Depuis plusieurs années une campagne de promotion du vélo est organisée en mai, le Rowerowy Maj. Et même si ce mois tire à sa fin, le printemps est également associé au retour sur les pistes de cyclistes qui sont nombreux à ranger leur vélo au garage pendant la période hivernale. Pour marquer ce retour, lepetitjournal.com a participé à une randonnée au cœur du parc national Kampinoski à Varsovie. L’occasion de discuter avec Marek Smyk, organisateur de cette sortie, du développement de la pratique du tourisme urbain et du cyclotourisme en Pologne.
Lepetitjournal.com : pouvez-vous présenter et nous parler de votre rapport au vélo ?
Marek Smyk : Je suis auto entrepreneur, depuis 20 ans j’ai une entreprise de cours de langue étrangère pour les entreprises. Ayant passé une partie de mon enfance au Moyen-Orient, j’ai appris le français dans le réseau des écoles françaises et je suis aujourd’hui parfaitement francophone même si je n’ai jamais vécu en France. Cycliste depuis les années 90, j’ai d’abord commencé à rouler pour me détendre et faire un peu de sport. Par la suite j’ai rejoint plusieurs associations qui militent pour la construction de pistes cyclables, notamment Zielone Mazowsze qui cherche à orienter la politique municipale de Varsovie. Les aménagements que l’on proposait il y a 10, 15 ans sont réalisés aujourd’hui ! Je participe également à des actions d’éducation au vélo dans les écoles primaires. Nous donnons des formations aux enfants pour apprendre à rouler en ville en toute sécurité.
Nous cherchons également à revoir le cadre réglementaire car la Pologne est le seul pays en Europe où les enfants de 10 ans ont besoin d’avoir un permis pour rouler à vélo, la Karta Rowerowa, alors que dans les autres pays la logique est plutôt d’organiser des ateliers de formation et de sensibilisation au vélo. C’est un règlement un peu archaïque, de plus l’examen consiste en un exercice sur un terrain de sport dans des conditions qui n’ont rien à voir avec la circulation sur la route.
Comment est née l’initiative de la Pologne à vélo ?
On a démarré avec un ami français installé en Pologne, Grégory Hamant. De notre intérêt et de nos sorties communes à vélo nous nous sommes dits qu’il serait intéressant de se balader et d’inviter d’autres personnes francophones pour découvrir la région de Varsovie et pourquoi pas aller un peu plus loin. C’est une initiative pour laquelle nous avons créé une page Facebook et un site internet. Nous proposons un cadre convivial, de networking. Nous réunissons à chaque sortie une dizaine de participants et nous avons atteint une vingtaine de personnes pour une randonnée vers la forteresse de Modlin. Comme nous cumulons d’autres activités, il est difficile d’organiser des sorties régulièrement et le planning dépend du temps que nous pouvons consacrer à cette initiative. Pour l’heure les sorties sont gratuites mais je cherche à terme à monétiser le projet puisque je commence à avoir une expérience conséquente dans le cyclotourisme et que je suis devenu guide pour le parc national Kampinoski. On verra avec le temps ce que deviendra ce projet.
Comment a évolué la pratique du vélo urbain depuis les années 90 ?
Si l’on compare avec les années 90, on observe un vrai boom. Il y a 20 ans je rencontrais en été à Varsovie un nombre comparable de personnes à ce que je peux observer en hiver désormais. Le rapport avec les automobilistes évolue positivement puisqu’un certain nombre d’entre eux se sont mis également au cyclisme urbain et réalisent qu’il faut faire attention aux usagers les plus vulnérables que sont les cyclistes et les piétons. Les infrastructures progressent même si je regrette qu’aujourd’hui on avance moins rapidement qu’à Paris par exemple où l’espace est repartagé entre voitures et cyclistes avec des pistes créées sur la chaussée. Les « coronapistes » créés à Bruxelles ou à Paris ont été un vrai progrès. A Varsovie nous avons beaucoup plus de place avec des rues larges mais la peur de construire sur la chaussée reste présente. On conserve donc des quasi-autoroutes en centre-ville.
