Séverine Grandgeorge, médecin généraliste française, a été durant deux années volontaire au sein de l'association humanitaire HOME (Humanitarian Organization for Migration Economics) qui vient en aide aux travailleurs migrants à Singapour, notamment aux « Helpers », les employées de maison. Son roman « Helpers » est une fiction émouvante, inspirée de faits réels, de témoignages, de son expérience auprès de ces femmes du refuge de l'association HOME, et de ce qu'elle a pu observer durant son expatriation. Elle a quitté Singapour pour s'installer à Dublin cet été 2017.
« Yna, Jenny, Yati, Bethari, Luz et Evelyn : six jeunes femmes de nationalité différente, employées de maison à Singapour, loin de leur pays, expatriées de seconde classe. Elles doivent à tout prix s'adapter à leur nouvelle vie et aux exigences de leurs patrons, tenir le coup est leur priorité. Nombre de familles ne peuvent concevoir leur vie quotidienne sans l'aide de ces femmes, mais oublient de les considérer comme telles, les reléguant au rang d'utilitaires... » Séverine Grandgeorge
Comment est venue l'envie d'écrire ce livre ?
Séverine Grandgeorge - J'ai découvert l'existence des Helpers en arrivant à Singapour et j'ai été à la fois interloquée et curieuse. J'ai eu envie d'en savoir plus sur leur vie à Singapour et les conditions de travail, et j'ai commencé à interroger d'abord ma helper, puis d'autres, celles de mes amies ou des voisines, etc.
J'ai par ailleurs appris, à mes dépens, que mon diplôme de médecin généraliste français n'étant pas reconnu à Singapour, je ne pourrais pas exercer ici. Alors quand j'ai eu connaissance de l'association humanitaire HOME, j'ai décidé de m'engager en tant que bénévole. Je suis médecin avant tout parce que j'aime les gens, et j'avais aussi besoin de me sentir utile. J'ai alors recueilli de nombreux témoignages difficiles, poignants, et le livre est né petit à petit.
Quel fut votre rôle au sein de l'organisation humanitaire Home?
- J'ai été médecin non prescripteur de l'association pendant deux ans. Je n'avais pas le droit de prescrire, mais j'ai pu poser des diagnostics et apporter mon aide pour les premiers soins et je recherchais ensuite des médecins pour les soigner, à moindre frais. Je me suis rendue au refuge de HOME une à deux fois par semaine pendant deux ans, et je faisais également des visites à l'hôpital.
J'ai alors vu l'autre facette, le côté sombre, de ce système de travailleurs migrants et la détresse de ces femmes, qui sont malheureusement parfois (souvent ?) victimes de maltraitance physique et psychologique. Certaines situations sont extrêmes et les suicides ou tentatives de suicide sont malheureusement fréquents. C'est très difficile. Je suis heureuse d'avoir pu aider, mais en même temps frustrée de ne pas pouvoir faire plus. On a parfois envie de tout casser tellement les conditions sont aberrantes et inhumaines.
Helpers, de Séverine Grandgeorge, Sudarènes éditions, février 2017.
Pouvez-vous nous présenter votre roman en quelques mots ?
- C'est un roman fiction, basé sur des faits réels. J'ai utilisé les vrais témoignages de différentes helpers, que j'ai mélangés pour créer des personnages. Le livre raconte la vie à Singapour de six helpers, leur histoire depuis leur arrivée jusqu'à leur départ. On passe d'un personnage à l'autre à chaque chapitre, et l'histoire est relatée du point de vue des helpers. Elles racontent leur quotidien, les tâches qu'elles doivent exécuter, leur relation avec l'employeur, etc. Elles donnent aussi leur vision de la vie à Singapour, ce qu'elles apprécient, ce qui les surprend, leurs critiques et la façon dont elles sont vues par leurs employeurs et par les gens en général. Ce sont des tranches de vie, des fragments de quotidien.
Certaines sont heureuses d'être ici, en sécurité, et de gagner de l'argent, mais leur vie personnelle est difficile. Elles souffrent en particulier de la solitude et de l'éloignement de leur famille. Et il y a des histoires qui tournent mal, comme dans la réalité. Tous les évènements, les maltraitances, les abus et les punitions du livre sont tirés de témoignages réels. Je n'ai rien inventé. Il y a des moments légers, de l'humour et des rires, mais c'est vrai que, globalement, c'est un portrait assez noir.
N'avez-vous pas peur de tomber parfois dans le cliché ?
- Je ne sais pas, et à vrai dire cliché ou pas, tant pis. Je n'ai aucune prétention d'être écrivain ou d'avoir fait un travail journalistique. J'avais simplement envie, et besoin, de parler des helpers, de raconter l'existence de ces petites mains, qui sont importantes dans la vie des gens et pour l'économie du pays, et qui ne comptent pour rien, absolument rien. Je ne prétends pas non plus donner une vision objective de la situation de ces femmes, mais je me suis efforcée de me mettre à leur place.
Le livre existe-t-il en anglais et est-ce que des Singapouriens l'ont lu ?
- Il existe un manuscrit traduit en anglais, au départ pour que les Helpers puissent le lire. Une des volontaires de l'association HOME l'a lu. C'est une jeune fille qui est née à Singapour, d'une grande famille singapourienne, et qui a également vécu en Australie et en Europe. Le livre l'a beaucoup touchée.
L'édition du livre a-t-elle été difficile ?
- Je me suis d'abord tournée vers l'auto-édition, en me disant que ce serait plus facile, et pour tester en quelque sorte mon livre, savoir s'ils allaient dire oui. J'ai eu une réponse positive, ce qui m'a rassurée, et entre temps, durant l'été 2016, j'ai rencontré un éditeur à Saint-Raphaël qui a lu le roman et a accepté de le publier. Il s'agit de Sudarènes et la sortie nationale en France est en juillet 2017. Nous l'avons tiré à 500 exemplaires et à ce jour, environ 150 exemplaires ont été vendus.
Où trouver le livre ?
- Chez l'éditeur : SudArènes
- Chez Kinokuniya à Singapour
19 ou 29 SGD
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