Après les portraits de touristes qui ont ponctué nos semaines estivales, retour de notre rendez-vous Ma vie d’Expat. Chaque semaine, un expatrié, francophone ou non, nous parle de sa vie et de ses expériences loin de son pays d’origine. Aujourd’hui, c’est la lumineuse Laurie Barriol qui nous raconte son parcours entre l’Angleterre et l’Espagne.
Lorsque l’on rencontre Laurie Barriol, c’est indéniablement son large sourire qui nous séduit. Puis, au fil de la discussion, c’est sa passion pour la culture qui éclate. Originaire de Saint-Rémy-de-Provence, cette consultante dans les projets européens et formatrice pour le secteur culturel et artistique a découvert Valence pour la première fois il y a dix ans lors de son stage de fin d’étude. Après une incursion sur le territoire britannique pendant sept ans, elle est finalement revenue vivre à Valence en 2016 où elle exerce son métier et développe de nombreux événements culturels comme les Café con proyectos, un accélérateur de projets européens organisé en partenariat avec l’Université de Valencia.
Lepetitjournal Valence : Laurie, pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a mené à Valence ?
Laurie Barriol : J’ai fait un master en management spécialisé dans les projets européens pendant cinq ans à Aix-en-Provence et c’est à la fin de mon master que je suis partie pour un stage de six mois à Valence en 2006.
Est-ce que cette ville était un véritable choix dans votre parcours étudiant ou était-ce le hasard ? Connaissiez-vous la ville avant ?
Ce fût un hasard. J’avais fait une demande pour Séville qui avait un programme similaire et qui m’intéressait bien plus que Valence. Il y a dix ans, c’était une ville qui, pour ma part, n’était pas très connue. Mais je n’ai pas été prise à Séville. Je suis donc venue à Valence que j’ai découverte et cela a été une super surprise. Moi qui viens de Saint-Rémy-de-Provence, une ville de 12.000 habitants, Valence m’est apparue comme une grande ville mais à taille humaine. Il y a un peu cette ambiance de pueblo (village) où tout le monde se connait.
A la fin de mon stage, je suis restée trois ans de plus pour travailler pour la Generalitat dans les projets européens, dans un service qui s’appelle "Intereg" qui s’occupe des financements inter-régionaux de toute la partie sud de l’Europe. J’aidais en fait à l’organisation des événements, la logistique et la communication.
Vous avez travaillé trois ans pour la Generalitat. Et après ?
Après j’ai décidé de partir en Angleterre, initialement six mois dans le but d’apprendre l’anglais à la fin de mon contrat avec la Generalitat. Pendant un mois j’ai cherché du travail et j’ai finalement trouvé dans une mairie, dans la région du Kent pour travailler sur la coordination d’un projet européen entre la France, la Belgique et l’Angleterre pour l’intégration des migrants. C’est un projet qui a été primé l’année dernière par la Commission Européenne comme pilote et même de référence vis-à-vis des problèmes actuels liés à la crise des réfugiés.
J’y suis restée deux ans et demi. Je suis ensuite partie à la mairie de Portsmouth, dans le Hampshire où je travaillais en tant que responsable Europe sur tout type de projet européen. Au bout de trois ans, j’ai décidé de me mettre à mon compte et de travailler en tant que consultante dans les projets européens spécialisés dans l’art, la culture, l’éducation et le social.
Ce sont des domaines qui vous touchent ?
Ce sont des domaines qui me passionnent ! Je pense que ce sont également des domaines qui sont transversaux et qui peuvent avoir un impact sur des projets différents liés à ces thématiques. J’étais aussi un peu lassée de ne pas vraiment voir l’effet de certains projets que j’avais mené. Les thèmes de l’art, de la culture, de l’éducation et du social touchent directement les personnes et peuvent se concrétiser sur du long terme, dans la vie des gens.
