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UN CHEF, UNE RECETTE : BRANDON FOO OU UNE APTITUDE AU BONHEUR

Brandon FooBrandon Foo
Chef Brandon Foo
Écrit par Michèle Thorel
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 28 septembre 2017

Ce qu’il aime à l’école, c’est le plaisir de partager, de communiquer, de donner. Dans le contexte académique ultra-académique et compétitif de Singapour, le jeune Brandon Foo part au service militaire à 18 ans sans aucune idée “conventionnelle” de parcours professionnel. Ses parents, d’origine modeste, n’auront guère les moyens de le pousser et il le sait.

À 20 ans, son service accompli, il est doué en amitié et… en cuisine. Le meilleur chicken-rice de son hdb!

L’audace inconsciente et désintéressée de la jeunesse, la pureté d’un tempérament généreux et confiant, ainsi que la résilience feront le reste.
 

Brandon Foo, comment avez-vous atterri dans une cuisine, sans formation, sans préméditation?

Brandon Foo - Hasard et inconscience! À 20 ans, je ne savais pas grand’chose, mais j’avais compris que je devais trouver “ma” voix pour être heureux. Le hasard finalement fait souvent bien les choses car il m’a catapulté dans la cuisine d’une chaine de restaurants “américains/new-yorkais” proposant les premiers Cheesecakes à Singaour. Le chef était français. 

La naissance d’une vocation?

Oui. Enfin, je crois. En tout cas, la certitude que je me sentais naturellement bien dans une cuisine professionnelle. J’étais aux “desserts”. Petite main uniquement. J’épluchais et coupais les fruits, remplissais les coupes de glace et battais les oeufs! J’adorais l’ambiance de la cuisine et le ballet incessant de ces “abeilles” bourdonnantes qui effectuaient leur tâche inlassablement, autonomes et si puissamment concentrées sur un objectif commun: une assiette parfaite!

Le sous-chef m’a repéré car je ne rechignais à aucune tâche et que j’apprenais vite. J’étais “mordu”. J’étais dans mon élément et ma curiosité était inhabituelle, me disait-il, pour une “petite main”… Il voulait dire, un sous-fifre. Il m’a présenté à l’un de ses amis, Patrick Heuberger, alors chef exécutif du “Petit Salut”, très en vogue à Singapour à ses débuts en 2006.

Passer à la cuisine française à Singapour: challenge et/ou opportunité professionnelle?

Les deux, je pense. Cela s’est juste fait naturellement… comme tout ce qui m’arrive. Ça a “collé” instantanément avec Patrick, qui m’a embauché au Petit Salut. J’ai tout recommencé à la base en cuisine. Eplucheur, commis, homme à tout faire… C’est la meilleure école. J’ai appris les fondamentaux de la technique française, la sophistication des cuissons, l’univers des sauces, des jus, la délicatesse des terrines, pâtés et autres poids lourds de la tradition française.

Patrick Heuberger a été mon premier mentor et ma source d’inspiration. Je l’admire toujours beaucoup. Mon plat signature, la joue de boeuf braisée, sauce au vin rouge, dite bourguignonne, vient de lui. C’est toute la richesse de la cuisine bourgeoise des terroirs! J’ai eu l’honneur de travailler aussi chez Guy Savoy avant la fermeture, ici, à Singapour. J’ai affiné certaines techniques, appris la rigueur monacale de la perfection tous azimuths, mais cela n’a pas été la révélation que vous pourriez imaginer. La majorité de mon savoir-faire, c’est au Petit Salut que je l’ai acquise. J’avais eu un excellent mentor et c’est alors que je m’en suis aperçu.

Comment les singapouriens perçoivent-ils votre cuisine, purement française, si riche et aux saveurs étranges pour eux ?

Incroyablement bien. Je suis toujours surpris de leur curiosité et leur attrait pour les charcuteries denses et goûteuses comme les rilletes d’oie ou de canard, les terrines au foie gras et aux coeurs d’artichauts, les pâtés en croûte, les plats en sauce, et… les fromages! Nous nous fournissons quasi exclusivement chez Alléosse à Paris. Le choix est limité, mais la qualité est au top niveau. Et qui dit qualité en matière de fromages, dit bien affiné. Donc riche, puissant au palais. Les singapouriens adorent!

Pensez-vous que la cuisine traditionnelle locale disparaisse petit à petit, au profit de plats occidentaux et notamment français ?

Non. Ouverts a monde et vivant dans une ville cosmopolite, voyageant davantage, les locaux s’habituent et ont éduqué leur palais pour apprécier une bonne rillette accompagnée de pain de campagne et d’un bon petit Côte de Provence… Mais chez eux, au quotidien, ils reviennet à leur “comfort food”, les plats simples avec lesquels ils ont grandi: leurs noodles, leur riz, leur soupe. Même moi, je ne peux m’en passer! C’est la même chose pour les occidentaux qui dînent souvent asiatique… Il suffit de voir le développement des sushis bars ici comme d’ailleurs, partout en occident! Ils se régalent dans un indien, un cantonais, un thai… de temps en temps. Mais 90% du temps, chez eux, en famille, ce sera d’inspiration française.

