Honneur au talent brut couplé d'intuition, d'élégance et d'humilité chez Nicolas, le restaurant, français et fameux; profusion de couleurs et d'épices pour honorer le meilleur de la cuisine peranakan chez Candlenut; enfin, raffinement artistique, délicatesse et légèreté pour une interprétation majestueuse de la gastronomie cantonaise chez Jade, au Fullerton.
NICOLAS, le restaurant: cuisine française raffinée et originale, tout en délicatesse et discrétion par un chef aussi talentueux que modeste. Un bijou.
Petite salle accueillante aux murs peints dans des tons chauds et soutenus. Tables dressées avec soin, simplicité et élégance. Un ?je ne sais quoi? qui fleure bon l'auberge gastronomique à l'orée de la forêt, quelque part en Bourgogne, avec un service de table tantôt provençal/terre cuite, tantôt sobre et minimaliste qui fait écho aux vases rouges emplis de bouquets type ikebana japonais ? pour honorer l'Asie qui nous accueille.
Nicolas Joanny aurait du être médecin ou ingénieur, comme tout le monde dans sa famille. Il bifurque tardivement vers la cuisine, par vocation. Il a raison. Il est naturellement doué, respectueux de la tradition culinaire française (lettres de noblesse acquises dans quelques étoilés: Taillevent, Le vivarois? et à Matignon, Chef d'Alain Juppé, alors Premier ministre?) tout en restant curieux de la diversité culturelle à laquelle il emprunte astucieusement quelques ingrédients choisis. Peu de crème, plutôt des jus naturels et des émulsions. Le résultat est enchanteur.
Carte suffisamment variée pour y trouver son bonheur, savamment contenue pour ne pas s'y perdre en conjectures angoissantes. Compter $25-40 le plat à la carte. Deux propositions pensées avec justesse pour le déjeuner: $42 (3 plats) et $68 dégustation (5 plats). Pour le dîner, choix entre 3 menus: $78 (4 plats à choisir à la carte), $98 dégustation (6 plats) et $128 dégustation (8 plats; sur commande spéciale).
Notre recommandation: les menus dégustation. Le chef y exprime magnifiquement sa sensibilité et sa créativité. Détail gourmand: pain de campagne brun maison, beurre salé et huile d'olive vierge sur toutes les tables. Evidemment et divinement irrésistibles?
Dès l'arrivée des amuse-bouches, le palais pétille de plaisir: bouchée foie-gras maison mi-cuit sur pain brioché maison: chaud, extérieur croustillant, intérieur moelleux, puis jaune d'?uf à la coque de Nouvelle Zélande, cuit à la vapeur, petite sauce au vinaigre de Xérès harmonisée avec un nuage de crème et quelques gouttes d'huile d'olive, le tout accompagné d'une fine bruschetta tomate/jambon de Parme. On a tellement bien fait de venir!...
Deux entrées méritent notre attention déjà émoustillée: crevette de Madagascar et calamar espagnol à peine grillés, léger curry au vadouvan (épice particulière des Antilles et de la Réunion, douce et subtilement astringente et sucrée) sur lit de quinoa, fine tuile à l'encre de seiche? en forme de poisson: originalité, raffinement, délicatesse. La plénitude aromatique de la fricassée de Saint Jacques et crevette, espuma de maïs et bisque de crevette, caresse les sens et aiguise notre curiosité de gourmet.
Le plat qui suit représente l'expression achevée de l'intégration internationale d'une recette classique française: pigeonneau de Bretagne rôti rosé à c?ur, tomates du Languedoc braisées et le clou de ce mets délicat: consommé de champignons shitaké séchés au goût fumé qui évoque la truffe. Finesse et originalité absolues. Enfin, le carré d'agneau rôti lentement façon confit avec petites pommes de terre rattes et concassée de champignons porto Bello aux pignons de pin: on peut ajouter quelques tours de moulin à poivre et le plaisir devient extatique?
Le plateau de fromages est digne d'un grand restaurant; on regretterait de s'en priver. Le brie truffé et le reblochon ?faits? à point en sont les vedettes. Ultime pointe de créativité et d'originalité: la petite purée d'aubergines à l'anis étoilé et soupçon de cannelle pour accompagner les fromages. Unique et délicieuse. Le chef propose un vin de Porto 1990 pour sublimer toutes ces saveurs: ?pro? jusqu'au bout.
Nous ne citerons qu'un dessert signature qui exprime l'esprit de la maison: sorbet de mangue, tartelette fine aux pommes caramélisées, fameux cookie de raisins secs ultra léger et crème fouettée de mascarpone aux perles de chocolat noir? Un petit Beaume de Venise pour exalter le tout en option.
Même la chute est mémorable: mignardises maison délectables.
On l'aura senti d'un bout à l'autre: le parcours gustatif nous a inspiré et fait vibrer de plaisir. Chef Nicolas gagne à être connu et reconnu. Le personnel est à l'image du chef: attentionné, discret, professionnel et affable.
