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COOPERATION SCIENTIFIQUE – Les nouvelles technologies au service de la personne.

Mounir Mokhtari, directeur deIPALMounir Mokhtari, directeur deIPAL
Pr. Mounir Mokhtari, directeur du laboratoire franco-singapourien IPAL
Écrit par Cécile Brosolo
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 7 avril 2017

Directeur du laboratoire franco-singapourien IPAL (Image & Pervasive Access Lab), le Pr. Mounir Mokhtari mène des recherches dvillans le domaine des aides technologiques au service de la personne. Zoom sur le projet « City4age » pour définir un modèle villes intelligentes adaptées aux personnes âgées fragiles ou en situation de dépendance, qui améliorent la qualité de vie au quotidien et facilitent l'action des services sociaux et de santé.

 

 

LPJ ? Quels sont les axes de recherche et les enjeux de « City4age » ?

Pr. Mounir Mokhtari ? Aujourd'hui, en Europe comme à Singapour, la population vieillit et le nombre de personnes âgées dépendantes est en forte hausse, alors même que la main d'?uvre qualifiée qui peut s'occuper de ces personnes a diminué de façon significative. La prise en charge rime souvent avec placement en institution. Notre but est de maintenir l'autonomie de ces personnes à domicile et dans la ville, d'améliorer leur qualité de vie, et celle des aidants naturels (famille, amis, ?) par l'intégration de technologies non intrusives et simples à utiliser au quotidien. 

Il s'agit de développer des systèmes technologiques qui vont permettre d'inciter les personnes âgées fragiles à rester plus actives, de renforcer le lien social et de prévenir les risques. Le principe est d'équiper l'habitat d'aujourd'hui de capteurs et de systèmes d'information et de communication non intrusifs, et de créer des interfaces utilisateurs très simples avec les objets du quotidien, du type smartphone, écran de télévision, tablette, etc. pour aider les personnes dépendantes dans leur vie de tous les jours.

LPJ ? Quels sont les principaux challenges pour la recherche ?

MM ? Le premier challenge est d'identifier le comportement ordinaire de la personne, de connaître ses habitudes, afin de pouvoir détecter les changements qui pourraient être reliés à une déficience motrice ou cognitive. Cela passe par la collecte des multiples informations disponibles, par les objets connectés et les habitudes de vie, que nous modélisons pour définir un « profil utilisateur ».

Ensuite, il s'agit d'interpréter les données reçues et de fournir un service à la personne. Notre objectif n'est pas de surveiller les gens, mais d'identifier des zones d'intérêt précises (avoir des loisirs, faire ses courses, participer à des activités physiques) et d'encourager la personne à aller vers ces centres d'intérêt pour éviter un isolement et, par conséquent, la dégradation de la qualité de vie, voire de la santé.

Nous utilisons pour cela les outils de décision et d'apprentissage des systèmes, le Machine Learning ou Semantic Web. C'est le même principe, si vous voulez, qu'utilise Google pour vous proposer des résultats de recherches adaptés (théorie des graphes), avec une difficulté supplémentaire dans notre cas, liée au facteur humain. Il s'agit en effet de faire une interprétation subjective de données comportementales avec des machines qui ont une interprétation logique. Mais c'est aussi ce qui fait l'intérêt de ce projet, outre l'enjeu sociétal fort. Nous travaillons avec des médecins, des psychologues, des ergonomes, des spécialistes des usages, des sciences humaines et sociales, etc.

LPJ ? Pouvez-vous nous donner quelques exemples simples de mise en oeuvre ? 

city4age
MM ? Pour l'aide au maintien du lien social et de l'activité, prenons l'exemple d'une personne âgée qui a l'habitude d'aller à son Community Centre rencontrer ses amis et de prendre ses repas au food court. Si le système détecte que la personne réduit ses sorties à l'extérieur du domicile, il va générer une information à la personne pour la motiver à sortir à nouveau. Comme par exemple « Vos amis sont actuellement au food court et ils vont prendre le repas, vous devriez les rejoindre ». Le système peut aussi notifier en même temps les amis sur leur mobile que la personne n'est pas sortie depuis longtemps, et leur suggérer par exemple de lui rendre visite.

En ce qui concerne les personnes âgées qui souffrent de déficience cognitive, nous agissons sur les principales fonctions affectées, qui sont les activités simples de la vie quotidiennes telles que le sommeil, l'hygiène, la prise des repas, et les risques de chute. Nous installons par exemple des capteurs de mouvements dans les pièces pour détecter une éventuelle chute. Nous équipons les lits de capteurs fibres optiques afin de gérer la respiration et le rythme cardiaque pour dépister des potentiels troubles du sommeil, apnées respiratoires ou risques cardiaques sans gêner les personnes dans leur repos. 

LPJ ? Vers un déploiement à Singapour ? 

MM ? Notre recherche est fortement appliquée, proche de l'industrie et dans une optique de déploiement rapide vers l'utilisateur. Les solutions développées en laboratoire sont éprouvées dans un appartement témoin, puis par des tests cliniques. En ce moment, nous effectuons des tests au Khoo Teck Puat Hospital pour valider nos solutions non intrusives de gestion du sommeil.

Six sites pilotes ont été choisis pour valider in situ le déploiement de City4age, dont Singapour pour le test du maintien du lien social et de l'activité des personnes âgées , via les Community Centre dans les HDB. La cible est un groupe d'une vingtaine de personnes de plus de 70 ans en situation de fragilité, souffrant de troubles cognitifs légers, intégrées dans leur communauté et fréquentant un Senior Activity Centre. Le test implique également des volontaires qui aident les personnes âgées dans leur communauté.