Comment sentez-vous évoluer la scène gastronomique singapourienne ?

Vers davantage d’authenticité. La mode fusion a connu son heure de gloire, mais l’on revient vers des tendances plus puristes. Cela ne signifie pas, classiques, conventionnelles, ennuyeuses etc… Cela signifie que l’on ne “maquillera” pas la sauce au vin rouge avec du chilli ou du wasabi, pour lui donner une “touche exotique”… mais que le chef inspiré peut inventer un plat à partir d’une base classique, décliner une recette en y incorporant des ingrédients nouveaux. Gunther et Julien Royer (Odette) sont excellents pour cela.

Mais moi, au Bistrot du Sommelier, je propose du français pur et dur.

Où sera Brandon Foo dans 10 ans, idéalement ?

Dans un endroit paisible, où la nature est grandiose et généreuse. Nouvelle Zélande peut-être… J’aurai développé ma marque de produits de traiteur et d’aides à la cuisine. Je voyagerai et je pourrai guider, conseiller, former de jeunes chefs.

Pas de restaurant à vous, alors ?

Pas nécessairement. J’adore ma vie en cuisine actuellement. Je ne me donnerais pas davantage si c’était mon restaurant. En participant au Sirha 2017 (Bocuse d’Or catégorie traiteurs), j’ai réalisé que je m’épanouissais dans le travail en équipe, que l’entraide en moment de stress était un de mes points forts. J’aime créer, être sur des projets… Je ne dis pas non à un restaurant. Ce n’est juste pas l’unique et ultime but à ce jour.

La vie est… merveilleuse pour moi. J’aime ce que je fais. Les gens m’aiment pour ce que j’aime et ce que je leur donne. Tout m’arrive simplement, naturellement. Alors, dans 10 ans, “ça” arrivera, comme cela doit arriver. Et ce sera bien.

Brandon Foo, merci pour cette leçon de bonheur!

 

Rillette de maquereaux, par Chef Brandon Foo

Rillettes maquereaux Chef Brandon Foo

Entrée pour 6 personnes.

Ingrédients:

  • 2 maquereaux entiers, frais ou les 4 filets seulement
  • 100g d’échalottes finement émincées
  • 100g de vin blanc sec
  • 150ml de vinaigre de vin blanc
  • 1 feuille de laurier
  • 2 brins de thym frais
  • 500 g de fromage blanc
  • 1 citron jaune
  • sel, poivre
  • Estragon et aneth pour la décoration finale.

Bouillon de légumes pour la cuisson des maquereaux, pochés:

  • 1 carotte
  • 1 oignon
  • 1 branche de céleri
  • 3 gousses d’ail
  • 10 g de poivre noir en grain
  • 2 feuilles de laurier
  • 2 brins de thym frais
  • 100ml de vinaigre de vin blanc
  • 2 litres d’eau
  • 1 grosse pincée de gros sel

 

Préparation:

  1. Commencer par le bouillon de légumes. Verser tous les ingrédients dans une grande casserole; couvrir; amener à ébullition; diminuer le feu et laisser mijoter semi couvert pendant 1 heure minimum.

  2. Emincer les échalottes finement; les verser dans une petite casserole avec le vin blanc, le vinaigre de vin blanc, le thym et le laurier; amener à ébullition puis à petit feux, laisser mijoter à découvert jusqu’à ce que les échalottes soient transparentes et le liquide réduit des ¾. Poser alors la casserole sur un lit de glaçons afin de stopper la cuisson. Réserver.

  3. Si les maquereaux sont entiers, les préparer en filets. Bien rincer. Les plonger dans le bouillon de légumes (qui a déjà cuit pendant 1 heure minimum) et les faire pocher pendant 20 minutes à feux doux. Retirer les filets et enlever la peau pendant tant qu’il sont encore chauds. Les placer dans un récipient et les laisser refroidir quelques minutes.

  4. Ecraser les filets à la fourchette doucement, ajouter les échalottes cuites, les zestes du citron (et si l’on aime les notes acidulées, ajouter le jus), le fromage blanc, sel et poivre selon vos préférences.

  5. Juste avant de servir, verser un filet d’huile d’olive et les herbes fraiches (estragon ciselé et aneth).

  6. Accompagner avec un bon pain de campagne à la croute solide et craquante et un verre de “La vie on y est” 2016 (millésime superbe), domaine Gramenon (pionnier des cultures et procédés Côte du Rhone), vin biodynamique 100% Viognier, gourmand aux arômes de fuits, qui apporte fraîcheur et finesse. On peut (on devrait) également se laisser séduire par l’équilibre frais et guilleret du Château Plaisance blanc, 100% Chenin, 100% Biologique Fronton.

 

Bonne dégutation!

 

 

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