La politique urbaine reste dominée par les voitures même s’il la mairie cherche à faire évoluer les rapports de force. Les mouvements pro-voiture sont influents sur les réseaux sociaux même si numériquement ces personnes sont peu nombreuses, elles contestent chaque projet en pointant les risques d’embouteillages. Je suis d’avis que substituer les trajets courts de moins de 5km permettrait de limiter les embouteillages que nous observons aujourd’hui.
Quelles autres villes polonaises cherchent à développer le vélo urbain ?
Je mettrais dans le palmarès, Cracovie, Wroclaw, Poznań et la Triville - en particulier Gdansk (NDLR Triville regroupe la conurbation Gdansk, Sopot, Gdynia). La partie est de la Pologne est en retard.
Le développement des infrastructures dépend principalement du volontarisme des personnes dans les institutions municipales. Il existe un groupe d’activistes pro-cyclisme à Cracovie qui s’occupe des projets et de leur mise en œuvre. La densité dans cette ville est également beaucoup plus importante qu’à Varsovie, en diagonale on peut traverser la ville en 30/40 min, le contexte est donc différent. Il y a aussi une vraie volonté de limiter la place de la voiture en centre-ville historique. Il en est de même à Wroclaw même si la mairie est moins en pointe. La part modale du vélo atteint 8% à Wroclaw, ce qui la place en tête des métropoles polonaises, mais l’on reste loin des statistiques des villes du Nord de l’Europe ou l’on peut atteindre les 40/50%
Et comment se porte le cyclotourisme?
Aujourd’hui chaque région investie dans les infrastructures mais le développement n’est pas homogène sur le territoire. Les aménagements sont décidés sur fonds européen et l’on peut regretter qu’un organisme ne coordonne pas les travaux au niveau national. Le Nord-Ouest est en pointe avec la Poméranie et la Poméranie occidentale. Au Sud, la Petite Pologne est également bien dotée aujourd’hui. A l’Est, nous avons la fameuse « green vélo » la plupart du tronçon est généralement bien aménagée mais on peut avoir quelques surprises.
J’ai un grand espoir que la situation s’améliore et participe au développement économique de ces régions. A proximité des pistes nouvellement créées on a un véritable levier pour le développement de petites entreprises dans le secteur du tourisme. Les cyclotouristes polonais ont tendance à aller à l’étranger alors qu’avec des bonnes infrastructures ils passeraient volontiers leurs vacances dans le pays, parallèlement on pourrait faire venir des cyclotouristes européens. C’est une opportunité.
Quels itinéraires conseillerez-vous aux cyclotouristes français et comment peuvent-ils se préparer ?
La Cachoubie est l’une des régions les plus intéressantes, même sans itinéraires cyclables spécifiques on trouve des routes de campagne avec une circulation peu importante qui permettent de se balader. Je recommande également la Mazurie même si cette région est désormais très fréquentée. Comme je l’indiquais les infrastructures les plus intéressantes se situent dans le Sud et le Nord-Ouest. Pour se préparer, on peut se renseigner sur les différents groupes de cyclotourisme. A ma connaissance il n’existe pas de réseaux en français dédiés à la Pologne mais on peut trouver des informations en français sur les groupes de personnes qui voyagent à travers l’Europe. Avant de se lancer dans le cyclotourisme, il faut commencer par faire du vélo quotidiennement. Rouler 15/20 kilomètres par jour pendant plusieurs semaines suffiront à se mettre en jambe.
A ce stade presque chaque personne est capable de franchir le cap des 100 km en une journée. Notre dernière balade dans le parc national Kampinoski le prouve ! L’important est de ne pas forcer, de trouver son rythme et de bien s’équiper !
Pour participer aux sorties, retrouvez toutes les informations sur :
La page internet La Pologne à vélo
Le groupe Facebook