Édition internationale

Raconte-moi Singapour en un objet...Les tasses du kopitiam

Dans cette série, Lepetitjournal.com vous invite à dessiner un portrait de Singapour à travers un objet emblématique qui raconte l’histoire de la cité-état autant que le quotidien de ses habitants. A l’approche des 60 ans des relations diplomatiques entre Singapour et la France, laissez-vous surprendre par ces objets qui ont tant à nous dire sur Singapour…

les tasses de kopitam à Singapourles tasses de kopitam à Singapour
Écrit par Marie-Aude Brochec
Publié le 7 mai 2025, mis à jour le 15 mai 2025

 

 

Les Singapouriens sont de grands amateurs de café et la cité-état offre un beau choix de lieux, de styles, de goûts et d’ambiance. Il y a bien sûr le géant américain au logo si reconnaissable, présent dans 77 pays du monde mais aussi des petits cafés branchés avec quatre places au comptoir sur des tabourets hauts, playlist pour initiés et barista charismatique. Et puis le lieu pour “experts” où vous pourrez choisir votre café selon sa région de production et son profil gustatif, son mode de culture ou sa méthode d’extraction. Mais le cœur battant de Singapour, le café local par excellence, c’est le kopitiam. 

 

Un kopitiam, quèsaco?

Kopi veut dire “café” en langue malaise et tiam veut dire “boutique” en hokkien qui est le dialecte chinois le plus important de Singapour. 40% des Singapouriens d’origine chinoise ont des ancêtres hokkiens, originaires de la province de Fujian dans le sud-est de la Chine. Le mot “kopitiam” est à l’image de Singapour, multiculturelle par essence, puisqu’il faut déjà deux langues pour désigner son lieu de sociabilité le plus emblématique! D’ailleurs, pour commander un café au kopitiam il vous faudra maîtriser quelques mots de vocabulaire essentiels que lepetitjournal.com a compilés ici pour vous faciliter la tâche. 

 

Important: “malais” et “malaisien” ne sont pas synonymes! Un Malaisien est un habitant de la Malaisie. Un Malais appartient à un groupe ethno-linguistique originaire d’Asie du Sud Est. On trouve principalement des personnes malaises en Indonésie, à Singapour, en Thaïlande, à Brunei et en Malaisie. Donc il y a  Malaisiens malais et tous les Malais ne sont pas malaisiens. Vous suivez ?

 

 

Le lieu devient vite un incontournable de la vie quotidienne et on estime que dans les années 1950, il y avait environ 2000 kopitiam à Singapour !

 

 

Des chariots ambulants aux vrais cafés de Singapour

A l’origine, la vente de café était assurée par des vendeurs ambulants souvent bengalis. Puis les premiers kopitiam “en dur” voient le jour au début du XXème siècle. Dans les années 1930, avec la Grande Dépression, de nombreuses boutiques sont inoccupées. C’est alors que des familles originaires de Fuzhou (capitale de la région du Fujian) et de l’île de Hainan se lancent et fondent les premiers kopitiam, profitant des bas loyers. Le lieu devient vite un incontournable de la vie quotidienne et on estime que dans les années 1950, il y avait environ 2000 kopitiam à Singapour !

 

 

Des vendeurs de café ambulants originaires du Bengale. National Archives of Singapore
Des vendeurs de café ambulants originaires du Bengale. National Archives of Singapore

 

 

Des tasses emblématiques aux motifs uniques

Traditionnellement, le kopi était servi dans des tasses en porcelaine assez épaisse, de couleur crème avec des motifs floraux vert et parfois bleu. Elles devaient être robustes car l’activité d’un kopitiam était intense. Faites le calcul: avant-guerre une boisson coûtait entre 2 et 4 centimes et un kopitiam pouvait gagner jusqu’à 70 dollars dans les bons jours! Avant de vous lancer dans l’opération, il faut quand même préciser qu’un kopitiam servait aussi des œufs mollets et des encas dont le fameux “kaya toast” que vous pouvez toujours déguster un peu partout aujourd’hui. La kaya est une préparation typiquement malaise faite à base de noix de coco, oeufs, sucre et feuille de pandan. Tartinée entre deux tranches de pain de mie grillé, elle est un incontournable de la cuisine singapourienne. La recette est ici

 

 

Le plus ancien Kopitiam encore en activité se trouve près de Somerset, au 67 Killiney Road.

