Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 1

L'agriculture au temps d’un Singapour rural

agriculture singapour vaches dans un preagriculture singapour vaches dans un pre
La campagne de Singapour a la veille de l’indépendance
Écrit par Jean-Michel Bardin
Publié le 16 septembre 2021, mis à jour le 16 septembre 2021

Avec aujourd’hui la troisième densité de population au monde, derrière Monaco et Macao, on a du mal à imaginer que, jusque dans les années 60, Singapour était un pays largement agricole.

Pourtant, il fut bien un temps où les cultures et l’élevage occupaient la majeure partie de l’ile. Cet article décrit l’évolution de l’agriculture de Singapour, depuis l’arrivée des Anglais au début du 19eme siècle, jusqu’au premières années de l’indépendance, moment où l’agriculture a été fortement bridée, au profit de l’industrialisation et de l’urbanisation. La semaine prochaine, un autre article décrira la renaissance ultérieure d’une nouvelle agriculture, intensive et innovante.

 

L’agriculture de Singapour, comme celle de la Malaisie, a longtemps été dominée par des plantations destinées à l’exportation

La population originelle de Singapour, les orang laut étaient plutôt des pêcheurs-cueilleurs. Avec l’arrivée des Anglais au début du 19ème siècle, et celle des immigrants d’autres pays d’Asie dans leur sillage, 3 types d’agriculture ont vu le jour avec des histoires et des succès variés.

 

deux personnes devant leur plantation
Une plantation de poivriers et de gambiers vers 1900 (copyright National Heritage Board)

 

Tout d’abord, il y a eu des plantations à investissements limités et à rendements rapides initiés par les Chinois : poivriers, gambiers, muscadiers, ananas. Ces plantations ont dominé le secteur agricole durant le 19ème siècle. Au début du 20ème siècle, des Français ont lancé la mise en conserve des ananas.

Ensuite, il y a eu des plantations à rendements plus lents initiées par les européens : caoutchouc et sucre à l’intérieur, et noix de coco sur les plages. La méconnaissance des méthodes de culture en climat tropical ont conduit à un démarrage difficile de ces plantations, qui ne se sont vraiment développées qu’à la fin du 19ème siècle.

A moindre échelle, il y a aussi eu des champs de coton, et même des rizières, comme le montre la carte ci-après dessinée par le français Jean-Baptiste Athanase Tassin en 1836.

 

carte des plantations singapour

 

Mais ces plantations ont souffert à partir des années 30. D’abord, la Grande Dépression a conduit à une forte diminution de la demande. Ensuite, durant l’occupation japonaise, les difficultés d’approvisionnements ont amené au remplacement de certaines plantations par des cultures destinées à l’alimentation locale.

 

ferme de 1904 a singapour
Une ferme en 1904

 

Après la seconde guerre mondiale, l’agriculture destinée à l’alimentation locale a pris le dessus

A côté de ces plantations tournées vers l’exportation, il y a toujours eu une agriculture destinée à couvrir les besoins alimentaires locaux : fruits, légumes, cochons, poulets, chèvres. Il y a même des vaches laitières à Singapour. Cette agriculture domestique a finalement été la seule à survivre après la seconde guerre mondiale. Elle s’est même développée en occupant les terrains laissés vacants par les plantations.

Au début des années 60, l’agriculture occupait encore plus de 20% de la surface de l’ile. Singapour était alors auto-suffisant pour ce qui concerne les œufs et la viande de porc, et produisait 80 % de la volaille et 60 % des légumes consommés localement. Il y avait aussi des élevages de poissons et de crevettes en eau saumâtre.

Enfin, en dehors de l’agriculture alimentaire, il faut noter une production significative d’orchidées.

 

A partir du milieu des années 60, l’augmentation démographique, l’industrialisation et le développement des HDB a réduit fortement le secteur agricole

Lorsque Singapour devient indépendant en 1965, l’agriculture est loin d’être une priorité pour le pays, qui voit sa population plus que doubler entre 1947 et 1970. Pour faire face à sa séparation de la Malaisie, qui le prive de matières premières et d’un marché intérieur, et au départ des Britanniques, qui se traduit par la disparition de milliers d’emplois, Singapour se lance dans une industrialisation massive. Pour donner aux habitant des conditions de vie plus saines et plus modernes, la construction des HDB et d’infrastructures publiques (routes, écoles, réservoirs, cliniques) est entreprise à marche forcée. Tout cela se fait bien sûr au détriment de l’agriculture : en 1970, les fermes n’occupaient plus que 134 km2 (22.8 % de l’ile), et, en 1980, 81 km2 (13% de l’ile). L’agriculture, qui ne représentait plus que 2% du produit national brut, s’est professionnalisée et les fermes ont été cantonnées dans des zones délimitées. Cela a aussi rendu possible la captation de l’eau de ruissellement dans les réservoirs pour sa consommation, ce qui était impensable lorsque l’élevage des cochons était répandu à travers tout le territoire.

Le mouvement de relocalisation dans les HDB a été un déchirement pour beaucoup de singapouriens qui, dans le kampong (« village » en malais) où ils habitaient, continuaient à élever des poules ou des cochons ou faire pousser des fruits et légumes pour améliorer leur ordinaire, à côté de leur emploi officiel “en ville”. En 1970, environ 175.000 personnes (9% de la population) dépendaient encore directement ou indirectement des activités agricoles ou de la pêche pour vivre.  Les autorités ont dû se battre pour éviter de voir des poulaillers se recréer dans les HDB. Apparemment, le sujet n’est pas clos, puisqu’en juin dernier encore, un homme de 50 ans a paru au tribunal pour élever 25 poulets dans son appartement HDB a Pasir Ris. Il n’est aussi pas rare de voir des familles de gallinacées se promener en pleine ville.

 

poule et coq dans la rue
Gallinacées en promenades à Kampong Glam (copyright WorldPress)

 

Une réminiscence de l’esprit agricole du kampong peut-être trouvée dans les jardins communautaires qui ont été lancés en 2005. Situés dans des espaces résidentiels publics ou privés, dans des écoles, ou dans des organisations, ils donnent aux singapouriens l’occasion de se rencontrer en pratiquant une activité, tout en amenant de la verdure dans la cité. Toutes sortes de fruits, légumes, ou fleurs y sont cultivés à petite échelle pour la consommation privée. Aujourd’hui, Singapour compte environ 1600 de ces jardins fréquentés par 40.000 passionnés. Dans le même esprit, a été lancée en 2016 des locations de lots de 2.5 m2 dans une vingtaine de parcs publics.

 

personnes dans un jardin communauraire
Un jardin communautaire au pied des HDB (copyright Nparks)

 

Sujets du moment

Flash infos