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Jérôme Fourquet s'alarme de la déconstruction de la société

Jérôme Fourquet Jérôme Fourquet
Écrit par Pierre Janvot
Publié le 9 décembre 2019, mis à jour le 10 décembre 2019

Invité par plusieurs médias Tv et radios en France ces dernières semaines, Jérôme Fourquet -directeur de département à l'IFOP- présente une analyse de la société française au premier anniversaire de la crise des gilets jaunes, dans son dernier livre "L'Archipel français".

Selon ce titulaire d'un DEA de géographie politique, la déstructuration des matrices de deux piliers fondamentaux de la société que sont le catholicisme et la laïcité républicaine, est profonde. Sa réflexion, construite sur la base des études et des sondages que détient l'IFOP, dresse un tableau sans concession de l'état de notre vivre ensemble qu'il décrit dans son livre L'archipel français (Seuil) déjà vendu à 70.000 exemplaires.

Dans notre société, la consommation et l'accès aux loisirs sont centraux pour affirmer sa propre identité.

 

L'effondrement du pilier catholique

Les sondages IFOP cumulent plusieurs données signifiantes qu'il restitue dans ses propos. 35% des Francais en 1961 déclaraient aller à la messe au moins une fois par semaine. En 2013, ils n'étaient plus que 5%. Concernant le choix des prénoms à la naissance, Marie était donné à 20% des filles en 1900, contre à peine 0,63% en 2018. La proportion chez les garçons est identique avec le prénom Jean par exemple. Dans les années 50, il y eu une customisation par déclinaison de ces prénoms originels qui donna des Marie-Pierre ou des Jean-François entre autres. 

Autre évolution, celle du rapport au corps. En 1900 on se faisait enterrer, maintenant on se fait incinérer. Aujourd'hui 10% des individus possèdent au moins un tatouage sur le corps. Mais parmi les plus de 60 ans, ils ne sont plus que 1%. D'après la vision de ce politologue, nous ne prenons pas encore conscience du basculement idéologique profond qui s'opère dans la société française.

Le pilier républicain se fissure

Détaillant les items du pilier républicain et laïque, il constate que de 1900 à 1945 la France fonctionnait avec un stock de 2.000 prénoms, puis 3.000 en 1960 et 5 à 6.000 en 1980. C'est la suppression de la loi Napoléon en 1993 régissant leur attribution, qui aboutit aujourd'hui à une explosion de 13.000 prénoms en moyenne.

Autre constat, l'augmentation des prénoms anglo-saxons dans les années 90. Kévin a été le prénom le plus donné dans l'hexagone durant quatre années de suite, principalement dans les familles populaires. Enfin près de 19% des prénoms actuels ont une consonance et/ou une prononciation issues de l'immigration. L'analyse du directeur de l'IFOP aboutit à découvrir que la carte des prénoms anglo-saxons se superpose beaucoup à celle des votes du second tour de l'élection présidentielle de 2017.

Suppression des élites

Autre constat, la montée du nombre de diplômés de l'enseignement supérieur (3% en 1900 contre 24% actuellement). Certains arrondissements de Paris contiennent 45% de cadres. La création de secteurs géographiques fonctionnant en quasi-autarcie conduit à la disparition du brassage entre catégories de population. Dernier exemple, les colonies de vacances. De près de 3 millions d'enfants accueillis dans les années 60, ils ne sont plus que 400.000 environ.

Crise des gilets jaunes

La crise des gilets jaunes n'est pour Jérôme Fourquet que l'éclosion d'une mobilisation contre la peur du déclassement et l'attirance vers le bas. La construction des identités humaines et de leur position dans la société se fait en fonction de ce que l'on consomme et possède. "Pour exister je dois posséder des marques pour moi et mes enfants. Mais le pacte est rompu car, je travaille, mais ne gagne pas assez pour accéder à cette consommation".

Abordant une vision de l'avenir plus positive, il reste selon lui des forces permettant à la société française de tenir : notre système de protection sociale (la sécu), les institutions, le maillage des 600.000 élus locaux (premiers fantassins de la République) et le système de retraite par répartition.

"Meilleur sondeur de France", comme le présente Le Figaro, il dresse néanmoins une conclusion alarmiste : "Le béton de l'Etat français est en train de se lézarder de toutes parts".

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