Singapour est un des pays qui a, à la fois, la longévité la plus grande et le taux de fécondité le plus faible. Face à cette situation, Singapour a lancé en 2015 la campagne « I feel young » qui vise à améliorer la vie des personnes âgées, tout en réduisant l’impact économique du vieillissement de la population sur le pays. Cette campagne, largement relayée dans les media, donne lieu à des plans d’action annuels, qui touchent des domaines très variés.
Une population qui vieillit assez rapidement
La plupart des pays développés voient leur population vieillir, mais Singapour est un de ceux ou cette évolution est la plus marquée. En 1970, seulement un Singapourien sur 31 était âgé de plus de 65 ans ; en 2015 ce rapport est passé de 1 sur 4 ; d’ici 2030, il passera de 1 sur 3. Comme ailleurs, ceci résulte de deux phénomènes : un allongement de la durée de vie, notamment dû à l’amélioration des conditions de vie et du système de santé (selon World Population Review, Singapour est aujourd’hui le 7ème pays avec une espérance de vie de 84.26 ans, bien devant la France 21ème avec une espérance de vie de 83.33 ans) et une baisse du taux de fécondité (selon la World Bank, avec un taux de fécondité de 1.1, Singapour est aujourd’hui bon avant dernier devant la Corée du Sud, alors que la France est championne de l’Union Européenne avec un taux de fécondité de 1.8). Cette situation, qui va conduire à une baisse relative de la population active et à une augmentation des dépenses de santé, est une des principales préoccupations du gouvernement singapourien pour l’avenir.
Une démarche participative et évolutive
Les objectifs initiaux de la démarche initiée en 2015 sont restés les mêmes : permettre aux personnes âgées de continuer à apprendre, se développer, pour qu’elles puissent atteindre leur potentiel maximum ; intégrer pleinement les personnes âgées dans une société qui les respecte et qui prend soin d’elles ; faire de Singapour un modèle mondial pour la manière de faire face au vieillissement de la population.
Le gouvernement a réuni les organisations volontaires œuvrant dans le domaine de la santé, le monde universitaire, les entreprises, et les leaders des communautés pour définir le meilleur environnement pour les personnes âgées à Singapour. Mais la démarche a également associé des Singapouriens de base : entre 2019 et 2021, 5000 citoyens ont participé à des discussions sur les plans d’action ; en 2021, un échantillon représentatif de 46 Singapouriens de tous âges a été constitué, pour proposer des idées innovantes sur la manière dont les personnes âgées pouvaient continuer à contribuer à la société.
Chaque année, le plan d’action est actualisé en fonction des retours du terrain et de l’évolution du contexte. Les diverses initiatives figurant dans le plan d’action 2023, qui peut être téléchargé à partir du lien figurant dans l’entête de cet article, peuvent être regroupées en trois grands axes complémentaires.
La responsabilisation des personnes sur leur propre futur
Cela commence par informer la population sur les préceptes d’une vie saine et l’encourager à les suivre : avoir un régime alimentaire équilibré, maintenir sa forme physique et mentale grâce à des exercices réguliers, et participer à des activités sociales. Cela est encouragé grâce aux diverses activités proposées dans des centres communautaires. La lutte contre le diabète qui affecte aujourd’hui 12% de la population singapourienne (contre 5% en France) fait par exemple l’objet de nombreuses mesures et campagnes d’information. Le suivi de chacun par un médecin de famille et des checkups réguliers permettent de prévenir les problèmes de sante et ainsi d’en limiter l’impact physique, émotionnel et financier.
Cela passe aussi par une meilleure préparation financière de sa retraite pour pouvoir mener une vie décente et indépendante le plus longtemps possible. Le CPF, qui gère le système de retraite public organise régulièrement des réunions d’information sur ce sujet. Même si le « Maintenance of Parents Act » permet aux parents nécessiteux d’obtenir un support financier de leurs enfants dans certaines conditions, on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Par ailleurs, des mesures budgétaires ont été adoptées pour élever le plafond de capital accumulable et la participation des entreprises pour les employés âgés. Le système CPF Life permet maintenant d’avoir une retraite à vie, basée sur le capital accumulé, à partir de 65 ans.
La contribution des personnes âgées à la société
Contribuer à la société le plus longtemps possible donne un sens à sa vie et participe donc au bien-être nécessaire à une vieillesse heureuse. Cela permet aussi d’améliorer le ratio de population active au sein de la société, d’autant que l’expérience accumulée par les personnes âgées au cours de leur vie peut s’avérer précieuse.