J’ai fait cela pendant environ deux ans, en Angleterre, mais j’avais toujours cette envie de rentrer en Espagne, en particulier à Valence, parce que c’est une ville que j’adore ! J’en suis tombée amoureuse au moment même où j’y ai mis un pied. Je ne me voyais pas faire ma vie en Angleterre. Il y a eu le Brexit également à cette époque-là. Et puis à la même période, j’ai rencontré un français qui travaillais à Valence et qui faisait exactement la même chose que moi. Nous avons décidé de faire une collaboration à travers un programme européen qui s’appelle Erasmus pour jeunes entrepreneurs. Cela m’a permis de venir ici pour développer mon projet et je suis revenue vivre à Valence.
Vous auriez pu repartir travailler n’importe où. Pourquoi être restée ?
Oui, j’aurais pu repartir, mais j’ai décidé que j’étais trop bien ici. Je peux travailler au niveau européen tout en étant dans un endroit qui me plaît. J’ai un peu retrouvé ma maison et j’avais des amis, des contacts qui étaient restés. Je me suis refait d’autres amis avec d’autres cercles.
J’ai rejoint la Chambre de Commerce Franco-Espagnole également et cela m’a aidé aussi bien au niveau professionnel que personnel. J’y ai rencontré des gens qui avaient un peu les mêmes ambitions et la même vision des choses que moi. C’est vrai que depuis que je suis rentrée l’année dernière, j’ai découvert une population d’expatriés français incroyable ! Je pense que c’est toute l’attraction de la ville qui créé cela.
Et puis il y a l’Institut Français qui est un lieu où je vais souvent pour prendre des livres, voir des films. C’est un peu une ressource lorsque l’on a envie de retrouver son côté français !
Vous aimez retrouver votre culture française. Vous qui avez étudié l’interculturalité, comment vous situez-vous en tant que Française à Valence ?
En fait généralement, vivant à l’étranger, j’aime le statut d’expatrié parce que je trouve que c’est extrêmement enrichissant. Et puis aussi d’avoir vécu quatre ans à Valence au total, je me sens comme chez moi, en tout cas, plus qu’en Angleterre où j’ai vécu sept ans ! Au niveau de la langue, je n’ai aucun problème pour discuter et la culture est assez similaire tout en étant différente aussi. Je trouve que c’est très intéressant de pouvoir vivre quelque part où l’on se sent chez soi tout en étant étranger, d’avoir des amis de différentes cultures et de pouvoir se ressourcer, de retrouver son côté français. Il faut être fier d’avoir tout ça. C’est toute cette interculturalité qui nous enrichi en tant que personne.
Vous habitez au Cabanyal. Pourquoi avez-vous choisi ce quartier ?
Le Cabanyal a été une surprise également. Il y a sept ans, le Cabanyal n’avait pas du tout la même connotation … A l’époque j’habitais vers la Alameda qui est bien plus au centre. Mais quand je suis venue en juin 2016 pour travailler avec mon collègue Jeff sur le développement des formations en ligne, j’ai participé à plusieurs événements qui étaient organisés dans le Cabanyal. J’ai loué un appartement pendant une petite semaine, pour voir un peu. J’étais en face de La Paca qui est un petit bar super sympa, très connu et populaire où il y a pas mal d’événements. J’ai adoré cet endroit ! Il y a un côté populaire et en même temps artistique et culturel captivant avec une population gitane assez importante. Ce qu’ils ont fait avec Las Naves par exemple, c’est génial : ils ont développé cet endroit pour ceux qui travaillent dans le secteur culturel et qui veulent développer leurs idées de projet. Cela a été une grande surprise pour moi de revenir ici.
On entend de tout sur le Cabanyal, les avis sont toujours très tranchés : soit les gens adorent, soit ils n’aiment. Et vous ?
