

Branle-bas de combat dans les rues de Rio suite à l'annonce du passage à l'assemblée législative d'un amendement qui redéfinit, au détriment des États producteurs de pétrole - dont Rio de Janeiro - la distribution des royalties liés à l'exploitation de ces couches pétrolifères récemment découvertes
Des affiches « Contra a covardia, em defesa do Rio » (contre la lâcheté, pour la Défense de Rio) placardées partout, même sur le Christ, une grande manifestation qui réunit, le 18 mars, 150.000 personnes dans le centre de Rio en signe de protestation, les étudiants à Brasilia manifestant devant le Sénat, le gouverneur Cabral qui pleure en public? Mais que se passe-t-il vraiment ?
Rappel : le Pré-Sal, qu'est-ce que c'est ?
Située dans des gisements maritimes off-shore à 4.400 mètres de profondeur, et recouverte d'une épaisse couche de sel de 200 mètres, sur une surface de 800 km de long sur 200 km de large, la manne pétrolière du Pré-sal pourrait représenter 80 milliards de barils de pétrole, soit environ autant que les réserves du Venezuela. En septembre 2009 a été défini l'encadrement de l'exploitation des gisements, dont la création d´une nouvelle entreprise d´État, « Petrosal », pour les administrer. Le partage des royalties entre états, producteurs ou non, est au c?ur du débat qui agite aujourd'hui le Brésil, l'États de Rio en est le chef de file.
Le partage des royalties et ses rebondissements
Rappelons que, constitutionnellement, le pétrole situé sur le territoire brésilien appartient à l'Union des États brésiliens, donc au Brésil. Constitutionnellement aussi, il est prévu que les états et villes concernés par l'exploitation de ce pétrole touchent une participation aux résultats de l'exploitation de ce pétrole, soit des royalties, en dédommagement des impacts environnementaux et sociaux liés à cette exploitation.
Depuis 1998 les villes et états producteurs de pétrole se partageaient 60% des royalties issues de l'exploitation du pétrole, quand l'union en recevait 40%. En décembre, le gouvernement revoyait ce partage des royalties, dans un esprit de redistribution bénéficiant plus largement à l'ensemble des états brésiliens : 30% pour l'Union, 18% pour les états producteurs, 6% pour les villes productrices, et les 46% restants pour les villes et états non producteurs. Ce texte n'avait pourtant pas été voté.

Depuis, craignant que son amendement soit refusé par le Sénat, Ibsen en a proposé une nouvelle version, proposant que l'Union prenne en charge, à ses frais, la perte de revenus induite par son amendement pour les états comme Rio de Janeiro. Le 24 mars 2010, la CNM, confédération nationale des municipalités, proposait une autre solution : la répartition des royalties liées aux exploitations déjà opérationnelles restent inchangée, en revanche la distribution des participations spéciales, la plus grosse part du gâteau, perçue aujourd'hui à 95 % par Rio, serait soumise aux critères de distribution des FPE et FPM. Perte pour Rio dans ce cas de figure : 3,598 Milliards de réais.
Cette nouvelle proposition permet de contourner le principal obstacle juridique opposé à l'amendement Ibsen, en maintenant le principe des royalties prévues par la Constitution. La CNM justifie sa proposition en pariant sur une compensation à moyen terme de la perte induite pour les producteurs, grâce à la fois à l'augmentation du prix du pétrole et à l'augmentation de la production.

Pour Rio, une redistribution des royalties du Pré-sal comme proposé par l'amendement Ibsen impliquerait une perte impressionnante dans ses sources de revenus, estimée à 4,8 milliards de Réais.
Une perte d'autant plus importante qu'une partie de ces royalties a été achetée en avance par l'Union, dans un accord avec le Trésor qui court jusqu'à 2019, permettant à l'État de Rio de capitaliser Rioprevidência, fonds de retraite des fonctionnaires. La plus grande partie des royalties va à ce fonds, l'autre est utilisée à des projets environnementaux. Si Rio ne peut plus honorer ce contrat, l'Union devra prélever dans les recettes provenant des taxes de l'État de Rio.
En outre, les inquiétudes sont grandes quant aux enjeux économiques à venir : privé de ces ressourses, l'État de Rio risque de se trouver dans l'incapacité d'honorer son contrat pour la préparation des Jeux Olympiques de 2016. Selon Carlos Nuzman, président du Comité Olympique Brésilien, « Toute décision qui affecte la capacité de Rio à remplir ses obligations a un impact négatif sur l'organisation des Jeux Olympiques en 2016 et risque d'entrainer une rupture de contrat ». Selon lui le contrat signé avec le Comité Olympique International est devenu une obligation de l'États brésilien. La perte de presque 5 milliards de Réais annuels représente plus que les 4 milliards investis en infrastructures en 2009?
Un amendement démagogique ?
Cette fuite de royalties de l'État de Rio vers les autres états et municipalités du Brésil viendrait gonfler les rangs des sommes distribuées par les FPE et FPM, soit 100 milliards de Réais. 5 milliards supplémentaires à redistribuer représentent-ils une grande différence pour ceux qui en seront bénéficiaires ? Pas sûr?
En période de campagne électorale, les députés des états non producteurs ont peut-être, en revanche, un intérêt à clamer haut et fort qu'ils ont obtenu un partage plus juste de ces ressourses, c'est-à-dire en faveur des états non producteurs. C'est en tout cas un des reproches qu'avancent les Fluminenses?
Cabral et son gouvernement s'accrochent à l'idée que Lula fera jouer son droit de véto pour en revenir à l'accord initial. Affaire à suivre dans les semaines à venir? Le vote du Sénat aura lieu dans un mois.
Marine GUILLERMOU (www.lepetitjournal.com ? Rio de Janeiro) jeudi 8 avril 2010
Plus d'informations sur le site de "Contra a covardia"


































