À la lueur des lustres d’un élégant salon, de subtiles effluves de saké flottaient dans l’air, éveillant les sens des invités. Ce breuvage ancestral, inscrit en décembre 2024 au patrimoine immatériel de l’UNESCO – plus d’une décennie après les traditions culinaires japonaises washoku en 2013 –, était à l’honneur le 3 février dernier, lors d’un symposium à Bruxelles, au légendaire Grand Hôtel Astoria, rebaptisé Corinthia. Membres du gouvernement, restaurateurs, sommeliers, distributeurs et journalistes étaient réunis pour célébrer cette reconnaissance historique, marquant une nouvelle ère pour l’art du saké.


Histoire du saké
Mais au fond, que savons-nous vraiment du saké japonais nihon shu, surnommé « l’eau du bonheur » ?
Élément central de la gastronomie japonaise et de la religion shintoïste, le saké, également appelé nihon shu (alcool japonais), serait arrivé dans l'archipel en provenance de Chine au Ve siècle. À l'époque Heian (794-1185), il était principalement fabriqué à la cour et dans les sanctuaires et consommé lors de fêtes ou d'occasions spéciales. Il commença à être commercialisé à l'époque Kamakura (1185-1333), mais c'est à l'époque Muromachi (1336-1573) que l'aspergillus (koji) nécessaire à sa fermentation se répandit et que l'art de sa production trouva sa perfection. Bien que le saké fût principalement utilisé lors des rituels shintoïstes, sa qualité fut grandement améliorée par les moines des temples bouddhistes, qui le fabriquaient et le vendaient. Le goût était alors plus fort et plus doux qu'aujourd'hui, mais les secrets de sa fabrication se sont transmis jusqu'à nos jours.
Extrait - Les Délices d'EdoHistoire illustrée de la gastronomie japonaise, Edition Flammarion 2023
À l’époque d’Edo (1600-1868), le Japon offrait une grande diversité de sakés, issus de différentes régions. Parmi eux, le kudorizake, produit dans le Kansai, était particulièrement réputé pour sa qualité exceptionnelle. Acheminé par bateau jusqu’à Edo, l’actuelle Tokyo, il transitait par les grossistes avant d’être distribué aux auberges, aux établissements de restauration et aux particuliers.
L’inscription à l’UNESCO du savoir-faire traditionnel de la fabrication du saké avec le ferment koji met en lumière son rôle essentiel dans l’histoire, la culture et l’artisanat japonais. Cette reconnaissance contribue non seulement à préserver un héritage séculaire, mais aussi à garantir la transmission de ses techniques ancestrales aux générations futures.
Un écrin à la hauteur de cet hommage historique

L’hôtel qui a accueilli ce symposium est une merveille architecturale signée Henri Van Dievoet (1869-1931), réputée pour sa façade Belle Époque, son sublime plafond en verrière et son intérieur luxueux. Inauguré en 1910 à l’occasion de l’Exposition universelle de Bruxelles, le Grand Hôtel Astoria a depuis hébergé de nombreuses personnalités éminentes, dont l'Empereur Hirohito (1901-1989) du Japon.
Sur des tables rondes d’un blanc immaculé, quatre types de saké attendaient patiemment d’être savourés.

Discours, dégustations et expériences sensorielles
L’événement a débuté par la projection d’une vidéo, suivie du discours de Son Excellence Monsieur Masahiro Mikami, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire du Japon auprès du Royaume de Belgique, avant l’intervention de Monsieur Shinuemon Konishi, Président et Directeur de la Brasserie KONISHI et Président de la Société de Préservation de l'Artisanat japonais de fabrication du saké à base de Koji. Ce dernier a mis en lumière la richesse culturelle et historique de la fabrication traditionnelle, invitant les participants à découvrir cet art lors de l’Expo 2025 à Osaka.

En écho à cette célébration des traditions brassicoles, Monsieur Krishan Maudgal, PDG de l’Association des Brasseurs Belges, a offert un parallèle intéressant en présentant la culture de la bière belge inscrite à l’UNESCO en 2016. S’en est suivie une dégustation dirigée par l’ancien Ambassadeur du Japon auprès de l’UNESCO, Monsieur Kenjiro Monji, également Saké Samouraï, et la sommelière Madame Saori Nishida.
Cette première partie s’est conclue par une discussion entre les quatre intervenants, explorant les méthodes de fabrication du saké, son lien avec les coutumes et les pratiques locales, et les différentes façons de le déguster.

L’art de l’accord mets-vins mis à l’honneur
L’événement a continué avec la mise en lumière de l’alliance subtile entre le saké et la gastronomie. Le Chef étoilé David Martin, du restaurant Palais Royal Bruxelles a dévoilé son menu pour cette célébration, minutieusement élaboré pour sublimer les breuvages japonais.
Ensuite, Son Excellence Monsieur Takehiro Kano, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire, Délégué permanent du Japon auprès de l’UNESCO à Paris, a prononcé un discours ouvrant la dégustation du menu, concluant par un toast avec du saké servi dans des coupes spécialement conçues pour l’occasion.

Une reconnaissance qui ouvre de nouvelles perspectives
L'inscription du saké au patrimoine immatériel de l’UNESCO marque une étape clé dans la valorisation de cet héritage séculaire. Bien plus qu’un breuvage, il incarne l’âme du Japon, alliant tradition, savoir-faire et raffinement. Ce symposium bruxellois a mis en lumière la richesse de cette boisson emblématique et l'importance de sa transmission. Il a également offert aux participants l'opportunité d’approfondir leur connaissance du saké et d’en apprécier pleinement les saveurs grâce aux accords mets-vins.
Alors que le monde s’apprête à découvrir encore davantage cet art brassicole lors de l’Exposition Universelle d’Osaka 2025, cette reconnaissance internationale ouvre la voie à une nouvelle ère pour le saké. Entre préservation des traditions et innovations contemporaines, le saké continue de tisser des liens entre cultures et gastronomies, affirmant son rôle d’ambassadeur du patrimoine japonais à travers le monde.
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Sincères remerciements aux organisateurs !
Agences gouvernementales japonaises : Agence nationale des impôts, Agence pour les Affaires Culturelles, Institut National de Recherche sur la Brasserie
Société de Préservation de l'Artisanat japonais de fabrication du saké à base de Koji
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