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Mochy, la star mondiale du backgammon

Depuis quelques années, le Japon est devenu une nation dominante dans les compétitions de backgammon. Le petit journal de Tokyo est allé à la rencontre de Masayuki « Mochy » Mochizuki, numéro un mondial depuis bientôt quinze ans.

En tournoiEn tournoi
Écrit par Serge Rived
Publié le 16 octobre 2023, mis à jour le 25 novembre 2023

Le backgammon est un jeu au nom très british. Il a même été adopté par James Bond pour défaire un vilain dans Octopussy.


Souvent présent sur les coffrets au dos d’un jeu d’échecs ou de dames, les Français le connaissent parfois sous le nom de jacket. C’est un jeu de hasard dans lequel la stratégie basée sur les calculs de probabilité tient un rôle important.


Quand avez-vous connu le backgammon ? Et pourquoi avoir choisi ce jeu plutôt que des jeux plus traditionnels comme le shogi ou le go[1]?

J’ai intégré le club de shogi au lycée. C’était un des plus forts du pays, il a remporté toutes les compétitions pendant les trois années de ma scolarité. Je n’étais pas assez fort pour faire partie de l’équipe première. Mais j’avais une passion pour ce jeu auquel je consacrais la plupart de mon temps libre.
A la fin du lycée, j’ai réussi l’examen, mais je n’ai pas pu entrer à Todai, l’Université de Tokyo, une des plus prestigieuse du pays. Alors, j’ai pris une année supplémentaire afin de préparer à nouveau les concours. C’est très commun au Japon. Dans les fortes écoles comme était la mienne, et qui préparent aux meilleurs concours, environ 50% des élèves se retrouvent dans cette situation.
Mon niveau plafonnait au shogi. Des membres du club m’ont suggéré d’apprendre le backgammon. J’ai tout de suite aimé le côté cool du design des tables de jeu. L’atmosphère des compétitions dans des cafés très chics, était également séduisante pour le jeune homme de 19 ans que j’étais.

Comment êtes-vous passé d’une passion à joueur professionnel, et en quoi cela
consiste ?

Je voulais juste jouer au backgammon autant que possible. A cette époque, pour vivre du jeu il fallait jouer des parties d’argent. J’ai eu la chance que mon début de carrière coïncide avec l’arrivée du backgammon sur internet. Beaucoup de sites se sont créés où il était possible d’affronter des adversaires du monde entier. Et il était facile de gagner beaucoup d’argent. A tel point que j’ai abandonné mes études après deux ans d’université.

Aujourd’hui, je participe entre huit à dix tournois internationaux par an : à Paris, Londres, New York, Monaco ou Dubaï. Mais c’est pour la compétition et garder mon rang. Le niveau des compétitions s’est élevé, les écarts entre les joueurs s’est fortement resserré. Je tire principalement mes revenus en donnant des leçons particulières et en animant des séminaires lors de ces rencontres internationales.
Ou alors en affrontant des amateurs voulant me défier dans des parties privées.
 

portrait de Mochy, joueur de backgammon
Mochy en finale UBC

Vous avez également écrit trois livres.

Mon premier livre a été publié en 2002. Une grande maison d’édition m’a contacté et m’a donné cette opportunité. Ce fut une belle surprise. J’étais le numéro un au Japon, mais encore inconnu sur la scène internationale. Et le livre c’est très bien vendu, 10 000 exemplaires pour un livre sur le backgammon en japonais ! Ne sachant pas si j’écrirai un autre livre, j’ai voulu un guide aussi complet que possible. Il part des règles du jeu pour finir sur des aspects beaucoup plus techniques.

Le second a vu le jour en 2011, après mon titre de champion du monde en 2009. Une autre maison d’édition m’a contacté pour écrire un livre uniquement destiné aux débutants. Il fait moins de page, il est plus facile à lire, et il aborde uniquement des concepts qu’un novice peut mettre immédiatement en pratique.