Une récréation gastronomique haut de gamme et unique, à un prix plus que raisonnable pour la qualité, qui convient autant pour un déjeuner d'affaires que pour une occasion privée. On prévoit déjà d'y retourner !
NICOLAS, le restaurant- 5, Teck Lim Road- T: 6224 2424 - Mrt: Outram Park.
CANDLENUT: Peranakan flamboyant, moderne, élaboré et richement épicé. La seule étoile Michelin de Singapour dans sa catégorie. L'essence de la ?Straits Chinese cuisine?. Une des perles de Dempsey.
Le groupe Como, qui possède Candlenut, est puissant et ambitieux. Il lui offre un nouvel espace de rêve à Dempsey pour s'exprimer: une vaste bâtisse qui évoque une grange coloniale Black and White modernisée et stylisée qu'il partage avec un restaurant-café d'inspiration française et une boutique semi épicerie fine asiatique, semi objets de déco plutôt chinois contemporains. Pas de séparation dans le bâtisse: c'est un grand ?open plan? et l'on ne sait pas bien où se trouve ce que l'on cherche; alors on demande. Candlenut à droite et Cookhouse and bar à gauche. La boutique au milieu. Sérieux brouhaha incessant, chaleureuses lumières orangées et une multitude d'objets symbolisant la vie dans les anciens kampungs (petits villages), : cages à coq de combat, paniers en osier et en pandanus, vases chinois, abat-jours en paille.
On remarque les sols typiquement peranakan: carreaux peints dans les tons vert et bleu. C'est charmant.
?Take five? de Dave Brubeck en musique de fond rétro, jure un peu avec le décor, mais s'en lasserait-on un jour?!
C'est joli, décontracté, stylisé et le service est parfait: douceur, connaissance des plats, conseil, efficacité.
Le menu Ah-ma-kase est la recommandation ultime. Clin d'oeil au concept japonais omakase: le choix du chef Malcolm Lee: pour faire le tour le plus complet de la cuisine peranakan. 4 entrées et 6 plats en petite quantité, plus un dessert. C'est une dégustation, mais on nous apporte presque tout en même temps! Dommage car les 6 plats chauds refroidissent vite. Mais c'est la tradition asiatique des multiples plats à partager ($88).
Ici, TOUT est épicé. Fort en goût et plutôt ?piquant?? On retrouve presque toujours un arrière-goût de sauce aigre-douce d'ail confit, curry, laksa.
En entrées, nos coups de c?ur sont les satays d'échine de porc Korobuta, marinés dans un mélange de 15 épices et caramélisés: côté saveurs épicées, ?ça déménage!??; et les boulettes de crevettes frites puis badigeonnées de gula melaka et de citron vert: puissant, profond et étonnamment subtil.
Parmi les 6 plats, on recommande de gérer ?le feu? au palais: garder la salade et le bouillon pour la fin, afin d'apaiser ponctuellement les flammes si nécessaire?
Il y a un curry de canard rôti aux feuilles et poudre de curcuma (turmeric), richement épicé et pas du tout sucré; un filet de red snapper aux mini piments rouges (les plus ?virulents?!), ail et échalotes braisés: carrément ?hot?; un plat de boeuf Wagyu en lamelles, poêlées, sauce forte (un peu trop?) à base de crevettes séchées et feuilles de laksa; crevettes royales aux piments verts et feuilles de Kaffir lime.
Se rincer le palais avec la petite soupe ?claire?: bouillon de fruits de mer fortement marqué de citron kalamansi, crevettes, crabe et pousses de bambou; et terminer par une salade verte parsemée de lamelles de radis noir et de cacahuètes, assaisonnée de citron vert, kalamansi et? un soupçon de ?fish sauce?.
Vous aurez fait le plein d'épices et de saveur typées laksa. C'est riche, joliment présenté. Parfois un peu? répétitif comme saveurs prégnantes de base.
Les desserts: mention très bien pour l'originalité par rapport aux traditionnels Kuehs multicolores aux saveurs incertaines? Ici, les saveurs sont franches et variées; les recettes sont souvent des créations du chef, bien inspiré!
Délicatesse du menu: un pré-dessert qui justifie à lui tout seul le choix du menu: sorbet de fruit du dragon, jus de fleur de sureau (elderflower) et gelée de graines de basilic... Créatif, doux, aromatique? Un délice.
Le dessert signature est une glace au Buah Keluak avec un subtile soupçon de piment rouge et duo de chocolat Valrhona: concassé/ espuma (sorte d'émulsion). Le buah keluak est un fruit local de Malaisie, ressemblant à une grosse noix qui est mortelle si l'on la consomme crue et requiert une technique de marinade de 30 jours pour devenir consommable. Alors, ses arômes sont uniques. Seuls les chefs avisés et les Nonnyas aguerries savent utiliser ce trésor aromatique.
