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Recouvrement de créances transfrontalier

Zoom sur l'ordonnance d'injonction européenne et procédures en Italie, avec ses différences par rapport à la France.

un homme en chemise écrit au stylo sur des feuillesun homme en chemise écrit au stylo sur des feuilles
Photo de Scott Graham sur Unsplash
Écrit par Giambrone & Partners
Publié le 13 mars 2024, mis à jour le 19 mars 2024

Le règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 a créé la procédure européenne d'injonction de payer afin de simplifier, d'accélérer et de réduire les coûts des procédures dans les litiges transfrontaliers concernant des créances pécuniaires incontestées (comme indiqué à l'article 1), établissant une procédure commune à tous les États européens. L'injonction de payer européenne est en fait reconnue et exécutée automatiquement dans tous les États membres, à l'exception du Danemark.

Le règlement a prévu d'utiliser des formulaires standard, qui sont facilement disponibles en ligne sur le portail de la Justice Européenne et qui peuvent être téléchargés ou remplis dans la langue souhaitée. Pour cette raison, l’assistance d'un avocat dans cette procédure est facultative, mais en cas d'opposition du débiteur, l'assistance d'un avocat est requise.

Bien entendu, pour pouvoir demander une injonction européenne, il faut se trouver face à un litige transfrontalier (c'est-à-dire un litige dans lequel au moins une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre autre que celui de la juridiction saisie) en matière civile et commerciale.

La créance réclamée par le demandeur n'est pas limitée en montant et doit être liquide (c'est-à-dire précisément quantifiable), exigible (le créancier doit être en droit de recouvrer la créance) et incontestée.
Sont toutefois exclus du champ d'application les litiges en matière fiscale, douanière et administrative ou relatifs à la responsabilité de l'État pour des actes ou omissions commis dans l'exercice de la puissance publique ; ceux relatifs aux faillites, concordats et procédures analogues, aux régimes matrimoniaux, testaments et successions, et à la sécurité sociale.
Sont également exclues les créances résultant d'obligations non contractuelles, sauf si elles ont fait l'objet d'un accord entre les parties ou d'une reconnaissance de dette, ou s'il s'agit de créances liquides. 

En outre, le créancier ne peut opter pour la procédure européenne d'injonction de payer que comme alternative à l'injonction de payer dans son propre pays.
Pour cette raison, il est important de comprendre les principales différences entre les différentes procédures d'injonction. C’est bien clair que la procédure européenne, même si plus rapide par rapport aux procédures « locales », reste vraiment limitée dans l’accès en considérant qu’elle a de réquisits très stricts et nécessite également une intervention sur la juridiction locale en cas d’opposition. Parfois, il est donc préférable de choisir directement la juridiction italienne ou française selon les circonstances.

La procédure d’injonction en Italie « il decreto ingiuntivo »

En Italie, la procédure d'injonction est régie par l'article 633 du code de procédure civile et peut être exécutée par le créancier d'une somme d'argent liquide ou de biens fongibles ou par une personne ayant droit à la livraison d'un bien meuble spécifique (article 633 du code de procédure civile).
En particulier, le décret d'injonction est la mesure légale émise par un juge à la suite d'une demande faite par un créancier et est émise sans contre-interrogatoire, c'est-à-dire sans donner à la partie adverse (le débiteur) l'occasion de présenter ses arguments ou ses preuves.
Toutefois, le créancier doit fournir au juge une preuve écrite de la créance, qui peut être, par exemple, un contrat, un acte sous seing privé, une facture, etc.
La créance, qui, dans ce cas également, doit être certaine, liquide et exigible.

Afin que le décret notifié devienne exécutoire, il faut que 40 jours se soient écoulés sans que le débiteur n'ait exercé son droit d'opposition au moyen d'un acte d'assignation. En outre, ce délai peut être réduit par le juge à 10 jours ou porté à 60 jours en cas de motifs justifiés. Si le débiteur s’oppose à l’injonction, la procédure se transformera dans une cause ordinaire avec ses délais et ses règles.
Les créances jusqu'à 10.000 euros relèvent de la compétence de la justice de paix, tandis que les créances supérieures à ce montant relèvent de la compétence du tribunal ordinaire. En outre, en dessous de 1.100 euros, il n'est pas nécessaire de recourir à un avocat, il est possible d’agir personnellement.

Une fois que le décret d'injonction a été délivré par la juridiction compétente, celui-ci doit être notifié au débiteur dans un délai de soixante jours si la notification est faite sur le territoire national et de quatre-vingt-dix jours dans les autres cas, sous peine d'inefficacité. Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du juge, il sera possible d’agir à travers la saisie des biens du débiteur même.