Le dernier, publié cette année est pour un public éclairé. C’est mon premier livre en anglais. J’y développe deux thèmes : la visualisation stratégique et le « jeu arrière[2]». Il reprend des idées développées lors de mes séminaires.


Depuis toutes ces années, comment gardez-vous votre motivation intacte ?

Ma motivation première est de trouver la vérité du jeu et le meilleur coup possible dans chaque position.
Même au top niveau, les joueurs font de grosses erreurs. J’essaye à chaque fois d’analyser et de comprendre pourquoi j’ai gaffé et comment je pourrais l’éviter à l’avenir. Certains se lassent du jeu, ce n’a jamais été mon cas.

Ensuite j’aime me mesurer aux nouvelles générations. C’est un peu une bataille d’ego, mais ça me plait. Pour être honnête le backgammon reste un jeu trop peu pratiqué. S’il y avait assez de jeunes talents, je ne serais plus le numéro un mondial à 44 ans.
 

tournois de backgammon
La relève au Japan Open


Pouvez-vous nous détailler votre préparation avant un tournoi ?

Par exemple, en décembre, je vais jouer la finale du tournoi UBC [3]2023 face à Sander Lyllof. L’échéance est lointaine et je me contente de jouer et d’analyser un match de temps en temps. Mais à partir de trente ou quarante jours avant cette rencontre je vais travailler mon jeu quatre à cinq heures par jour.
Pour garder en mémoire les formules techniques et mes positions de références, j’utilise Anki. Un logiciel gratuit permettant de créer des fiches de révision dans tous les domaines.
Sinon ma méthode est de jouer des matchs afin de repérer et de corriger mes mauvaises habitudes.
J’essaie de comprendre : viennent-elles d’un manque de compréhension ? De la fatigue ? D’une mauvaise gestion de mon temps de réflexion ? Avec mon expérience mes erreurs viennent rarement d’un manque de savoir.

Avez-vous également une préparation physique pour améliorer votre concentration ?

Je fais des séances de gym et parfois de méditation, mais pas de façon quotidienne. Mon secret afin d’entretenir ma condition : emmener mes enfants au parc pour jouer avec eux !

 

Le francais Francois Tardieu et le Danois Lyllof avec Mochy
Le francais Francois Tardieu, Mochy et le Danois Lyllof.


Pour nos lecteurs de Tokyo, quels sont les lieux de jeu dans la capitale ?

Pour un premier contact je recommanderai le « Caffè Michelangelo », un bar restaurant italien dans le quartier de Shibuya. Les joueurs s’y retrouve tous les mardis, de sept à dix heures du soir, pour des parties libres. 
Pour ceux qui voudraient jouer en compétition, la fédération organise des rencontre chaque dimanche de 13 à 19 heures à l’Akasaka Backgammon Dojo.
Il y a enfin l’Open du Japon, un tournoi annuel international, organisé à Tokyo durant la « golden week » au mois de mai.



Merci à Mochy, pour commander ses livres :
- バックギャモンブック / 1980 JPY / https://backgammon.theshop.jp/items/6190377
- Master Class / $89 / https://shop.backgammongalaxy.com/products/backgammon-masterclass
Et pour toutes informations sur le backgammon au Japon.


[1] On estime à respectivement 6 et 7 millions le nombre de joueurs de shogi et de go au Japon, contre quelques milliers de joueurs de backgammon.
[2] En anglais « backgame » dont le jeu tire le nom. Stratégie complexe visant à s’ancrer dans le camp ennemi et pratiquer un jeu d’attente au lieu d’une course.
[3] Ultimate Backgammon Championship, tournoi annuel, le plus prestigieux du circuit. Mochy a remporté quatre des cinq éditions. Sander Lyloff, joueur Danois numéro deux mondial, est deux fois finaliste et tenant du titre.

Photos fournies par Masayuki Mochizuki

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