LPJ ? Quel est votre parcours à Singapour ?

MM ? Mes recherches ont portées essentiellement sur le domaine des technologies au service de la personne en situation de dépendance. Je suis venu pour la première fois à Singapour en 2004 à l'occasion de la conférence ICOST (International Conference On Smart homes and health Telematics) que j'organisais sur cette thématique.

J'ai alors découvert un écosystème scientifique bouillonnant que je ne connaissais absolument pas (les yeux étaient plutôt tournés vers les USA et certains pays Européens à cette époque). J'ai été très agréablement surpris par le dynamisme ambiant, les infrastructures en place et la création de nouvelles structures à un rythme effréné, et surtout un pays très actif sur des thèmes de recherche technologiques nouveaux.

J'ai continué d'échanger avec Singapour depuis et j'ai finalement décidé de rejoindre le laboratoire IPAL, par une mise à disposition de l'Institut Mines-Télécom depuis 2009. J'ai pris la direction du laboratoire IPAL en 2015 pour développer cet axe de recherche.

LPJ ? Quelle est votre vision du programme MERLION ?

MM ? Le PHC MERLION[1] est très pertinent et intéressant pour la création de nouvelles équipes. Il y a eu un effet de levier incontestable de la diplomatie française et de MERLION dans le lancement de projets et dans la consolidation des collaborations avec nos partenaires.

Le programme apporte un cadre qui créé des opportunités et favorise les échanges entre chercheurs, les participations à des conférences internationales et contribue ainsi à l'émergence de nouvelles collaborations. Sans le programme MERLION, par exemple, nous n'aurions pas pu créer, en 2009, le colloque SINFRA (Singaporean-French Simposiums) qui est devenu un rendez-vous biennal majeur et pérenne pour le laboratoire IPAL. Aussi, la thématique des « Inclusive Smart Cities and Digital Health » a été initiée au sein de IPAL grâce à un projet MERLION, porté par le Dr. Dong Jin Song qui est aujourd'hui co-directeur de IPAL pour NUS.

Outre le support diplomatique et financier, l'Ambassade participe à l'activité d'IPAL, avec la mise à disposition à mi temps d'un de ses agents au sein de notre équipe projet.

 

LPJ ? Avez-vous des projets de collaboration à venir ?

MM ? Nous envisageons une nouvelle collaboration entre IPAL avec l'Université de Bordeaux, spécialiste en sciences humaines et sociales, pour une étude comportementale afin de nous aider dans nos recherches actuelles. Nous pensons postuler pour un Merlion Projet afin d'initier cette nouvelle collaboration. Il est vrai que la dimension Sciences Humaines et Sociale, malgré son importance dans le domaine du bien-être des personnes âgées et leurs entourages, n'est pas encore développé dans le laboratoire. Cette proposition PHC Merlion pourrait avoir le même effet de levier que précédemment.

Au delà du projet Européen City4Age, IPAL viens de signer un convention de collaboration recherche avec PSA Peugeot?Citroën sur les aspects mobilité dans la ville et bien-être avec une focus sur la gestion des maladies chroniques, comme le diabètes et les maladies respiratoires. Aussi un projet NRF (National Research Foundation), dirigé par Dr. Nizar Ouarti membre de IPAL, est en cours avec NUS (National University of Singapour) sur les aspect robotique mobile et vision.

 Propos recueillis par Cécile Brosolo (www.lepetitjournal.com/singapour), Lundi 17 octobre 2016.

 


[1] Le PHC MERLION est le programme de coopération scientifique franco-singapourien. Piloté par le service scientifique de l'Ambassade, il initie et favorise les échanges entre laboratoires de recherche des deux pays en finançant la mobilité des chercheurs. Depuis sa création en 2006, près de 180 projets ont été soutenus.

 

En Bref : Le laboratoire IPAL - Image & Pervasive Access Lab

IPAL

Créé en 1998, IPAL est le premier laboratoire de recherche bilatéral franco-singapourien basé à Singapour. Il est devenu, en 2007, une Unité Mixte Internationale (UMI) du CNRS, le plus haut niveau d'excellence scientifique et de collaboration internationale du CNRS, et a renouvelé sa convention UMI en 2011 puis en 2015.

Ce laboratoire est constitué par 6 partenaires : NUS (National University of Singapore) et I2R (Institute for Infocomm Research) de A*STAR (Agency for Science, Technology and Research) côté singapourien, et le CNRS, l'Université Grenoble Alpes, l'Institut Mines-Télécom, et l'Université Pierre et Marie Curie côté français. En 2015, IPAL a intégré 2 partenaires associés qui sont BII (Bio Informatic Institute) de A*STAR et l'Université de Toulouse.

IPAL est spécialisé dans la conception de réseaux intégrés d'échange de connaissances et d'informations, l'analyse de données (big data) et les systèmes de gestion de flux pour l'Internet des Objets intelligents, pour l'application au domaine des « Inclusives Smarts Cities & Digital Health » : santé numérique, amélioration de la qualité de vie et intégration des personnes âgées fragiles et dépendantes dans nos sociétés.

IPAL et le PHC MERLION :

IPAL s'est intéressé au dès le début au PHC MERLION et a obtenu tous les types de soutiens MERLION depuis sa création en 2006 :

 

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