Cannes, 1989. Steven Soderbergh reçoit la Palme d’or à Cannes pour son premier long-métrage, Sexe, mensonges et vidéo. Trente-cinq films et quatre saisons de séries plus tard, il est devenu une figure incontournable de l’audiovisuel américain. Prolifique, audacieux, Soder- bergh brouille les pistes, enchaînant blockbusters (la tri- logie des Ocean’s, Erin Brockovich, Contagion...) et films intimes (Bubble, Girlfriend Experience...). Il est à l’avant- garde des essais techniques en matière de captation numérique et des innovations économiques pour la pro- duction et la diffusion des films. Réalisateur, chef opéra- teur, cadreur, monteur, producteur et parfois scénariste, il redéfinit les processus de fabrication d’une œuvre.
Dans son dernier ouvrage qui vient de paraître le 16 novembre « Steven Soderbergh, anatomie des fluides », Pauline Guedj brosse un portrait de l’artiste et capture les thématiques qui traversent sa carrière. Explorant le temps, les espaces et les corps, Soderbergh est un observateur du monde contemporain et des mécanismes qui le régissent.
Nous avons posé trois questions à Pauline Guedj, auteure, anthropologue et journaliste, installée aux États-Unis. Elle signe son troisième ouvrage.
Rachel Brunet : Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire sur Steven Soderbergh ?
Pauline Guedj : Après la rédaction de mon précédent ouvrage sur Louis Malle, paru l’année dernière, j’ai souhaité éclairer la trajectoire d’un autre cinéaste. Louis Malle et Steven Soderbergh sont assez différents dans leurs approches mais ils ont quelques points communs. D’abord, ils sont les deux plus jeunes réalisateurs à avoir obtenu la palme d’or au festival de Cannes (25 ans pour Louis Malle, 26 ans pour Steven Soderbergh). Ensuite et surtout, ils sont tous les deux des cinéastes que l’on pourrait qualifier d’éclectiques dans les sujets qu’il porte à l’écran et dans les choix esthétiques qu’ils font pour décortiquer les thématiques qui leur tiennent à cœur. Sans chercher à dresser une comparaison entre leurs deux approches, j’ai voulu me plonger dans la filmographie de Soderbergh comme je l’avais fait pour celle de Malle, afin de dégager les spécificités de son regard sur l’art, le cinéma et le monde qui nous entoure.
Pour vous, qui est Steven Soderbergh ?
Depuis la fin des années 1990, Steven Soderbergh est une figure incontournable du cinéma américain. Il est l’auteur de blockbusters qui ont révélé certains acteurs, comme Traffic, Erin Brockovich ou la trilogie des Ocean’s. Il est aussi le créateur de films beaucoup plus intimistes qui n’hésitent pas à flirter avec le documentaire, comme Bubble et The Girlfriend Experience. Par ailleurs, Soderbergh cumule les fonctions de réalisateur, chef opérateur, cadreur, monteur, parfois scénariste, et producteur, ce qui lui permet d’exercer un contrôle quasi-total sur ses œuvres et de soutenir les projets de ses collaborateurs et amis. A ce titre, il est à Hollywood un artiste de poids dont l’avis est souvent pris en compte au-delà des projets dans lesquels il est investi. Steven Soderbergh expérimente de nouveaux modèles de production et de diffusion des films, de nouvelles caméras, de nouveaux dispositifs de tournage et sans cesse il se remet en question et surprend. Enfin, et c’est aussi ce qui m’intéresse dans le livre, Soderbergh est un fin observateur de la société américaine, du monde contemporain et de sa mise en réseaux à-travers des dynamiques transnationales.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous parlez de « fluides » pour décrire son oeuvre cinématographique ?
Dans le livre, j’ai retenu la notion de « fluides » comme un fil conducteur de son œuvre cinématographique. Soderbergh se caractérise d’abord par une fluidité dans sa pratique même du cinéma. Il passe d’un genre à l’autre. Entre la comédie, le film noir, la science-fiction et le film d’horreur, rares sont les genres qu’il n’a jamais abordés. Sur le tournage, il passe aussi d’une fonction à l’autre. Imaginant déjà le montage pendant qu’il capte les images et se projetant à nouveau dans le cadrage alors qu’il monte. Ensuite, dans les thèmes qu’il traite et la manière dont il les porte à l’écran, Soderbergh s’intéresse à la fluidité du monde. Le livre se construit autour de trois parties. La première se concentre sur l’idée du temps et sur la manière dont le réalisateur cherche à mettre en image une pensée qui circule entre les espaces temps. La seconde évoque la notion de corps et suit le regard de Soderbergh sur la constante redéfinition des identifications raciales ou de genre. Enfin, la troisième s’intéresse à la mise en réseau du monde en analysant les films de Soderbergh que j’appelle globaux (Traffic, Contagion, The Laundromat, Che) qui sont autant de réflexions sur la mondialisation et sur le capitalisme.
Pour commander « Steven Soderbergh, anatomie des fluides » de Pauline Guedj
Pauline Guedj