger les cyclistes et de favoriser le trafic automobile. Selon Changing Cities, la mairie ne prête aussi aucune attention aux normes établies par la loi de mobilité de 2018 qui réglemente par exemple la largeur de ces pistes cyclables.
Bon à savoir pour les cyclistes dans la capitale allemande
Malgré ces débats, utiliser son vélo dans la capitale peut s’avérer très pratique, et rentable par rapport au coût élevé des transports en commun ! Vous pouvez aussi utiliser les vélos en libre-service occasionnellement, comme en témoigne Hans, étudiant : “l’avantage, c’est qu’il y en a partout et que c’est super abordable. Ça pousse à prendre le vélo plutôt qu’autre chose et ça peut rendre service la nuit, quand il y a moins de transports en commun”.
Attention aux rues pavées, aux croisements entre grandes avenues et aux feux de circulation. En outre, les vols sont extrêmement fréquent : il faut impérativement attacher correctement votre deux-roues si vous éloigner même pour quelques minutes. Utilisez un cadenas de très bonne qualité (qui n’est pas forcément le plus cher) et prenez garde aux pièces détachables de valeur qu’on peut facilement subtiliser. Votre bien aura moins de chance d’être visé s’il n’a pas une apparence très reluisante ou présente des caractéristiques distinctives. En cas de vol, la police pourra aussi le retrouver plus facilement si vous l’avez marqué et si vous l’avez déclaré au préalable avec un numéro d’identification. Enfin, l’idéal est ne pas le laisser dans des lieux publics : les garages à vélos sont le meilleur moyen de vous assurer que personne ne fera main basse dessus.
Quelques données sur les vols de vélos à Berlin : selon les chiffres officiels, en 2022, ce ne sont pas moins de 28.801 vélos qui ont été dérobés, soit 2.400 par mois. Ces données sont en forte hausse par rapport aux années précédentes. Les quartiers les plus touchés en valeur absolue sont Mitte et Pankow, mais ce sont aussi les plus peuplés. Selon la police, les pertes totales s’élèvent à 29,3 millions d’euros en 2022. La valeur moyenne des biens a dépassé 1.000 euros, du fait de la meilleure qualité des deux-roues, qui s’équipent de petits moteurs ou de chariots.
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