Injonction de payer en France

L’injonction de payer, prévue aux articles 1405 à 1422 du code de procédure civil français, est une procédure de recouvrement judiciaire qui permet au créancier de demander une ordonnance portant injonction de payer. L’objectif de cette procédure est de parvenir au paiement de la dette.
Pour les créances qui ne dépassent pas 5.000 euros, la procédure simplifiée de recouvrement peut être mise en œuvre par un commissaire de justice (art. L. 125-1 et R. 125-1 C. code proc. civ.).
La procédure d’injonction peut se dérouler devant le Tribunal de commerce ou le Tribunal Judiciaire et peut être engagée dans l’un des cas suivants (article 1405 code proc. civ.) :

  •     La créance a une cause contractuelle dont le montant de la dette doit être inscrit sur le contrat.
  •    D'une créance de caractère statutaire.
  •    L'engagement résulte de l'acceptation ou du tirage d'une lettre de change, de la souscription d'un billet à ordre, de l'endossement ou de l'aval de l'un ou l'autre de ces titres ou de l'acceptation de la cession de créances conformément à la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises.

La créance doit être certaine, liquide et exigible et il est important de vérifier que les délais de recours ne sont pas expirés.  
Bien entendu, avant de procéder à la requête en injonction de payer, une mise en demeure doit être envoyée au débiteur selon l’article 1344 du Code Civil.
Le créancier doit envoyer ou déposer sa demande au greffe de la juridiction compétente qui dépend du type de litige.

  •     S’il s’agit d’un cas général, il faut s’adresser au tribunal judiciaire ou de proximité et la compétence est celle du domicile du débiteur.
  •     S’il s’agit d’une dette entre professionnels dont commerciale, il faudrait s’adresser au président du tribunal de commerce du siège social du débiteur.

La requête, selon l’article 1407 code proc. civ., doit contenir des mentions obligatoires et peut être déposée selon différentes modalités (voie postale, dépôt direct au greffe ou dématérialisée).  
Procédure
La procédure d’injonction de payer ne prévoit pas d’audience et n’est pas contradictoire. Le juge statue selon les éléments fournis par le créancier sans entendre le débiteur.

Il y a donc deux possibilités :
1.    Le juge estime la requête justifiée et rend l’ordonnance d’injonction de payer (art. 1409 code proc. civ.) qui peut être partielle ou totale.  Par conséquent, le greffe remet une copie certifiée et une copie de l’ordonnance au demandeur comportant la formule exécutoire qui aurait valeur de titre exécutoire.  
2.    Le juge rejette la demande. Dans ce cas, le créancier ne dispose d’aucun recours possible, sauf celui du droit commun.
Lorsque l’ordonnance d’injonction de payer est délivrée au créancier, celui-ci devrait recourir à un commissaire de justice afin de faire signifier la requête et l’ordonnance. L’ordonnance devient caduque si n’est pas signifié dans les 6 mois (art. 1411 code proc. civ.).

Opposition du débiteur

Lorsque le débiteur est en désaccord sur l’ordonnance, celui-ci a la possibilité de contester l’ordonnance d’injonction dans le délai d’un mois (art. 1412 code proc. civ.) auprès du greffe qui a rendu l’ordonnance. Le délai d’opposition est suspensif d’exécution.
Le tribunal, à ce point, convoque les parties selon le principe du contradictoire et rendrait un jugement qui remplacerait l'ordonnance.
Le créancier ou le débiteur peuvent contester le jugement en faisant appel si la demande est supérieure à 5.000 euros ; dans le cas contraire, si le montant n’excède pas les 5.000 euros, ils peuvent former un pourvoi devant la Cour de cassation.
En définitive, si le débiteur n’exécute pas l’ordonnance après la signification du titre exécutoire qui est devenue définitive, le créancier peut ordonner l’exécution forcée par le Commissaire de Justice (art. L. 111-7 code proc. civ.).

Comme il est possible de constater, les deux procédures entre la France et l’Italie ne sont pas trop différentes, mais, dans le cas où une injonction européenne ne sera pas possible à suivre, il faudra procéder en choisissant la juridiction nationale adéquate. Le choix n’est pas libre : il faudra évaluer les domiciles de parties, la nature du contrat, s’il y a des clauses contractuelles qui vont déroger la discipline générale etc.

Avv. Giorgio Bianco
Avocat Italien et Français
Partner Giambrone & Partners
Studio Legale Associato

 

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