Il n'y a pas d'autres ?set menus? en dehors du Ah-ma-kase. A la carte, compter $12-18 pour les entrées, $22-48 pour les plats et $14-15 pour les desserts.
Pour découvrir la cuisine peranakan dans toute sa noblesse, exprimée par un grand chef amoureux de sa culture, c'est l'expérience gustative à ne pas manquer. Affinité minimale avec les épices conseillée?
CANDLENUT- Block 17A, Dempsey Rd- T: 1800 304 2288
JADE: cuisine cantonaise d'une extrême finesse, dans un cadre redécoré tout en vert pâle et blanc: la perle orientale du majestueux Fullerton.
Douceur apaisante, havre de sérénité, élégance féminine: le nouveau style de Jade rompt avec les classiques chinois sombres, dorés et laqués. Tout est délicat; les tons pastels (vert d'eau, gris clair, rose pâle? comme la pierre de jade!) et les motifs d'oiseaux et de fleurs des tapisseries et des assiettes de présentation, évoquent des estampes anciennes. Les tables rondes et confortablement espacées appellent à la discussion. Chic, grâce et style.
Cette harmonie féconde, le chef Leong Chee Yeng la traduit dans sa cuisine: la tradition cantonaise s'affranchit des lourdeurs inutiles et assimile les accompagnements frais et légers (fruits, légumes) pour contrebalancer piment, ail et autres épices. Ce n'est pas un novice: il a monté et tenu le meilleur restaurant chinois de Dubaï avant 2006. Sacré personnage, artiste complet: potier, céramiste et dessinateur, autant que chef, il crée les assiettes comme il produit ses ?uvres: avec c?ur , talent et sobriété stylée. D'ailleurs, le restaurant regorge de ses vases, pots et sculptures splendides de détails et de couleurs. C'est extraordinaire. Il est toujours ravi de les montrer. Ne pas hésiter à demander?
Déjeuner: 9 menus très différents à $58, 68, 88, 128 avec une déclinaison végétarienne pour chacun, ainsi qu'un menu exclusivement dim sums à $58 (à la carte, compter $5.80-8.80 par plat de dim sums)
Dîner: 3 menus exclusifs à $68, 88, 128.
Evidemment, les ingrédients sont de qualité suprême et chef Leong excelle dans l'art de la cuisson: textures et saveurs s'entremêlent avec harmonie et grâce.
Mention spéciale pour la décoction maison qui accompagne merveilleusement tous les menus: invention inspirée de chef Leong, mélange de thé vert et d'une multitude de fleurs et autres plantes.
Quelques délicatesses particulièrement brillantes parmi tant d'autres (le choix est vaste?): le traditionnel pork belly aux trois textures distinctes: viande maigre à la base, viande un peu plus grasse au milieu et couche supérieure: peau grillée, croustillante à souhait: il n'y a que de la viande à déguster ici. Ferme, goûteuse et pas grasse. Pour nous, c'est souvent une épreuve? mais ici, c'est un plaisir. Soupçon de moutarde de Dijon en prime?
Le Lamb Char Siew remplace le traditionnel porc ou poulet Shar Siew (servi avec du riz ou des noodles). Char Siew indique une marinade d'abord, puis une cuisson au grill légèrement caramélisée ensuite. Ici, la viande est tendre, maigre et rosée et accompagnée d'un mélange inédit concombre/ananas tiédi: c'est très fin.
Le clou de notre dégustation est sans doute le filet de b?uf Wagyu au poivre noir et aux éclats d'ail caramélisé, sur un lit de poivrons et aubergines, cuisson au wok. Présentation comme un trèfle à quatre feuilles dans l'assiette. Evocation fulgurante d'un barbecue ?romantique? en Provence? Fameux.
Enfin, la langouste divinement cuite, fondante, tiède, délicate, sauce piments doux caramélisés, et nid de noodles est le couronnement d'une saga gustative émouvante.Les afficionados de dim sums seront aux anges: originaux, savamment préparés, avec une pointe de créativité et de raffinement, comme par exemple, le ?bun? chaud farci d'un émincé de porc sauce aigre douce parfumée à la feuille d'osmanthe ou à l'abalone en ragoût?
Chef Leong joue assurément dans la cour des grands, sans esbroufe ni maniérisme excessif. Affable, passionné, sensible, spirituel? tout ce qu'il est se traduit dans son interprétation moderne, allégée et raffinée de la tradition culinaire cantonaise. Le service est attentionné, discret, stylé. Peut-on attendre moins du Fullerton ?
Repas d'affaire, moment de curiosité épicurienne entre amis ou en famille, c'est une des grandes et belles tables de Singapour et sans doute, l'une des plus réussies en matière d'esthétisme cosmopolite orient/occident.
JADE - The Fullerton Hotel ? 1, Fullerton Square ? T: 6877 8188 ? Mrt: Raffles Place