Moi j’adore ! Encore une fois, il y a ce côté pueblo avec le marché du Cabanyal le jeudi qui est très grand et le marché couvert où l’on peut acheter ses fruits et ses légumes tous les jours et à des prix bien plus bas que tout ce que l’on peut trouver dans le centre. Et puis il y a plein de restaurants super sympas. La Casa Montaña par exemple, c’est un restaurant recommandé par le Guide Michelin qui fait des tapas extraordinaires. Sans parler de tous les événements artistiques et culturels qui y sont organisés. J’aime ce quartier, en tout cas je n’en changerais pas ! C’est plus tranquille, il y a moins de bruit que dans le centre. Et puis de pouvoir venir tous les jours à la plage, que c’est bien !
A part le Cabanyal, quels sont vos coups de cœur sur Valence ?
Russafa a également été une redécouverte. Sept ans après, ce n’est plus du tout pareil, ce quartier a complétement changé. Aujourd’hui, c’est devenu un quartier à la mode alors qu’il ne l’était pas du tout il y a sept ans. Moi j’adore Dulce de Leche pour aller manger des pâtisseries. L’Ubik cafe aussi me plaît beaucoup car on peut y prendre un café avec les bouquins, on peut prendre son temps. Le Carme est un quartier que j’aime beaucoup aussi.
Y a-t-il des évènements culturels que vous ne rateriez pour rien au monde ?
Tous les événements qu’il peut y avoir dans le Turia ! C’est un des points pour lequel j’adore cette ville : avoir fait ce projet de transformer cette espace fleuve en espace public où il y a un nombre incroyable d’événements tout au long de l’année ! Il y a aussi le cinéma en plein air sur la plage et à viveros.
Tous les événements de musique aussi. Par exemple, tous les étés il y a un chiringuito sur la plage où on peut danser tous les mardis soirs le Foro, une danse brésilienne. C’est génial, on a l’impression d’être aux Caraïbes. C’est aussi ce que j’aime en Espagne, c’est le fait que toutes les activités sont à l’extérieur. Il y a aussi ce coté où les gens peuvent se rencontrer. Et même quand on sort dans les bars, toutes les générations se rencontrent. En France, c’est plus difficile de trouver les enfants avec les grand-parents, les parents. Ici, tout le monde est mélangé dans un même endroit. C’est un coté que j’aime beaucoup de l’Espagne.
Est-ce qu’il y a des choses qui vous manquent de la France ou que vous regrettez ?
Une nostalgie ? Non je ne regrette pas du tout d’être partie, parce que je trouve que cela m’a enrichi au niveau professionnel et personnel. Après, il est vrai qu’au niveau des avantages que nous avons en France, comme la Sécurité Sociale par exemple, et que nous ne retrouvons pas dans d’autres pays, c’est justement le fait de partir qui nous permet de nous rendre compte de la chance que l’on a en tant que Français. Mais ce n’est pas quelque chose qui me manque non plus.
Valence devient de plus en plus internationale. Participez-vous à des rencontres internationales ?
J’ai participé à Internation mais bien souvent dans le Cabanyal, nous nous regroupons entre différentes cultures. Cela se fait naturellement, pas besoin d’aller dans un endroit particulier pour rencontrer des gens étrangers.
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui veulent vivre l’expatriation que ce soit à Valence, en Espagne ou dans le reste du monde ?
Je trouve que c’est une expérience extraordinaire. C’est clair que l’on peut avoir peur de faire le premier pas, cela reste une expérience vers l’inconnu. Mais quelle que soit l’expérience que l’on puisse avoir, on s’en sort plus fort, on s’en sort enrichi et on apprend beaucoup sur soi-même, sur sa culture. Cela permet d’avoir un recul sur sa culture, sur sa personne et cela permet aussi de s’ouvrir à d’autres choses dans la vie.
On apprend aussi à prendre des risques. Par exemple, je n’aurais jamais cru pouvoir être entrepreneur ayant toujours travaillé dans le secteur public. Je n’aurais pas cru me lancer à faire d’autres choses, de partir en Angleterre, de partir dans d’autres pays, de rencontrer d’autres personnes. Je conseille à tout le monde de le vivre au moins une fois dans sa vie !
Photos réalisées par Arno Bonnissent (arnobonnissent@gmail.com)
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