Édition New York

Le Canada peut-il vraiment devenir le 51ème État américain ?

L'idée que le Canada puisse devenir un jour le 51e État des États-Unis semble absurde... ou pas tant que ça ? Entre rumeurs, pressions économiques et hypothèses géopolitiques, nous avons interrogé, pour démêler le vrai du faux, Romuald Sciora, chercheur associé à l'IRIS, directeur de l'Observatoire politique et géostratégique des États-Unis et spécialiste des relations transatlantiques et de la politique américaine.

drapeaux usa et canadadrapeaux usa et canada
© Unsplash
Écrit par Léa Degay
Publié le 20 mars 2025, mis à jour le 24 mars 2025

Le Canada pourrait-il devenir le 51ème État des États-Unis ?

Intox.

Techniquement, ce ne serait pas un 51ème État, car le Canada est composé de plusieurs provinces et territoires. Si une telle intégration devait avoir lieu, chaque province deviendrait un État à part entière au sein des États-Unis. Donc, on ne parlerait pas d’un 51ème État, mais plutôt d’une dizaine de nouveaux États. 

 

Les Canadiens veulent-ils rejoindre les États-Unis ?

Intox.

Aujourd’hui, 90 % des Canadiens sont opposés à l'idée de rejoindre les États-Unis. Cependant, une légère évolution est observable : il y a quelques mois, seuls 6 % des Canadiens se disaient favorables à cette option, et aujourd’hui, ce chiffre grimpe à près de 10-12 %, selon une étude en cours de l'Université du Québec à Montréal. 

 

Donald Trump met-il en place une pression économique pour pousser le Canada vers une intégration ?

 

make america great again

 

Info (ou presque). 

Si Donald Trump ne parle pas ouvertement d’annexion, sa politique économique vis-à-vis du Canada est extrêmement agressive. Il met une pression économique maximale sur le Canada, ce qui pourrait entraîner la suppression de plus de 110.000 emplois dans certaines provinces. L'idée est de rendre l'économie canadienne tellement fragile que certaines régions finissent par envisager une alternative, comme un rattachement aux États-Unis. L’objectif ? Forcer les provinces les plus fragilisées à revoir leur relation avec Washington et potentiellement se détacher du gouvernement fédéral canadien. Certaines régions, notamment dans l’ouest du pays (Alberta, Saskatchewan) dépendent énormément des exportations vers les États-Unis et pourraient être tentées par un rapprochement.

 

Certaines provinces pourraient-elles volontairement quitter le Canada pour rejoindre les États-Unis ?

Info (en théorie).

Contrairement aux États-Unis, où une sécession est illégale (la dernière tentative a mené à la guerre de Sécession), une province canadienne a le droit d’organiser un référendum pour quitter la fédération. C’est ce qu’a tenté le Québec en 1980 et en 1995, avec des référendums sur l’indépendance. Si une province décidait de quitter le Canada et que les États-Unis lui offraient une adhésion, ce serait légal en théorie. En pratique, cela provoquerait une crise politique sans précédent au Canada et des réactions internationales. Ce scénario reste donc très peu probable aujourd’hui. 

 

Une annexion forcée par les États-Unis est-elle envisageable ?

 

canada américain

 

Théoriquement possible, mais peu probable.

L’administration Trump a déjà évoqué l’idée d’une annexion du Groenland, ce qui montre un changement d’ère en matière de relations internationales. Cela souligne même l’appétit grandissant des États-Unis pour l’expansion territoriale sous des formes variées. J’y vois des similitudes avec l’Anschluss de 1938, lorsque l’Allemagne nazie a annexé l’Autriche sous prétexte de protéger sa population, une sorte d’annexion amicale. 

Si une telle hypothèse semble aujourd’hui hautement spéculative, elle repose néanmoins sur des éléments concrets. Militairement, le Canada est largement dépendant des États-Unis, notamment en matière de défense aérienne, qui s’appuie sur des technologies américaines. Une crise majeure pourrait offrir à Washington l’occasion d’intervenir sous couvert de la protection des intérêts américains, tout comme une pression économique intense pourrait inciter certaines provinces canadiennes à considérer une intégration aux États-Unis non plus comme une menace, mais comme une opportunité. Bien que le spectre d’une invasion militaire directe demeure improbable, ces parallèles troublants avec le passé rappellent combien la géopolitique est mouvante et comment les rapports de force internationaux peuvent évoluer de manière inattendue.

 

Les Canadiens gagneraient-ils au change en devenant américains ?

Intox sauf pour les ultra-libéraux.

Les Canadiens bénéficient d’un système de santé public universel, de politiques sociales plus généreuses et d’un coût des études largement inférieur à celui des États-Unis. En devenant américains, ils perdraient ces avantages… mais gagneraient un passeport US, un accès facilité au marché du travail américain et une fiscalité plus légère (selon les États). Pour une partie de la population, notamment les entrepreneurs, ce serait tentant.

 

Les alliés du Canada réagiraient-ils à une annexion par la force ?

Intox. 

Contrairement à une invasion du Groenland, qui entraînerait de fortes réactions européennes, une annexion du Canada ne provoquerait probablement pas d’intervention militaire de ses alliés. La réponse européenne se limiterait sans doute à des sanctions économiques symboliques. 

 

Le Canada pourrait-il rejoindre l’Union européenne en tant que 28e membre ?

 

canada union européenne

 

Intox (mais pas totalement absurde).

Le Canada n’est pas un pays européen, et l’Union européenne n’a jamais accepté de membres en dehors du continent (excepté les territoires d’outre-mer liés à des États membres). Mais sur le plan des valeurs, de l’histoire et des alliances, le Canada partage bien plus avec l’Europe qu’avec son voisin américain. Si une adhésion officielle reste impossible, un statut spécial d’“État partenaire privilégié” pourrait émerger, avec une intégration renforcée dans certains domaines, notamment la défense, l’économie et la politique étrangère. Ce modèle pourrait s’inspirer de la relation entre l’UE et le Royaume-Uni post-Brexit par exemple. En bref, dans les prochaines années, le rapprochement avec l’Europe va s’accélérer, notamment dans le domaine militaire et économique, ce qui n’est pas une mauvaise chose.

 

Alors un Canada américain, rêve ou cauchemar ? Pour l’instant, le scénario reste largement improbable, mais il ne relève plus entièrement de la science-fiction. Trump a déjà changé les règles du jeu géopolitique, et les tensions économiques entre Washington et Ottawa ne font qu’augmenter. Si une pression économique massive venait à s’installer, une crise interne pourrait pousser certaines provinces à reconsidérer leur avenir… mais une annexion militaire resterait un scénario extrême. Alors, 51e État ou pas ? Aujourd’hui, la réponse est non. Mais dans 10, 20 ou 30 ans, qui sait…

 

L'annuaire à New York