Du fait de son système de retraite par capitalisation, il n’y a pas à Singapour cet « âge de la retraite » minimum si cher au cœur des Français en ce moment. Le système singapourien comprend cependant 2 âges relatifs à la retraite : le « retirement age », aujourd’hui fixé à 63 ans, qui est l’âge au-dessous duquel un employeur ne peut pas vous mettre à la retraite unilatéralement, et le « reemployment age », aujourd’hui fixé à 68 ans, qui est l’âge jusqu’auquel un employeur est tenu de vous trouver un poste sous certaines conditions d’éligibilité. Mais l’employé a tout intérêt à travailler aussi longtemps que possible pour maintenir son niveau de revenu, accumuler plus sur son compte retraite et ainsi accroitre l’importance et la durée de sa retraite.
Pour faciliter la prolongation de l’emploi des personnes âgées qui le souhaitent, des subventions sont attribuées aux entreprises qui offrent des emplois à temps partiel et adaptés aux employés âgés, mais aussi aux personnes âgées pour les inciter à se reconvertir dans des métiers en ligne avec leur situation. Cela passe aussi par un changement de mentalité du monde du travail, qui doit valoriser l’expérience accumulée par les travailleurs âgés au lieu de les considérer comme des fardeaux.
Mais, même à la retraite, on peut continuer à contribuer à la société à travers des activités volontaires qui permettent de rester actifs. Plusieurs associations, soutenues par la puissance publique, offrent ainsi diverses activités aux personnes âgées, comme la formation ou le mentoring de personnes de tous âges, des activités culturelles comme servir de guide dans des musées, des bibliothèques, ou des quartiers, ou des activités de support aux personnes âgées ou handicapées, chez elles ou dans des établissements de soin.
Ces activités supposent souvent une formation qui va enrichir les compétences des intéressés. En outre, la formation peut être un but en soi, en cultivant l’agilité intellectuelle indispensable au maintien de la santé mentale, tout en réalisant des rêves inassouvis.
Le maintien d’un environnement communautaire favorable aux les personnes âgées
Cette intégration commence au niveau de la famille. Des activités et des formations sont mises à disposition des familles pour faciliter les relations intergénérationnelles, alors que la cohabitation de plusieurs générations sous le même toit tend à se réduire.
Certaines organisations proposent des formations gratuites aux techniques digitales qui deviennent de plus en plus indispensables dans la société d’aujourd’hui et dont l’ignorance peut constituer un handicap majeur pour l’intégration des personnes âgées. La proportion de personnes âgées de plus de 75 ans capables d’utiliser Internet est ainsi passée de 15% a 52% entre 2017 et 2021.
Des efforts sont faits pour rendre l’environnement plus accueillant pour les personnes âgées, avec la création de jardins thérapeutiques dans les parcs publics, l’installation d’ascenseurs pour accéder à des passerelles, l’accès en chaise roulante au maximum de lieux, ou l’offre d’appartements spécialement conçus pour des personnes âgées. Tous les transports publics sont maintenant accessibles aux personnes handicapées.
Si la capacité des maisons de retraite augmente régulièrement, les Singapouriens sont encouragés à rester chez eux le plus longtemps possible. Pour cela, les logements peuvent recevoir des équipements permettant aux personnes âgées de continuer à vivre chez elles en minimisant les risques d’accident et en permettant une intervention rapide en cas de problème. De nouveaux ensembles HDB sont spécialement conçus pour accueillir des personnes âgées dans un environnement favorable (équipement des appartements, salles communes permettant l’organisation d’activités diverses, support médical de premier niveau). Dans le même esprit, des rapprochements ont lieu entre des centres de support tournés vers les personnes âgées et vers les enfants.
Les personnes prenant soin de l’un de leurs parents à domicile sont l’objet de mesures de soutien, visant à les rendre plus efficace et à éviter qu’elles mettent en danger leurs propre santé. Une attention particulière est portée à la prévention et au traitement de la démence qui touchera 10% des personnes âgées de plus de 60 ans.
200 millions de SGD sont réservés à la recherche et développement de projets permettant une vieillesse active et heureuse
Plus de 30 projets ont déjà été identifiés dans trois domaines : l’accroissement de l’espérance de vie en bonne santé, l’allongement de la durée de vie productive, et le maintien des personnes âgées dans la communauté. Un exemple est le développement d’un outil d’intelligence artificielle permettant d’évaluer le degré de fragilité d’une personne, et de fournir des conseils personnalisés, tant à la personne elle-même qu’à celles qui s’occupent d’elle.
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