Bénévole depuis plus de deux ans dans un refuge pour femmes migrantes abusées, Emmy Doulain a ouvert les yeux sur la condition des femmes en général et des migrantes en particulier, et ce grâce à cette expérience. Emue et révoltée à la fois par les histoires que ces dernières lui racontaient, elle a décidé d’en parler à travers l’écriture de Les femmes de l’ombre. Elle espère que ce livre ouvrira les yeux sur ce que vivent ces « domestiques », non seulement à Singapour mais aussi à travers le monde.
Des femmes victimes de maltraitance
Elles s’appellent Indah, Analiza, Verpaal, Aye Aye… Elles viennent d’Indonésie, des Philippines, d’Inde et du Myanmar. Elles ont quitté leur pays natal et leur famille pour venir travailler à Singapour. Elles travaillent et vivent chez leurs employeurs dans des maisons, des appartements, et s’occupent des tâches ménagères, de la cuisine, des enfants ou des personnes âgées. Ce sont des domestic workers, des femmes migrantes, et les abus dont elles font l’objet sont souvent méconnus. Elles sont peu protégées par les lois locales, et le système de live in qui les oblige à vivre chez leurs employeurs ne fait qu’empirer leur vulnérabilité face à des abus souvent inhumains. Ce sont des femmes de l’ombre, cachées derrière les portes closes des logements de leurs employeurs. Ce sont leurs histoires.
Ces récits présentent dix-sept femmes, dont on suit le quotidien à Singapour alors qu’elles exercent en tant que domestiques dans des familles aisées. On découvre la façon dont elles sont traitées, leurs difficultés, leurs angoisses, leurs motivations, leur résilience face aux abus qu’elles endurent. A travers ces nouvelles, l’auteure souhaite donner une voix à ces femmes maltraitées, souvent cachées derrière des portes closes, à l’abri des regards et de faire connaître au grand public ce qu’elles endurent.
Au fil des pages de Les femmes de l'ombre…
« Indah a vingt-trois ans, elle est indonésienne et vient de Kalembah, un village situé sur l’île de Java entre Jakarta et Surabaya. Elle est née et a été élevée ici, dans ce village de quatre mille habitants, situé entre quatre et huit cents mètres au-dessus du niveau de la mer. L’air frais des montagnes y est propice à la culture du café, des clous de girofle et du thé. Indah a cinq frères et sœurs, tous plus jeunes qu’elle. Ses parents travaillent dans les plantations, à la cueillette des feuilles de thé. La famille est relativement pauvre et Indah aide à la maison pour les tâches ménagères et pour s’occuper de sa fratrie. Elle a arrêté l’école rapidement, les études coûtant cher et parce que ses parents avaient besoin d’elle pour s’occuper de ses frères et sœurs pendant qu’ils travaillaient dans les plantations. Elle aide aussi de temps en temps à cueillir les feuilles de thé, pour aider à renflouer le quotidien de la famille.
Mais Indah a d’autres projets. Comme d’autres jeunes Javanaises, elle veut partir travailler à l’étranger comme domestic worker pour gagner plus d’argent que ce à quoi elle peut prétendre en Indonésie. Elle a l’âge minimum requis pour partir à Singapour. Elle le sait car de nombreuses filles de son village sont déjà parties travailler là-bas et parce qu’un broker (ou sponsor) passe régulièrement dans le village pour recruter des jeunes filles en âge de travailler dans des pays étrangers en tant que domestic worker. Indah y pense depuis un moment et elle a pris sa décision : elle veut aider ses parents financièrement et surtout pouvoir offrir à ses frères et sœurs un avenir meilleur et la possibilité de faire des études, ce dont elle a été privée »
Les femmes de l’ombre d’Emmy Doulain, publié en octobre 2020 par les éditions Baudelaire, disponible chez Books Kinokuniya