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SHANGHAI/CULTURE - Le Mao de Claude Hudelot

On se bousculait jeudi soir à la CCIFC pour écouter Claude Hudelot, venu présenter ses derniers travaux. D'abord un livre intitulé en toute simplicité Le Mao. Puis un documentaire consacré au couple qui, dans l'ombre du Grand Timonier, a produit bon nombre des images qui furent ensuite exploitées comme l'on sait. A travers ces 2 documents, Claude Hudelot nous livre une analyse fouillée et pertinente de l'histoire récente de la Chine

Couverture Le Mao (crédit photo Ed Le Rouergue)

L'homme est passionné et passionnant. Cet ancien attaché culturel à Pékin et à Shanghaï, historien et sinologue averti, a découvert la Chine à 22 ans. Parvenu Place Tian An Men au terme d'un long périple, il découvre le grand portrait de Mao qui trône à l'entrée de la Cité Interdite. Partout où il passe, il assiste aux rites qui célèbrent la gloire du "bien-aimé Président Mao", entre lectures du Petit Livre Rouge et danses de loyauté. Nous sommes en juillet 1964. Un culte est né, dont l'orchestration a commencé dès les années 1950. Malgré le tournant de 1979, il est toujours là. D'autant plus vivace qu'il fait marcher le commerce ! Il suffit de se rendre à Taikang Lu ou dans les restaurants branchés de Shanghaï pour en voir les traces, sans cesse réinterprétées. Claude Hudelot et ses co-auteurs, Guy Gallice pour le livre, Jean-Michel Vecchiet pour le film, nous permettent d'en prendre la mesure, à moins que ce ne soit plutôt la démesure.

Une icône dans tous ses états
Photos, affiches, tableaux, statuettes, mugs, assiettes, thermos, badges, médaillons, boîtes en cloisonné, flacons, vases, sacs, livres, et bien sûr billets de banque. L'effigie de Mao est partout. Ce sont 800 images des différentes mises en scène de Mao que le livre nous montre, avec une richesse iconographique remarquable. Une manière pour ses auteurs de démontrer comment le culte de Mao a été élaboré à travers la production d'images. Ou comment fabriquer une icône, qui s'exporte dans l'art occidental avec Godard ou Warhol et finit par donner lieu à une véritable esthétique.

Ce que ces images ne disent pas forcément, c'est l'histoire qui se tisse derrière celle qu'elles sont censées illustrer. Le commentaire des auteurs nous invite à découvrir l'envers du décor, comme le petit film consacré à Hou Bo, la photographe officielle de Mao jusqu'en 1962 et à son mari Xu Xiaobing.

Claude Hudelot (crédit photo Ed Le Rouergue)

Le bouvier et la tisserande
Ces deux-là ont un destin incroyable : la petite paysanne du Shaanxi et le jeune assistant des studios de cinéma de Shanghaï se rencontrent à Yan'an en 1938. Leur histoire d'amour- ils se comparent aux amoureux de la légende du bouvier et de la tisserande- se confond avec celle de la Chine. Ils font partie de l'entourage de Mao de la Longue Marche à la Révolution Culturelle, jusqu'à la disgrâce de Hou Bo, limogée par Jiang Qing, Madame Mao pour ne pas la nommer. Elle n'a été réhabilitée qu'en 1979. Parmi les images reproduites par centaines de milliers sur les objets que l'on trouve encore aujourd'hui, nombreuses sont celles qui proviennent des clichés de Hou Bo. Elle a su montrer Mao à la fois en tant que personnage politique et en tant qu'homme, avec ses enfants notamment. Déjà l'homme public et l'homme privé ne faisaient qu'un. A 74 ans, celle à qui le Président Mao avait dit : "Tu as grandi grâce au millet de Yan'an, maintenant tu dois servir ton pays", sourit encore avec tendresse quand elle évoque le souvenir de Mao. Comme des millions de Chinois aujourd'hui.

Aude Riom (www.lepetitjournal.com ? Shanghai) Lundi 25 janvier 2009

Informations complémentaires
Guy Gallice et Claude Hudelot. Le Mao. Editions du Rouergue