 

 

Que reste-t-il des kopitiam d’antan à Singapour? Beaucoup de nostalgie…

La plupart ont disparu malheureusement mais Lepetitjournal.com a sélectionné quelques adresses où vous pourrez retrouver l’atmosphère et le goût d’un kopi d’antan : 

Heap Seng Leong, 10 North Bridge Road

YY Kafei Dian, 37 Beach Road

Ah Seng Hai Nam Coffee, 7 Maxwell Road

Keng Wah Sung, 783 Geylang Road

Chin Mee Chin Confectionary, 204 E Coast Road, depuis 1925!

Nanyang Old Coffee, 268 South Bridge Road

 

 

Nanyang Old Coffee, ou comment raviver la tradition des kopitiam
Nanyang Old Coffee, ou comment raviver la tradition des kopitiam

 

 

Deux autres chaînes ont également beaucoup de succès à Singapour. Il s’agit des très populaires Ya Kun Kaya (depuis 1944)  et Toast Box (créé en 2005).

 

 

Le plus ancien Kopitiam encore en activité se trouve près de Somerset, au 67 Killiney Road. Fondé en 1919, il s’est longtemps appelé Kheng Hoe Heng Coffeeshop, avant d’être racheté par l’un de ses fidèles clients, originaire de Hainan comme les propriétaires fondateurs. En 1992, il est renommé, très logiquement, Killiney Kopitiam. Aujourd’hui, l’entreprise affiche sa devise “ Tradition in every toast, culture in every cup” et possède une cinquantaine de cafés à Singapour mais aussi aux Philippines, en Malaisie, en Indonésie, en Australie et bientôt aux Etats-Unis ! Deux autres chaînes ont également beaucoup de succès à Singapour. Il s’agit des très populaires Ya Kun Kaya (depuis 1944)  et Toast Box (créé en 2005). Toutes ces enseignes se revendiquent de la tradition singapourienne des kopitiam en proposant des plats et boissons à prix très abordables. Ils cultivent par ailleurs une imagerie vintage et nostalgique qui réconforte les anciens, séduit les plus jeunes tout en mettant à l’honneur l’histoire et le patrimoine de Singapour.  

 

 

temple à Singapour
Le célèbre Tong Ah Kopitiam, à la jonction de Teck Lim Road et Keong Saik Road, dans les années 80.  Il  quitte son emplacement original en 2013, après 74 ans d’exercice mais rouvre presque en face…

 

 

Aujourd’hui, Singapour protège son patrimoine et le met à l’honneur

La mémoire et la mise en valeur du patrimoine sont un enjeu primordial à Singapour.  En 60 ans d’indépendance, la cité-état s’est tellement métamorphosée que les habitants ont pu parfois perdre leurs repères, ne plus reconnaître leurs quartiers, leurs styles de vie, leur réalité. Pour lutter contre ce sentiment de dépossession, Singapour se mobilise pour protéger, documenter, raconter et célébrer son patrimoine historique et culturel dès qu’elle le peut. Le kopitiam fait partie de ces lieux emblématiques de la vie singapourienne que personne ne veut voir disparaître. Un musée a d’ailleurs été créé en novembre 2024 pour célébrer la culture des kopitiam. Pour visiter The Singapore Coffee Shop Heritage Gallery, il faut vous rendre au 4ème étage du Foochow Building, 21 Tyrwhitt Road dans le quartier de Jalan Besar. Parmi les 3.000 objets et photographies d’époque exposés, vous retrouverez bien sûr ces petites tasses au motif vert si reconnaissable.

 

 

Kopitam à Singapour

 

 

Les tasses du kopitiam : un souvenir idéal de Singapour?

Si vous voulez acheter des tasses originales d’époque, il vous faudra chiner car elles ne sont pas si faciles à trouver. Voilà quelques adresses spécialisées: Retro Kulture vintage store, Wing Antiques & Collectibles et l’incontournable Treasure at Home et si vous ne trouvez pas, consultez ce site qui regorge de trésors vintage, ils en ont parfois… Des marques proposent aussi des rééditions de ces motifs emblématiques comme chez Hai Seng Porcelain par exemple. En faisant une recherche sur un des grands sites de vente en ligne, vous trouverez aussi d’autres propositions. Si vous n’êtes pas sensibles aux goodies à l’effigie du Merlion ou de Marina Bay Sands, pensez à (vous) offrir ces tasses du kopitiam. Elles sont un souvenir original à rapporter à vos proches qui n’imaginent sûrement pas qu’à Singapour, le bonheur peut être aussi simple qu’un bon kopi!