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Fête de la Francophonie - Femmes chefs de file de la musique classique

Une chef d'orchestre à la fête de la francophonie à SingapourUne chef d'orchestre à la fête de la francophonie à Singapour
@ Ambassade de France à Singapour
Écrit par Jean-Michel Bardin
Publié le 29 avril 2021, mis à jour le 30 avril 2021

Le festival de la francophonie 2021, qui s’est tenu à Singapour le mois dernier, avait pour thème l’égalité des sexes. Dans ce cadre, un atelier s’est penché sur ce sujet dans le monde de la musique. Le Petit Journal a recueilli les vues de deux des trois panelistes qui ont participé à cet atelier : Adeline Wong, compositeur et professeur de composition au conservatoire de musique YST (Yong Siew Toh) à Singapour, et Nancy Yuen, soprano, professeur de chant à Hong Kong, et directeur artistique du Singapore Lyric Opéra (SLO). 

 

ADELINE WONG

Adeline Wong
@Adeline Wong

 

Adeline, comment avez-vous été amenée à participer à ce festival ? Avez-vous des connexions particulières avec la France ou la culture française ?

En fait, c’est le conservatoire où j’enseigne qui m’a désignée à l’invitation de l’Ambassade de France. Je n’ai pas de relations particulières avec la France. Mais la découverte de la musique française du début du vingtième siècle (en particulier Debussy, Ravel et Messiaen), il y a une vingtaine d’années quand j’ai commencé à m’intéresser à la composition, a joué un grand rôle dans le choix de mon style de musique.

 

En tant que compositrice, vous êtes une exception dans un monde traditionnellement masculin. Comment expliquez-vous cela ?

Je pense que les femmes manquent souvent de support et d’audace pour suivre leur passion musicale, car ce n’est pas la voie habituelle. J’ai été très tôt attirée par la musique : j’ai appris le piano et la flute. Je me suis assez rapidement tournée en parallèle vers la composition. J’ai eu la chance d’être soutenue dès le début par ma famille, qui aime la musique sans cependant la pratiquer. Je n’ai jamais eu le sentiment de subir quelque discrimination que ce soit et j’ai toujours entretenu d’excellents rapports avec mes collègues masculins.

 

La salle de concert du conservatoire YST (copyright YST)
La salle de concert du conservatoire YST (@YST)

 

Pensez-vous que le fait d’être une femme vous amène à exercer votre métier différemment de vos collègues masculins ?

Non, je ne le pense pas. Qu’il s’agisse de composer ou d’enseigner, chacun a son style : personnellement je suis par exemple plus attirée par l’harmonie et la complexité, alors que d’autres insistent plus sur le rythme. Mais cela est lié à la personnalité et non au genre de la personne.

 

N’avez-vous jamais été tentée par la direction ?

Non. Je suis d’un tempérament assez solitaire et la composition me convient davantage. Je préfère écouter ou regarder mes œuvres jouées, plutôt que de les diriger.

 

Quelle est votre relation avec les musiciens, orchestres, et chefs d’orchestre ? En effet, composer c’est bien, mais avoir ses œuvres jouées, c’est mieux.

Il faut trouver un compromis entre ce que l’on veut exprimer, ce que le public est prêt à écouter, et ce que les exécutants sont disposés à jouer. Il faut bien avoir cela en tête lorsque l’on compose. Lors des répétitions, il m’arrive de revoir légèrement ma copie, notamment pour améliorer les équilibres sonores entre les différentes parties. Après les concerts, j’aime discuter avec l’audience pour recueillir son impression et ainsi orienter mes futures créations.

 

Pour plus d’information sur Adeline Wong et pour écouter quelques échantillons de ses œuvres, vous pouvez cliquer ici.

 

NANCY YUEN

 

Nancy Yuen
@Esplanade

 

Nancy, comment avez-vous été amenée à participer à ce festival ? Avez-vous des connexions particulières avec la France ou la culture française ?

Pas vraiment. Je suis originaire de Hong Kong, mais j’ai passé ma jeunesse et la première partie de ma carrière à Londres. Bien sûr cela m’a permis de nombreux voyages dans le reste de l’Europe, dont la France, mais, par exemple, je n’ai chanté qu’une seule fois un concert en France, à Evreux précisément. En fait c’est l’Esplanade qui m’a retransmis l’invitation de l’Ambassade de France.

 

Avez-vous rencontré des difficultés pour vous imposer dans le monde musical en tant que femme ?

Tout d’abord, il n’y a pas de compétition hommes-femmes dans le chant : chanter soprano est l’apanage des femmes.

Pour la direction d’opéra, que je pratique depuis 10 ans, c’est une autre affaire, particulièrement à cause de ma petite taille. Les hommes sont plus grands, se sentent donc plus forts, et ont parfois du mal à accepter d’être dirigés par une petite femme comme moi. Mais c’est aussi parfois leur manque de confiance en eux-mêmes qui les amène à contester mon autorité. Il faut donc faire preuve de beaucoup de patience, écouter et observer les gens pour mieux comprendre leurs réactions, bien expliquer ce que l’on veut et pourquoi, amener les gens à dire honnêtement ce qu’ils pensent, et discuter de façon à parvenir à une façon harmonieuse de travailler ensemble.

A la fin, c’est la compétence qui compte. Le fait que j’ai commencé la direction d’opéra après de très nombreuses années d’expérience sur scène est un atout. Par ailleurs, j’aime les défis et travailler avec les gens. Il faut aussi être attentif à traiter de la même façon tous les participants à la production, non seulement les musiciens, mais aussi les techniciens. En effet, l’opéra est un spectacle total, et il faut être attentifs à tous ses aspects : le décor, les costumes, la mise en scène et la manière dont les chanteurs jouent sont aussi importants que les aspects purement musicaux. Monter un opéra est un véritable projet multidisciplinaire.

 

Représentation de Carmen à L’Esplanade en 2019 (@SLO)
Représentation de Carmen à L’Esplanade en 2019 (@SLO)

 

Pensez-vous que le fait d’être une femme vous amène à exercer votre métier différemment de vos collègues masculins ?

En ce qui concerne la direction d’opéra, les femmes sont peut-être plus observatrices et plus attachées aux détails et aux connexions entre les personnages. Elles montent la mise en scène d’une manière ascendante à partir de ces éléments au lieu d’une approche descendante, partant de grands principes, que peuvent privilégier les hommes.

 

Quel a été l’impact de la COVID sur votre vie ces derniers mois ?

Sur le plan personnel, cela a été assez difficile, puisque je suis coincée depuis plusieurs mois à Hong Kong, où je travaille à l’Académie des arts du spectacle, alors que mon mari est à Singapour. Normalement je passais tous mes weekends à Singapour, où nous pensons nous installer à la retraite, mais ce n’est pas encore possible.

Sur le plan professionnel, j’ai continué à donner des leçons de chant via Zoom, mais les résultats ne sont pas brillants. Devant leur ordinateur et dans un appartement, les élèves ne se donnent pas autant qu’en présence physique de leur professeur dans un studio. Maintenant, les leçons en présentiel sont de nouveau possibles, et il y a beaucoup de défauts à corriger.

A la faveur d’une accalmie de la pandémie à Hong Kong en fin d’année dernière, j’ai eu la chance de pouvoir diriger une version complète des Noces de Figaro, avec une partie des chanteurs masqués et l’audience limitée à 50% de la capacité de la salle.

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